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09/02/2018 | FRANCE | N°17BX02938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 09 février 2018, 17BX02938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime en date du 10 janvier 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1700211 du 3 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au tribunal administratif de Poitiers le 2 juin 2017, transmise

à la cour par ordonnance du président de ce tribunal en date du 28 août 2017, ainsi que par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime en date du 10 janvier 2017 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n°1700211 du 3 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée au tribunal administratif de Poitiers le 2 juin 2017, transmise à la cour par ordonnance du président de ce tribunal en date du 28 août 2017, ainsi que par un mémoire enregistré le 7 novembre 2017, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 3 mai 2017, ainsi que l'arrêté en date du 10 janvier 2017 du préfet de la Charente-Maritime ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant qu'il ne contribuait pas à l'entretien et à l'éducation de ses enfants : il est père de deux enfants de nationalité française, et leur mère, son ex-compagne, l'empêche de les voir quand il en fait la demande ; il a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle afin d'obtenir un droit de visite, et a obtenu un droit de visite en lieu médiatisé qu'il honore dès qu'il le peut ; en outre, il ne peut lui être reproché de ne pas contribuer financièrement à leur éducation dès lors que sa situation administrative l'empêche de trouver un emploi ;

- le préfet a considéré, à tort, qu'il constituait une menace pour l'ordre public alors qu'il est constant qu'il est lourdement handicapé et que le seul fait qu'il a été incarcéré ne peut justifier l'existence d'une telle menace ; il a d'ailleurs, par le passé, obtenu des renouvellements de son titre sans que ce motif ne soit opposé ;

- la décision portant refus de titre de séjour porte également atteinte au respect de son droit à une vie privée et familiale en France où il vit depuis seize années et où vivent ses deux enfants ; il parle couramment le français et a cherché à s'intégrer dans la société française par le travail ; son état de santé l'empêche, par ailleurs, de retourner en Egypte, dès lors qu'il est handicapé en raison des séquelles d'une tentative de suicide ; enfin, il n'a plus de contact avec sa famille restée en Egypte.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2017, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- à titre principal, la requête d'appel est tardive : le jugement a été notifié le 11 mai 2017 et la requête d'appel présentée par un avocat a été enregistrée devant la cour le 3 novembre 2017 ;

- à titre subsidiaire, il n'a commis aucune erreur d'appréciation en refusant de renouveler son titre de séjour en qualité de parent d'enfants français dès lors qu'il est constant que M. A...ne justifie pas contribuer à l'éducation et l'entretien de ses enfants comme en témoigne son ancienne épouse ainsi que ses divers séjours en prison et à l'hôpital ; la commission du titre de séjour a d'ailleurs émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour ; il constitue, en outre, une menace à l'ordre public comme en attestent ces quatre condamnations pénales, notamment deux condamnations à un an et dix mois d'emprisonnement pour des faits de transport, détention, acquisition non autorisée de stupéfiants et contrebande de marchandises prohibées ; il s'est également évadé de rétention administrative en 2005 et a fait l'objet de recherches pour des faits d'usurpation d'identité et d'escroquerie en 2007 ; enfin, il a fait l'objet d'une condamnation à sept mois d'emprisonnement pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme postérieurement à l'arrêté attaqué ;

- par ailleurs, il n'est pas prouvé que son état de santé imposerait sa présence en France et qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins en Egypte ; enfin, le requérant a conservé des attaches familiales en Egypte où, par ailleurs, il n'établi pas être menacé personnellement.

Par ordonnance du 4 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 29 décembre 2017 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvande Perdu a été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...est un ressortissant égyptien né le 29 juillet 1982 à Alexandrie (Egypte). Il est entré en France le 10 août 2001 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour délivré par les autorités consulaires françaises en Egypte. Il s'est ensuite maintenu en France en situation irrégulière jusqu'en 2005, et a fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière en date du 20 août 2005. Il s'est évadé, le 21 août 2005, du centre de rétention dans lequel il avait été placé en vue de l'exécution de sa reconduite. Un nouvel arrêté de reconduite à la frontière a été pris à son encontre par le préfet de l'Essonne le 12 juin 2006. En janvier 2007, M. A...a épousé une ressortissante française. Il a bénéficié d'un titre de séjour " conjoint de français " le 17 septembre 2007, avant que leur divorce ne soit prononcé en mai 2008. Il a noué une relation avec une autre ressortissante française, de laquelle deux enfants sont nés, respectivement en 2009 et 2011. Il a obtenu des titres de séjour en qualité de parent d'enfants français, régulièrement renouvelés, du 17 juillet 2009 au 16 juillet 2012. Il a demandé en 2015 le renouvellement de son titre de séjour et a obtenu un récépissé de demande de titre. Par arrêté en date du 10 janvier 2017, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de renouveler son titre de séjour mention " parent d'enfant français " et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant le pays de renvoi. M. A...interjette appel du jugement du 3 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est père de deux enfants français, Donya et AlyA..., nés respectivement le 17 juillet 2009 et le 15 avril 2011, dont la mère est de nationalité française. Si l'intéressé soutient qu'il tente de maintenir un lien avec ses enfants mais que son ex-compagne l'en empêche, qu'il a saisi le juge aux affaires familiales afin d'obtenir l'exercice conjoint de l'autorité parentale ainsi qu'un droit de visite, et qu'il contribue à leur entretien dans la limite de ses possibilités financières, il ressort toutefois des mêmes pièces que, par un jugement du 14 juin 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de La Rochelle a retenu que M. A..." n'a pas vu ses enfants pendant près de deux ans et ne démontre pas qu'il a entrepris des démarches pour maintenir des liens avec ceux-ci " et que " il existe un réel défaut d'investissement " du requérant, et l'exercice de l'autorité parentale est exclusivement accordée à la mère. En outre, si un droit de visite mensuel en lieu neutre a été octroyé à l'appelant, ce dernier ne produit aucun élément, à l'exception d'une seule attestation de visite en date du 5 novembre 2016 à l'espace de rencontre parent-enfants de l'association AFAS, permettant d'attester qu'il exerce ce droit de visite de manière régulière. Le préfet de la Charente-Maritime produit encore à l'instance une attestation de la mère des enfants, datée du 18 avril 2016, selon laquelle M. A...ne verse aucune contribution pour l'éducation des enfants et n'exerce pas son droit de visite.

4. Si M. A...conteste également l'appréciation du préfet selon laquelle sa présence constituerait une menace pour l'ordre public faisant obstacle à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de quatre condamnations pénales, dont deux condamnations à un an et dix mois d'emprisonnement ferme, prononcées en 2008 et 2011, pour des faits de transport, détention, acquisition non autorisée de stupéfiants, commis en récidive en 2011, et contrebande de marchandises prohibées, et qu'il était d'ailleurs de nouveau incarcéré pour purger une peine de sept mois d'emprisonnement, pour des faits de violences avec armes commis le 24 mai 2017, postérieurement à l'édiction de l'arrêté attaqué, lorsqu'il a formé un recours contre le jugement attaqué du tribunal administratif de Poitiers. La menace que la présence de M. A...sur le territoire français constitue pour l'ordre public est ainsi établie.

5. Dans ces conditions, M.A..., n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Charente-Maritime, en refusant de lui délivrer un titre en qualité de parent d'enfant français, a fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Aux termes, par ailleurs, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2.- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...)".

7. M. A...soutient qu'il vit en France depuis seize années, qu'il a deux enfants français, qu'il n'a plus de contact avec sa famille en Egypte et qu'il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé et a obtenu l'allocation pour adulte handicapé. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que si M. A...est entré en France en 2001 et s'y est maintenu irrégulièrement jusqu'en 2007 où il a obtenu un premier titre de séjour à la suite de son mariage avec une ressortissante de nationalité française, il a ensuite obtenu un titre de séjour, en qualité de parent d'enfant français, en juillet 2009, titre régulièrement renouvelé jusqu'en juillet 2012. En outre, si le requérant se prévaut de la présence sur le territoire de ses deux enfants de nationalité française, il ne démontre pas, comme il a été indiqué précédemment au point 3, qu'il contribue effectivement à leur éducation et à leur entretien. Enfin, il ne justifie pas, par la production d'un bulletin d'hospitalisation de 2014, de décisions d'octroi de l'allocation adulte handicapé et de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, de ce que son état de santé nécessiterait un suivi médical en France dont il ne pourrait bénéficier en Egypte.

8. Dès lors, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, et eu égard aux conditions de séjour de M. A...qui, par ailleurs, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son père ainsi que ses frères et soeurs, le refus de titre attaqué n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle et familiale de M.A....

9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par le préfet, M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2017. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 février 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX02938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02938
Date de la décision : 09/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : SARL RABESANDRATANA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-02-09;17bx02938 ?
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