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11/06/2018 | FRANCE | N°16BX00833

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 11 juin 2018, 16BX00833


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeG..., Mme H...et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions du 7 octobre 2013 par lesquelles le maire de la commune de Sare a rejeté leur demande tendant à ce que leurs contrats de travail de droit privé soient requalifiés en contrats de droit public et de condamner la commune de Sare à verser la somme de 2 990,88 euros à MmeG..., de 15 023, 68 euros à Mme C...et de 1 000 euros à Mme H...en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subi à raison du maintien,

selon elles, irrégulier d'un statut de droit privé dans l'emploi qu'elles ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MmeG..., Mme H...et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les décisions du 7 octobre 2013 par lesquelles le maire de la commune de Sare a rejeté leur demande tendant à ce que leurs contrats de travail de droit privé soient requalifiés en contrats de droit public et de condamner la commune de Sare à verser la somme de 2 990,88 euros à MmeG..., de 15 023, 68 euros à Mme C...et de 1 000 euros à Mme H...en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subi à raison du maintien, selon elles, irrégulier d'un statut de droit privé dans l'emploi qu'elles occupent au sein des grottes de Sare.

Par un jugement n° 1301990 du 28 décembre 2015, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 mars 2016, MmesG..., H...etC..., représentées par la SCP Etcheverry, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 28 décembre 2015 ;

2°) d'annuler les décisions du 7 octobre 2013 par lesquelles le maire de la commune de Sare a rejeté leur demande tendant à ce que leurs contrats de travail de droit privé soient requalifiés en contrats de droit public ;

3°) de condamner la commune de Sare à verser la somme de 2 990,88 euros à Mme G..., de 15 133, 60 euros à Mme C...et de 1000 euros à Mme H...en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subi à raison du maintien, selon elles, irrégulier d'un statut de droit privé dans l'emploi qu'elles occupent au sein des grottes de Sare.

4°) d'enjoindre à la commune de Sare de régulariser, dans le délai de 3 mois à compter de la décision à intervenir, leur situation par l'octroi d'un statut de droit public ;

5°) d'accueillir l'intervention volontaire du syndicat CFDT Interco 64 ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Sare la somme de 1 000 euros à verser à chacune d'entre elles ainsi qu'au syndicat CFDT Interco 64, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'exploitation des grottes de Sare était un service public industriel et commercial ; ces grottes, qui ont toujours appartenu à la commune, ne peuvent relever que d'un service public administratif ; c'est d'ailleurs leur intérêt patrimonial qui a été à l'origine de la décision relative au transfert de sa gestion auparavant assurée par une association de droit privé, à la commune ; la gestion de l'ensemble ne peut être comparée à une entreprise privée, la notion de bénéfice étant exclue de l'objet du service, le bénéfice des droits d'entrée couvrant uniquement les dépenses d'exploitation ; l'origine des ressources établit également son caractère de service public administratif ; ce caractère résulte enfin de l'examen des modalités de son organisation et de son fonctionnement ; leur gestion ne comporte aucune particularité par rapport à la gestion d'un autre service communal ; elles ne sont pas dotées de la personnalité morale ;

- elles doivent donc être considérées comme soumise à un statut de droit public ; c'est d'ailleurs ainsi qu'elles sont considérées de fait, leurs bulletins de paie étant établis directement par la commune et leurs cotisations sociales versées à l'Ircantec et non pas à un régime d'assurance relevant du droit privé ;

- elles sont donc fondées à demander l'annulation des décisions par lesquelles le maire leur a refusé la qualité d'agent public et à rechercher la condamnation de la commune à leur verser les sommes qu'elles sollicitent au titre du supplément familial de traitement et de leur préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2016, la commune de Sare, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés ; les grottes de Sare sont un service public à caractère industriel ou commercial ; l'origine de leurs ressources ainsi que leur mode de fonctionnement sont caractéristiques d'un service public à caractère industriel ou commercial l'activité étant exploitée par la commune comme elle le serait par une personne privée ; c'est donc à bon droit que les premiers juges ont décliné leur compétence.

Par une ordonnance en date du 10 août 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Sare.

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 22 novembre 1996, la commune de Sare (Pyrénées-Atlantiques) a repris en régie directe la gestion des grottes de Sare dont l'exploitation avait, par convention, été confiée jusqu'alors à l'association " Sarako office municipal des sports et loisirs ". Par lettre du 31 juillet 2013, MmeG..., Mme H... et MmeC..., agents affectés aux grottes de Sare en qualité de guides-caissiers, ont chacune demandé au maire de la commune de Sare de procéder à la requalification de leur contrat de travail en contrat de droit public et de leur verser des indemnités en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis pour avoir été maintenues, selon elles irrégulièrement, dans des relations de droit privé. Elles font appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 28 décembre 2015, qui a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur l'intervention du syndicat CFDT Interco 64 :

2. L'intervention du syndicat CFDT Interco 64 au soutien des conclusions de Mme G..., Mme H... et Mme C...n'ayant pas été présentée par mémoire distinct en méconnaissance de l'article R. 632-1 du code de justice administrative ne peut pas être admise.

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

3. En dehors des cas où la nature du service public est déterminée par la loi, un service public n'est qualifié d'industriel et commercial que si de par son objet, l'origine de ses ressources et ses modalités d'organisation de fonctionnement, il peut être comparé à une entreprise privée.

4. Aux termes de l'article L. 2221-1 du code général des collectivités territoriales : " Les communes et les syndicats de communes peuvent exploiter directement des services d'intérêt public à caractère industriel ou commercial. / Sont considérées comme industrielles ou commerciales les exploitations susceptibles d'être gérées par des entreprises privées, soit par application de la loi des 2 -17 mars 1791, soit, en ce qui concerne l'exploitation des services publics communaux, en vertu des contrats de concession ou d'affermage ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, si l'exploitation des grottes, propriété de la commune de Sare, dont la nature n'est pas définie par la loi mais qui représentent un site d'intérêt patrimonial et culturel ouvert au public, constitue ainsi un service public, cette exploitation est néanmoins susceptible d'être exercée par une personne privée, ce qui était d'ailleurs le cas jusqu'en 1996 puisqu'elle a été menée par une association de droit privé jusqu'à cette date. Depuis, le service est assuré en régie par la commune en application des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales. Cependant, à ce titre, la gestion desdites grottes fait l'objet d'un budget annexe distinct de celui de la commune, sa comptabilité est tenue conformément à l'instruction budgétaire et comptable M4, applicable aux services publics industriels et commerciaux et les prestations délivrées, notamment au titre de l'activité touristique, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Enfin et surtout, le financement du service a, au cours des années 2010 à 2014 comprise, exclusivement été assuré par les prix des billets d'entrée vendus aux visiteurs pour environ 520 000 euros en 2014 et par la vente de produits commerciaux dérivés et de divers produits à emporter, pour environ 65 000 euros, la subvention globale de 58 458 euros accordée au cours de la seule année 2013 par le département des Pyrénées-Atlantiques et par la région Aquitaine n'ayant représenté que 10 % des recettes du budget annuel et ayant eu un caractère isolé au cours des cinq dernières années. Au surplus, la commune fait valoir sans être contredite qu'elle applique des méthodes commerciales de type marketing, à l'aide notamment de campagnes publicitaires, référencements auprès des organismes de tourisme, parutions d'articles de presse et promotion lors de salons dédiés au tourisme, acquisition d'une licence III puis d'une licence IV, si bien que l'exploitation des grottes est largement bénéficiaire. Dans ces conditions, et nonobstant les circonstances que lesdites grottes sont naturelles, qu'elle présentent un intérêt culturel et patrimonial, que la commune les exploite désormais en régie directe ou qu'elles ne sont pas gérées par un organisme doté de la personnalité morale, tant l'objet du service, l'origine de ses ressources financières que les modalités de son fonctionnement doivent faire regarder l'exploitation des grottes de Sare comme constituant un service public industriel et commercial.

6. Comme l'ont déjà relevé les premiers juges, les agents des services publics industriels ou commerciaux sont soumis à un régime de droit privé à l'exception de celui d'entre eux qui est chargé de la direction de l'ensemble du service et du chef de la comptabilité s'il a la qualité de comptable public. Par suite, compte tenu de la nature des fonctions exercées par les requérantes, qui n'entrent pas dans ces exceptions, il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de se prononcer sur les litiges individuels concernant lesdits agents.

7. Il résulte de tout ce qui précède que MmesG..., H...et C...ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Sare, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que demandent MmesG..., H...et C...sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérantes le versement de la somme demandée par la commune de Sare sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention du syndicat CFDT Interco 64 n'est pas admise .

Article 2 : La requête de MmesG..., H...et C...est rejetée comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Sare sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...G..., à Mme B...H..., à Mme E...C..., à la commune de Sare et au syndicat CFDT Interco 64.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 11 Juin 2018.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Vanessa Beuzelin La République mande et ordonne au ministre du travail, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

2

N° 16BX00833


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00833
Date de la décision : 11/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SCP ETCHEVERRY-ETCHEGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-11;16bx00833 ?
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