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30/03/2018 | FRANCE | N°16BX00931;16BX01003

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 30 mars 2018, 16BX00931 et 16BX01003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 février 2013 par lequel le maire de Toulouse a délivré à la société LP Promotion un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de deux bâtiments composés de 51 logements sur un terrain situé 19-21 rue Paul Valery, à Toulouse (31200), ensemble la décision du maire de Toulouse du 17 juin 2013 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1303439 du 22 janvier 2016, le tribuna

l administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 12 février 2013, ensemble la décisi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme F...A...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 12 février 2013 par lequel le maire de Toulouse a délivré à la société LP Promotion un permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de deux bâtiments composés de 51 logements sur un terrain situé 19-21 rue Paul Valery, à Toulouse (31200), ensemble la décision du maire de Toulouse du 17 juin 2013 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1303439 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 12 février 2013, ensemble la décision rejetant le recours gracieux formé à son encontre, en tant que ces décisions concernaient le bâtiment B du projet, a fixé à deux mois, en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, le délai dans lequel la société LP Promotion pourrait déposer une demande de permis de construire modificatif, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête n° 16BX00931 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 23 mars 2016, le 12 octobre 2016 et le 14 décembre 2017, M. et MmeA..., représentés par Me D... -H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 en tant qu'il ne prononce qu'une annulation partielle de l'arrêté du 12 février 2013 et d'annuler le permis délivré dans son ensemble, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé à son encontre ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a commis une erreur en ne prononçant qu'une annulation partielle dès lors que le projet forme un ensemble immobilier unique, indivisible, en raison des liens physiques unissant les deux bâtiments (réseaux, places de stationnement) ; en effet, l'accès au parking est prévu sous le bâtiment B, et l'annulation prononcée ne permet pas d'identifier la partie du sous-sol concernée ; s'il n'y a plus de parking en sous-sol, le bâtiment A méconnaît alors les règles relatives aux places de stationnement article 12 (UB 2) ; en outre, l'annulation prononcée à un impact sur le bâtiment A : des logements sociaux vont être enlevés du bâtiment A pour être prévus dans le bâtiment B ; or, les places de stationnement sont minorées pour les logements sociaux, et cela aura pour conséquence d'augmenter le nombre de places de stationnement dévolues à ce bâtiment A ;

- par ailleurs, le dossier de demande de permis méconnaît les dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme dès lors que le projet architectural décrit de manière insuffisante l'environnement du projet et ne mentionne notamment pas un chemin réservé aux piétons et aux cyclistes, alors que cette précision pouvait modifier l'appréciation du service instructeur ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article 3.2.1 des dispositions communes du plan local d'urbanisme relatives à la sécurité de l'accès privatif du projet à la voie publique ;

- il méconnaît également les dispositions de l'article 4.4.1 des dispositions communes du plan local d'urbanisme relatives à l'aire de présentation des conteneurs dès lors que des plots sont situés sur le trottoir et compromettront l'accès auxdits conteneurs ;

- les dispositions de l'article 8 des dispositions communes du plan local d'urbanisme ont également été méconnues ;

- le permis de construire ne respecte pas les dispositions de l'article 7 des dispositions spécifiques à la zone UB2 du plan local d'urbanisme relatives aux limites séparatives : à cet égard, le débord du toit n'est pas concerné par les règles de distance prévues dans le PLU, lesquelles déterminent la composition du bâti (paysage urbain plus ou moins aéré) ; la toiture n'est pas davantage considérée comme une saillie dans le plan local de cette commune ; le projet, en ce qu'il concerne le bâtiment A méconnaît donc ces dispositions ;

- par ailleurs, les critiques dirigées contre le jugement, dans l'appel incident formé par la commune, doivent être rejetées ; la demande de permis modificatif n'a pas été déposée avant l'audience et, par suite, la solution dégagée par le Conseil d'Etat en 2017, dans sa décision n° 398867, n'est pas transposable ;

- enfin, si la méconnaissance des dispositions de l'article 7 du PLU était retenue : aucune application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, demandée par la société titulaire du permis, ne pourrait être opérée, ce vice affectant l'économie générale du projet et nécessitant une révision complète de l'ensemble du projet.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 4 juillet 2016 et le 7 juillet 2017, la commune de Toulouse, représentée par MeC..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement du 22 janvier 2016 et demande à la cour de mettre à la charge des appelants une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- elle a été saisie d'une demande de permis de construire modificatif, le 24 décembre 2015, visant à modifier la répartition des logements sociaux entre les bâtiments A et B et un permis modificatif a été délivré le 21 janvier 2016 ; informé de cette délivrance, le tribunal a tout de même annulé le permis initial en ce qui concerne le bâtiment B, au motif d'une méconnaissance des dispositions de l'article 2 UB 1 du PLU ;

- à titre principal, la requête d'appel doit être rejetée : la construction d'une entrée souterraine prévue pour accéder aux places de stationnement du projet, sous le bâtiment B, demeure réalisable, tandis que le nombre de places de stationnement dépasse les exigences du PLU ; la partie identifiable du projet, qui a été annulée, pouvait faire l'objet d'un permis modificatif : il n'y avait donc aucun obstacle à ce qu'une annulation partielle soit prononcée ;

- à titre subsidiaire, le jugement doit être annulé :

- il est entaché d'irrégularité dès lors que la note en délibéré produite le 7 janvier 2016 contenait un élément nouveau, à savoir le dépôt d'une demande de permis modificatif afin de tenir compte des conclusions du rapporteur public et le permis modificatif délivré le 18 janvier 2016 a été transmis au greffe le 21 janvier 2016, veille de la date de lecture du jugement ; ces éléments obligeaient le tribunal à rouvrir l'instruction ;

- en outre, la note en délibéré transmise le 21 janvier 2016 n'est pas visée dans le jugement attaqué, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- par ailleurs, le motif d'annulation retenu n'est pas fondé : l'article 2 UB 1 devant s'entendre comme s'appliquant à une unité foncière, terrain d'un seul tenant comprenant éventuellement plusieurs parcelles cadastrales, et le projet, dans son ensemble, respecte ces dispositions ; en tout état de cause, le permis modifié a régularisé le permis initial sur ce point ;

- enfin, aucun des autres moyens repris en appel n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 20017 et un mémoire, enregistré le 13 février 2018, la société LP Promotion, représentée par MeE..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête d'appel des épouxA..., à l'annulation du jugement en tant qu'il a prononcé une annulation partielle de l'arrêté du 12 février 2013, à titre subsidiaire, à ce que la cour prononce un sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans l'attente de l'obtention d'un permis de construire modificatif si l'un des moyens étaient considérés comme fondés, et demande à la cour de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société fait valoir que :

- à titre principal, le jugement retient un motif unique qui n'est pas fondé et qui, au demeurant, a fait l'objet d'une régularisation en cours d'instance dont la juridiction n'a pas tenu compte ;

- il ne tient pas compte du PCM délivré le 18 janvier 2016 ni de la note en délibéré du 21 janvier 2016, laquelle n'est même pas visée ;

- il a omis de statuer sur un moyen soulevé en défense, à savoir la demande de sursis à statuer en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le moyen retenu n'est pas fondé : la règle dont l'application est discutée porte sur une simple affectation des logements (privés ou sociaux) et non sur une règle d'emprise ou d'occupation des sols ; l'article 2.1 du règlement de la zone UB1 impose bien un pourcentage de logements sociaux par opération de construction sur une unité foncière ce qui conduit à une appréciation globale, comme pour l'application d'autres articles du PLU (article 8 par exemple); l'objectif de cette règle est bien la production d'un nombre de logements sociaux sur le territoire de la commune, et ces dispositions tendent à accroître la proportion de logements sociaux en fonction de la taille de l'opération ; la lettre et la finalité de ces dispositions ont donc été méconnues par les premiers juges ;

- en tout état de cause, le vice éventuel a été régularisé par le permis de construire modificatif délivré le 18 janvier 2016 ;

- à titre subsidiaire, aucun des moyens soulevés n'est fondé : le chemin piétonnier figure dans les photographies jointes à la demande de permis, les dispositions des articles 3, 4.4.1 et 8 du PLU ne sont pas méconnues ; les dispositions de l'article 7 ne sont pas davantage méconnues et, en tout état de cause, le PCM du 18 janvier 2016 a également régularisé ce vice, tandis que la parcelle du terrain d'assiette du projet qui se situait en zone UB2 est aujourd'hui en secteur UI1 dans lequel une dérogation est admise pour les débords de toiture ;

- dans l'hypothèse où l'un des moyens soulevés était considéré comme fondé, il est demandé à la cour de sursoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et d'accorder un délai au pétitionnaire afin de régulariser ledit vice.

Par ordonnance du 12 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2018 à 12h00.

II - Par une requête n° 16BX01003 et des mémoires complémentaires, enregistrés le 13 mars 2016, le 3 août 2017 et le 13 février 2018, la société LP Promotion, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 en tant qu'il a prononcé l'annulation partielle d'une part du permis de construire qui lui a été délivré le 12 février 2013 et d'autre part de la décision de rejet du recours gracieux formé à son encontre ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et MmeA... ;

3°) de mettre à la charge des époux A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le permis modificatif délivré le 18 janvier 2016 n'a pas été pris en compte alors qu'une note en délibéré du 7 janvier informait le tribunal du dépôt de cette demande et que ledit permis modificatif a été produit avant la lecture du jugement et qu'il a exercé une influence sur le sens de l'affaire ; le jugement rendu ne vise même pas la note en délibéré du 21 janvier 2016 (CE, 30 mars 2015, n° 369431) ;

- le tribunal n'a pas statué sur un moyen soulevé en défense ;

- le moyen retenu par le tribunal n'est pas fondé : la règle dont l'application est discutée porte sur une simple affectation des logements (privés ou sociaux) et non sur une règle d'emprise ou d'occupation des sols ; l'article 2.1 du règlement de la zone UB1 impose bien un pourcentage de logements sociaux par opération de construction sur une unité foncière, ce qui conduit à une appréciation globale, comme pour l'application d'autres articles du PLU (article 8 par exemple); l'objectif de cette règle est bien la production d'un nombre de logements sociaux sur le territoire de la commune, et ces dispositions tendent à accroître la proportion de logements sociaux en fonction de la taille de l'opération ; la lettre et la finalité de ces dispositions ont donc été méconnues par les premiers juges ;

- en tout état de cause, ce vice a été régularisé par le permis de construire modificatif délivré le 18 janvier 2016 ;

- enfin, aucun des moyens soulevés par les époux A...à l'encontre du permis de construire, afin d'obtenir son annulation totale, n'est fondé.

Par deux mémoires enregistrés le 4 juillet 2016 et le 7 juillet 2017, la commune de Toulouse, représentée par MeC..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 et demande à la cour de mettre à la charge de M. et Mme A...une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- le jugement rendu est irrégulier dès lors que, d'une part, la note en délibéré produite par la commune le 21 janvier 2016, qui fait état d'un élément nouveau à savoir la délivrance d'un permis de construire modificatif, afin de tenir compte des conclusions prononcées par le rapporteur public à l'audience du 18 décembre 2015, modification qui n'aurait pu être sollicitée avant, aurait dû être prise en compte et conduire à rouvrir l'instruction ; d'autre part, cette note n'a pas été visée dans le jugement ;

- le jugement est par ailleurs mal-fondé : la règle relative aux logements sociaux doit s'appliquer au regard du projet dans son ensemble ; en tout état de cause, ce vice a été régularisé par la délivrance du permis de construire modificatif du 18 janvier 2016 ;

- aucun des moyens soulevés par les époux A...à l'encontre du permis de construire, afin d'obtenir son annulation totale, n'est fondé.

Par deux mémoires enregistrés le 12 octobre 2016 et le 14 décembre 2017, M. et Mme A... représentés par Me D...-H... concluent au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, demandent à la cour d'annuler le permis de construire en litige, ensemble le rejet de leur recours gracieux, concluent au rejet de la demande de sursis à statuer présentée par la société LP Promotion et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise respectivement à la charge de la commune et de la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les époux A...font état de ce que :

- le jugement a été rendu dans des conditions régulières : la note en délibéré produite le 21 janvier 2016 ne contenait aucune date ni signature de sorte qu'elle n'avait pas à être mentionnée dans les visas du jugement ; en outre, la société titulaire du permis attaqué a tardé à déposer cette demande de permis modificatif, puis à communiquer au tribunal le permis modificatif du 18 janvier 2016, de sorte qu'aucune irrégularité ne peut être censurée ;

- sur le fond : le jugement doit être confirmé en ce qu'il retient le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 2 du règlement spécifique à la zone UB1 ; en outre, la demande de la société LP Promotion tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne figurait, en première instance, que dans les développements relatifs à la méconnaissance de l'article UB7 du règlement du PLU et n'est pas reprise dans les dispositifs des mémoires produits.

- par ailleurs, des moyens peuvent fonder l'annulation totale du permis de construire en litige : le projet méconnaît l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, les articles 3 et 4.4 et 8 des dispositions communes du règlement du PLU, ainsi que l'article 7 des règles spécifiques applicables en zone UB 2, relatives à l'implantation d'un bâtiment par rapport aux limites séparatives.

Par ordonnance du 12 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant les épouxA..., de Me B...-dit-Chaguet, représentant la commune de Toulouse et de Me G...représentant la société LP Promotion.

Une note en délibéré, présentée pour la société LP Promotion a été enregistrée le 12 mars 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société LP Promotion a déposé, le 30 novembre 2012, une demande de permis de construire pour la réalisation d'un ensemble immobilier de deux bâtiments composés de 51 logements sur un terrain situé 19-21 rue Paul Valery à Toulouse (31200). Par un arrêté du 12 février 2013, le maire de la commune de Toulouse a délivré le permis de construire sollicité et, par une décision du 17 juin 2013, le maire a rejeté le recours gracieux formé à son encontre par M. et Mme F...A.... Par un jugement n° 1303439 du 22 janvier 2016, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté, ensemble la décision de rejet du recours gracieux formé à son encontre, en ce qui concerne le bâtiment B du projet.

2. Par deux requêtes distinctes n° 16BX00931 et n° 16BX01003, M. et MmeA..., d'une part, et la société LP Promotion, d'autre part, interjettent appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé une annulation partielle du permis de construire délivré le 12 février 2013.

3. Les requêtes n°16BX00931 et n° 16BX01003 sont dirigées contre un même jugement, concernent le même permis de construire et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

4. Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision. Lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction.

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la société LP Promotion a produit, postérieurement à l'audience qui s'est tenue le 18 décembre 2015, deux notes en délibéré, et en particulier une note enregistrée au greffe le 7 janvier 2016, qui informait le tribunal du dépôt d'une demande de permis de construire modificatif tendant notamment à régulariser le permis initial au regard des dispositions de l'article 2 des dispositions spécifiques au secteur UB1 du plan local d'urbanisme de Toulouse, relatives au nombre de logements locatifs sociaux exigé selon la surface hors oeuvre nette créée. Par une note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2016, la veille de la lecture du jugement attaquée en date du 22 janvier 2016, la commune de Toulouse a produit le permis de construire modificatif délivré le 18 janvier 2016 à la société LP Promotion. Dans ces conditions, compte tenu de ce que le permis de construire modificatif n'avait pas la nature d'un nouveau permis, il appartenait au tribunal administratif d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction.

6. Par suite, la commune de Toulouse et la société LP Promotion sont fondées à soutenir qu'en ne prenant pas en compte la note en délibéré enregistrée le 21 janvier 2016, qui d'ailleurs n'a pas été visée, le tribunal administratif de Toulouse a entaché le jugement d'irrégularité.

7. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 22 janvier 2016 et de statuer par la voie de l'évocation sur les demandes.

Sur la légalité du permis de construire délivré le 12 février 2013 :

8. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants (...) " et aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain (...) ".

9. Le caractère insuffisant de l'un des documents du dossier de la demande de permis de construire ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des critères énumérés par les dispositions précitées du code de l'urbanisme.

10. D'une part, si la notice jointe au dossier de demande du permis de construire initial ne décrit pas avec précision les abords du terrain d'assiette des constructions projetées, les photographies jointes au dossier de demande notamment les planches PC7 (environnement proche) et PC8 (photographies lointaines) ont mis à même le service instructeur de connaître les éléments paysagers existants, notamment la présence d'un chemin piétonnier, situé à proximité (en face) du terrain d'assiette. D'autre part, la notice présente au dossier de demande du permis de construire initial qui mentionnait inexactement l'absence d'arbre de haute tige, a été régularisée par la notice jointe au dossier de demande du permis de construire modificatif délivré le 21 juillet 2015 indiquant la présence de haies en limite de terrain, de quelques arbustes et d'un arbre de haute tige situé derrière une des maisons à démolir. Enfin, la contradiction qui existait entre les accès au terrain d'assiette des constructions projetées prévus par le plan de masse et le graphique d'insertion, a été corrigée par le permis de construire modificatif précité, délivré le 21 juillet 2015. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées doivent donc être écartés.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 des dispositions spécifiques à la zone UB1 : " 2. Dispositions en faveur de la mixité sociale : 2.1 Hors zones d'aménagement concerté, lotissements, périmètres de la zone urbaine sensible des Izards et du grand projet de ville, il est exigé une SHON minimale, affectée aux logements locatifs sociaux sur l'unité foncière pour les opérations de constructions, calculée en fonction du tableau ci-après (...) SHON d'habitation 1001-2500 : 20 % (...) 3001 - 3500 : 26 % ".

12. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

13. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 18 janvier 2016, un permis de construire modificatif a été délivré à la société LP Promotion afin de modifier la répartition des logements sociaux entre les bâtiments A et B et porte à 541,20 m2 la surface de plancher affectée aux logements sociaux dans le bâtiment B. Ce permis de construire modificatif ayant régularisé le vice dont était entaché le permis de construire initial délivré le 12 février 2013, les époux A...ne peuvent plus utilement se prévaloir, à l'encontre du permis de construire initial, de la méconnaissance de ces dispositions.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " Conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et conditions d'accès aux voies ouvertes au public / (...) 3.2 - Accès / 3.2.1 - Pour être constructible, toute unité foncière doit avoir au moins un accès privatif à une voie, positionné et aménagé pour les véhicules, le plus perpendiculairement possible à la voie, de façon à apporter la moindre gêne et le moindre risque pour les usagers de ces voies ou accès, en prenant en compte la nature et l'intensité du trafic sur ces voies ou accès ".

15. Il ressort des pièces du dossier que l'accès au parc de stationnement souterrain des véhicules comprenant 56 places est perpendiculaire à la rue Paul Valéry, ne se situe pas à proximité du croisement de la rue Paul Valéry et de la rue Loubiague, qu'une plateforme de 5 mètres de largeur sur 5 mètres de longueur a été prévue pour créer une zone d'attente des véhicules, et que cet accès ne pose pas de problème de visibilité pour les véhicules qui l'empruntent. En outre, le service gestionnaire de la voirie a émis deux avis favorables au projet, produits en appel, les 14 janvier 2013 et 16 février 2013. Enfin, cette rue située dans un quartier principalement résidentiel ne supporte pas un trafic important.

16. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 3 des dispositions communes du plan local d'urbanisme en autorisant ce projet.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 4.4 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " Collecte des déchets urbains / 4.4.1. Les occupations et utilisations du sol doivent prévoir les aménagements indispensables à la mise en oeuvre de la collecte des déchets urbains en conteneurs normalisés dans les meilleures conditions possibles techniques et d'hygiène en vigueur. / 4.4.2. Les aires de présentation des conteneurs doivent être prévues et implantées en façade sur rue, sauf lorsque les bâtiments sont à l'alignement, et dans tous les cas elles devront être dissimulées sans compromettre leur accessibilité ".

18. La légalité d'un permis de construire n'est pas subordonnée au réaménagement préalable des trottoirs ou du mobilier urbain qu'impose le projet.

19. Il ressort en outre des pièces du dossier que l'aire de présentation des conteneurs se situe en façade sur rue et que les bennes d'enlèvement des ordures ménagères peuvent, en cas de besoin, stationner à proximité de cette aire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

20. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " Implantation des constructions les unes par rapport aux autres sur une même propriété / Dans tous les cas, les constructions implantées en vis-à-vis sur une même unité foncière, doivent l'être de telle sorte que soit aménagé entre elles, un espace suffisant pour permettre l'entretien facile des marges d'isolement et des constructions elles-mêmes et, s'il y a lieu, le passage et le bon fonctionnement des moyens de lutte contre l'incendie et autres moyens de secours ou d'urgence et de telle sorte qu'il n'en résulte aucun inconvénient quant à leur occupation ou à leur utilisation : conditions d'éclairement, d'ensoleillement, de salubrité, de sécurité, etc... ".

21. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans de coupe et de masse que les bâtiments A et B présentent une hauteur à l'" arase sablière " respectivement de 8,64 mètres et 8,59 mètres, au faîtage 11 et 11.10 mètres. Ces deux immeubles sont séparés au niveau du terrain naturel de 9,96 mètres et, s'ils sont dotés de balcons et de terrasses, la terrasse accessible en R+2 du bâtiment B, qui s'élève à 6,08 mètres par rapport au terrain naturel, est distante de la façade du bâtiment A de 6,43 mètres. Les requérants qui relèvent seulement une ombre portée sur le document PC 6 du dossier de demande du permis de construire modificatif, n'établissent pas que la distance séparant les immeubles A et B serait insuffisante et qu'elle génèrerait des inconvénients prohibés par les dispositions précitées du plan local d'urbanisme. En outre, il ressort des pièces du dossier que le passage et l'accès des moyens de lutte contre l'incendie au bâtiment B peut se faire par la rue Paul Valéry, et éventuellement par la rue Villa Lorenzo en ce qui concerne la partie du bâtiment B situé en fond de parcelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 des dispositions communes du plan local d'urbanisme doit être écarté.

22. En sixième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement du plan local d'urbanisme applicable au secteur UB2 : " Excepté pour les constructions à usage de service public ou d'intérêt collectif, une superficie de pleine terre doit être aménagée en jardin. Cette superficie doit correspondre à au moins : / 25 % de la surface de l'unité foncière si la surface minéralisée liée au stationnement des véhicules est égale ou supérieure à 15% de la surface de l'unité foncière. / 15 % de la surface de l'unité foncière dans les autres cas ". Aux termes de l'article 2.5.1 des dispositions communes du plan local d'urbanisme : " 2.5.1 Les espaces de pleine terre : Il s'agit de la partie de l'unité foncière, libre de toute construction en surface comme en sous-sol, constituée par de la terre meuble, engazonnée et plantée et traitée en matériaux perméables pour les parvis et des accès nécessaires (...) ".

23. Il ressort du plan des espaces verts produit par la société LP Promotion, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que la parcelle située en zone UB2 recouvre une surface de 862,55 mètres carrés et que l'espace vert sur cette parcelle représente 184,71 mètres carrés soit 21,41 %. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement UB2 n'est pas fondé.

24. En septième et dernier lieu, aux termes de l'article 7 du règlement du plan local d'urbanisme applicables au secteur UB2 : " Toute construction (...) doit respecter une distance minimale par rapport aux limites séparatives égale à la moitié de la hauteur de la construction, mesurée conformément aux dispositions de l'article 10 avec un minimum de 3 mètres (D=H/2, min. 3m) (...) ". Aux termes de l'article 10 des dispositions communes du plan local d'urbanisme relatif à la mesure de la hauteur (H) : " 10.2.1. Cas des toitures à pente égale ou supérieure à 20 % : / 10.2.1.1 Cette hauteur se mesure en tout point, à partir du terrain naturel avant travaux, au pied des constructions et jusqu'au niveau supérieur de la sablière (...) " ;

25. Pour déterminer la distance d'implantation d'un bâtiment par rapport aux limites séparatives, en l'absence de prescription contraire dans le document d'urbanisme applicable, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments qui sont indissociables de la construction alors même qu'ils n'ont pas de prise au sol directe.

26. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la distance entre le débord du toit situé à l'angle sud-est du bâtiment A, dont il y a lieu de tenir compte, et la limite séparative est de 4 mètres alors que la distance minimale qu'il fallait respecter, en application des dispositions du plan local d'urbanisme, est de 4, 32 m.

27. A cet égard, la société LP Promotion ne peut utilement se prévaloir, ni des permis modificatifs délivrés les 21 juillet 2015 et le 18 janvier 2016 qui n'ont eu ni pour objet ni pour effet de modifier le projet initial sur ce point, ni de la circonstance que la parcelle du terrain d'assiette du projet qui se situait en secteur UB2 est désormais classée dans un secteur UI1 du plan local d'urbanisme de la commune de Toulouse révisé en 2015, dans lequel une dérogation est admise pour les débords de toiture.

28. Dans ces conditions, les époux A...sont fondés à soutenir que le permis de construire en litige méconnaît les dispositions précitées de l'article 7 des dispositions spécifiques à la zone UB2 du plan local d'urbanisme.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

29. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

30. Le vice affectant le permis de construire en litige au regard de l'article 7 du règlement du PLU applicable en secteur UB2 est susceptible d'être régularisé sans qu'il en résulte aucune remise en cause de l'économie générale du projet ou de sa conception d'ensemble. Cette méconnaissance est, en conséquence, susceptible de faire l'objet d'un permis de construire modificatif respectant ces prescriptions. Il y a donc lieu de surseoir à statuer et d'impartir à la société LP Promotion un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt pour obtenir un permis de construire modificatif.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 12 février 2013 jusqu'à l'expiration du délai fixé à l'article 2, pour permettre à la société LP Promotion de notifier à la cour un permis de construire modificatif régularisant le vice relatif à la méconnaissance de l'article 7 du règlement du PLU applicable en secteur UB2.

Article 2 : Le délai dans lequel la régularisation du permis de construire mentionné à l'article 1er doit être notifiée à la cour est fixé à trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et MmeA..., à la commune de Toulouse et à la société LP Promotion.

Délibéré après l'audience du 2 mars 2018 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 mars 2018.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

11

N°16BX00931, 16BX01003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00931;16BX01003
Date de la décision : 30/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation locale - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA ; SCP COURRECH et ASSOCIES ; CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-03-30;16bx00931 ?
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