La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2018 | FRANCE | N°17BX03982

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 16 mars 2018, 17BX03982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet des Landes du 9 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ainsi qu'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1702254,1702258 du 15 novembre 2017, le magistra

t désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté l'ensemble de ces...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet des Landes du 9 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé ainsi qu'une décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1702254,1702258 du 15 novembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 décembre 2017 et le 29 janvier 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 novembre 2017 ainsi que les arrêtés contestés ;

2°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas établi que l'auteur des décisions disposait d'une délégation de signature ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale et entachée d'erreur de droit dans la mesure où il n'entre dans aucun des cas prévus par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en outre, la décision est également dépourvue de base légale et entachée d'erreur de fait dès lors que le préfet ne s'est pas prononcé sur sa demande de titre de séjour : l'appelant s'est déplacé et a adressé un courrier tendant à connaître l'état d'instruction de sa demande de titre et a produit un contrat de travail et des fiches de paie ; il a souhaité obtenir le renouvellement de son récépissé ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en portant au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;

En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale ;

- elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il présente des garanties et souhaite vivre en France, et qu'il a engagé des démarches pour régulariser sa situation ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de 1'article L. 313-ll du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle porte une atteinte disproportionnée à son droit à la protection de la vie privée et familiale : il est inséré dans la société, a travaillé et dispose d'une promesse d'embauche et a de la famille qui vit en France ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que des membres de sa famille résident en France sous couvert de titres de séjour et que d'autres ont la nationalité française ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour pour une durée de deux ans :

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle retient que l'appelant s'est maintenu irrégulièrement en France alors qu'il a déposé une demande de titre de séjour ;

- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle fait abstraction de la vie qu'il a développée en France ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation dès lors qu'il est inséré dans la société et souhaite travailler ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 Janvier 2018, le préfet des Landes conclut au rejet de la requête de M.A.... Il fait avoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume du Maroc du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- et les observations de MeB..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant marocain né le 28 mai 1981, est entré régulièrement en France le 9 août 2012 sous couvert d'un visa touristique valable 30 jours. A la suite du dépôt d'une demande de titre de séjour, il a bénéficié d'un récépissé de demande de carte de séjour valable du 27 septembre 2016 au 26 mars 2017. A la suite de son interpellation par les services de police de Dax le 9 novembre 2017 pour une infraction au code de la route, il était constaté que M. A...était en possession d'un passeport marocain périmé depuis le 1er octobre 2017 et d'un récépissé de première demande de titre de séjour, valable jusqu'au 26 mars 2017, délivré par le préfet du Val d'Oise. Par un arrêté en date du 9 novembre 2017, le préfet des Landes l'a notamment obligé à quitter le territoire français sans délai et, par un arrêté du même jour, il l'a assigné à résidence. M. A...interjette appel du jugement du 15 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté l'ensemble de ses demandes dirigées contre ces deux arrêtés.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée ct du séjour des étrangers ct du droit d'asile : " 1. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Étal membre de l'Union européenne, d'un autre Étal partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

3. L'autorité administrative peut prononcer une obligation de quitter le territoire français lorsque, en vertu de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable aux faits du litige, le silence gardé pendant quatre mois sur une demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour a fait naître une décision implicite de rejet, sans qu'il lui soit impératif d'opposer au préalable un refus explicite de titre de séjour. Dans ce cas, il lui incombe toutefois de motiver sa décision en indiquant les circonstances de fait et les considérations de droit qui la justifient, sans qu'elle puisse se borner à motiver sa décision par référence à l'existence d'un refus implicite de titre de séjour.

4. Il résulte en outre des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'une obligation de quitter le territoire français consécutive à un refus de délivrance d'un titre de séjour doit être fondée sur le 3° du I de cet article.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré sur le territoire français sous couvert d'un visa touristique valable jusqu'au 6 septembre 2012 et muni d'un passeport dont la validité a expiré le 1er octobre 2017. S'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa, il ressort également de la motivation de l'arrêté du préfet des Landes portant obligation de quitter le territoire français que le requérant a déposé une demande de titre de séjour auprès du préfet du Val d'Oise et qu'un récépissé de première demande de carte de séjour, valable du 27 septembre 2016 au 26 mars 2017, lui a été délivré. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, et notamment pas de la motivation de l'arrêté, qu'un refus explicite de titre ait été opposé à M.A.... Compte tenu du délai écoulé entre le dépôt de la demande de titre et l'arrêté attaqué, M. A...doit être regardé comme ayant fait l'objet d'un refus implicite de titre de séjour.

6. La situation de M.A..., qui a présenté une demande de titre de séjour, n'entrait pas dans les prévisions du 2° du I de cet article contrairement à ce que le préfet fait valoir à la suite du jugement attaqué mais dans celles du 3° du I. De plus, ainsi que le soutient également M.A..., le préfet des Landes n'a pas tenu compte de la demande de titre qu'il a déposée. Aussi bien, le préfet n'a nullement indiqué dans la décision l'obligeant à quitter le territoire français les circonstances de droit ou de fait qui justifiaient le refus implicite opposé à sa demande. Dans ces conditions, M. A...est fondé à soutenir que l'arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, fondé expressément sur les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est entaché d'erreur de droit et dépourvu de base légale.

7. Par voie de conséquence, M. A...est fondé à soutenir que les décisions distinctes refusant de lui accorder un délai pour quitter le territoire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement, qui sont dépourvus de base légale, doivent également être annulés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné, a rejeté l'ensemble de ses demandes d'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Et, par ailleurs, aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

10. L'annulation de la mesure d'éloignement dont M. A...a fait l'objet implique seulement que le préfet des Landes, après avoir muni ce dernier d'une autorisation provisoire de séjour, procède à un nouvel examen de la situation de l'intéressé, dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification de cet arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...d'une somme de 1 500 euros, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702254,1702258 du 15 novembre 2017 du tribunal administratif de Pau et les arrêtés du préfet des Landes du 9 novembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Landes de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans les délais de, respectivement, quinze jours et deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, au préfet des Landes et à MeB....

Délibéré après l'audience du 9 février 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme D...perdu, premier conseiller,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 16 mars 2018.

Le rapporteur,

Syvande PerduLe président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX03982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03982
Date de la décision : 16/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : BORDES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-16;17bx03982 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award