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12/06/2018 | FRANCE | N°15BX03497

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 12 juin 2018, 15BX03497


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1400034 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2015, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju

gement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 15 juillet 2015 ;

2°) la décharge des...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1400034 du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2015, M.B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon du 15 juillet 2015 ;

2°) la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu en litige ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à hauteur de 1 500 euros.

Il soutient que :

- la procédure de rectification dont il a fait l'objet a été mise en oeuvre sur le fondement des articles D. 16 à D. 21 du livre des procédures fiscales local, lequel résulte de délibérations adoptées par le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- ni la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de Saint-Pierre-et-Miquelon, ni le décret n° 46-2380 du 25 octobre 1946 portant création d'un conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon n'ont donné à l'assemblée locale compétence pour édicter un livre des procédures fiscales local ; les garanties offertes au contribuable par un tel livre ne peuvent être définies que par la loi en vertu de l'article 34 de la Constitution ; en toute hypothèse, le législateur n'aurait pu déléguer une telle compétence puisqu'en application des articles 34 et 37 de la Constitution, le transfert de compétences vers des collectivités à statut particulier relèvent du domaine de la loi ; ainsi, la procédure de rectification est irrégulière dès lors qu'elle fait application d'un livre des procédures fiscales local dont l'adoption ne relevait pas de la compétence du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- les rectifications auxquelles l'administration a procédé sont fondées sur l'article 103 ter du code local des impôts, lequel n'a pas fait l'objet d'une publication ; ce code est donc inapplicable et les rectifications en litige sont ainsi dépourvues de fondement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2016, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure de rectification suivie est celle définie aux articles D. 16 à D. 21 du livre des procédures fiscales local, lequel est intégré au Livre II du code local des impôts ; ces articles ont été votés par la délibération du conseil territorial du 31 mars 1993 portant codification des impôts et taxes en vigueur sur 1'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, prise au visa de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel ; elle a été publiée au recueil des actes administratifs de la collectivité territoriale du 27 juin 1994 ;

- contrairement à ce que soutient le requérant, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est compétente en matière fiscale en application des dispositions de l'article LO. 6414-1-II du code général des collectivités territoriales ; cet article confirme l'attribution à la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une compétence fiscale qui lui avait déjà été dévolue en application de son statut et dont elle disposait au jour où la délibération du 31 mars 1993 ;

- l'argument de M. B...selon lequel 1'exercice de la compétence fiscale par la collectivité empièterait sur celle dévolue au législateur en matière de garanties des libertés publiques, en tant qu'elle porterait sur les garanties et voies de recours des contribuables est inopérant ; si tel était le cas, la procédure de redressement aurait été soumise au respect des règles édictées le livre des procédures fiscales métropolitain ; force serait alors de constater que la procédure de redressement contradictoire qui a été suivie par les services fiscaux a été régulière au regard des règles édictées par le livre des procédures fiscales métropolitain, puisque ces règles sont similaires à celles prévues par les dispositions locales ;

- contrairement aux allégations du requérant, les dispositions de l'article 103 ter du code local des impôts ont été régulièrement publiées le 27 juin 1994 au recueil des actes administratifs de la collectivité territoriale ; les dispositions de 1'article 103 ter du code local des impôts ont été par la suite republiées notamment à l'occasion de la délibération du 24 juin 1998 et de la délibération du 20 décembre 2001, approuvant l'ensemble des dispositions du code local des impôts ; si la cour devait accueillir la thèse du requérant, suivant laquelle il n'aurait pas eu connaissance de la délibération du 20 décembre 2001, il conviendrait alors d'appliquer les dispositions de 1'article 103 ter du code local des impôts, telles qu'elles ont été publiées en juin 1994 et reprises dans la délibération du 17 décembre 2012, elle aussi régulièrement publiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code local des impôts de Saint-Pierre-et-Miquelon et le livre des procédures fiscales de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le décret n° 46-2380 du 25 octobre 1946 portant création d'un conseil général à Saint-Pierre-et-Miquelon ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a souscrit au capital de plusieurs sociétés effectuant des investissements productifs au sein de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Dans ses déclarations de revenus des années 2011 et 2012, M. B...a reporté le montant de ces souscriptions à titre de charge ouvrant droit à réduction d'impôt en application de l'article 103 ter du code local des impôts. A l'issue d'une procédure contradictoire de rectification, l'administration fiscale a remis en cause ces réductions d'impôt sur le revenu au motif que les investissements attendus des sociétés dans lesquels M. B...a pris des participations n'avaient pas été effectués ou étaient d'un montant insuffisant. Il en est résulté pour M. B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été notifiées par une proposition de rectification du 25 juillet 2013. M. B...a saisi le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impositions. Il relève appel du jugement rendu le 15 juillet 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 34 de la Constitution : " La loi fixe les règles concernant (...) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures (...) ". Aux termes de l'article 74 de la Constitution, en vigueur au 31 mars 1993 date à laquelle la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon a approuvé son code local des impôts et son livre des procédures fiscales local : " Les territoires d'Outre-mer de la République ont une organisation particulière tenant compte de leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la République. Les statuts des territoires d'outre-mer sont fixés par des lois organiques qui définissent, notamment, les compétences de leurs institutions propres, et modifiés, dans la même forme, après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. Les autres modalités de leur organisation particulière sont définies et modifiées par la loi après consultation de l'assemblée territoriale intéressée. ".

3. Pour mettre en oeuvre la procédure de rectification contradictoire à l'attention de M. B..., l'administration a fait application des dispositions des articles D. 16 à D. 21 du livre des procédures fiscales applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon. Celui-ci a été approuvé par une délibération du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon adoptée le 31 mars 1993.

4. Aux termes de l'article 21 de la loi n° 85-595 du 11 juin 1985, relative au statut de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, alors en vigueur : " Le conseil général exerce (...) en matière fiscale (...) les pouvoirs que détenait le conseil général du territoire des îles Saint-Pierre-et-Miquelon avant l'entrée en vigueur de la loi n° 76-664 du 19 juillet 1976 relative à l'organisation de Saint-Pierre-et-Miquelon (...) Sans préjudice des sanctions pénales prévues aux alinéas précédents, les infractions aux règles d'assiette et de recouvrement des impôts, droits, taxes et redevances institués par le conseil général peuvent être assorties par celui-ci d'amendes, majorations, intérêts ou indemnités de retard appliqués par l'administration (...) ". En vertu de l'article 34 du décret n° 46-2380 du 25 octobre 1946, l'organe délibérant de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon est compétent pour déterminer le mode d'assiette et les règles de perception des impôts, taxes et contributions de toute nature.

5. Il résulte des dispositions précitées de la Constitution qu'il appartient à une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution et dotée de l'autonomie d'épuiser l'étendue de la compétence qui lui a été confiée par le législateur lorsque, intervenant dans un domaine réservé, en métropole, au législateur par l'article 34 de la Constitution, elle définit un régime juridique et ne diffère pas son entrée en vigueur. Il revient, en effet, à une telle collectivité, lorsqu'elle exerce des compétences qui relèvent, en principe, du domaine de la loi, d'assortir les éventuelles mises en cause des droits et principes constitutionnellement protégés des garanties de nature à permettre que ces mises en cause soient conformes à la Constitution.

6. Il s'ensuit qu'en application des dispositions citées aux points 2 et 4, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon est compétente non seulement pour définir une imposition mais aussi pour déterminer de manière complète et suffisamment précise, son assiette, son taux, ainsi que ses modalités de recouvrement, lesquelles comprennent les règles régissant le contrôle, le recouvrement, les garanties et les sanctions applicables à cette imposition.

7. Par suite, en l'absence de moyen sérieux tenant à l'inexacte application de la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon était compétente pour adopter un livre des procédures fiscales local réglementant les modalités de contrôle fiscal des contribuables et les garanties offertes à ces derniers. Dès lors, M. B...n'est pas fondé à soutenir que la procédure de rectification contradictoire suivie à son encontre est irrégulière au motif qu'elle a fait application d'un livre des procédures fiscales local adopté par une autorité incompétente.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 103 ter du code local des impôts applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon : " I -1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables qui participent à des souscriptions en numéraires au capital des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun, effectuant dans les douze mois de la clôture de la souscription des investissements productifs à Saint-Pierre-et-Miquelon et dont l'activité réelle se situe dans les secteurs de l'industrie, de la pêche, du tourisme, des énergies nouvelles, de l'agriculture, des transports extérieurs à l'Archipel, de la maintenance au profit d'activités industrielles et de la production et de la diffusion audiovisuelle et cinématographique (...) 2. La réduction d'impôt s'applique pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année de souscription des parts ou actions et des quatre années suivantes. (...) 3. En cas de non-respect des engagements mentionnés au 1, de cession des parts ou actions ou du non-respect de leur objet exclusif par les sociétés concernées ou de dissolution de ces sociétés, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités (...) ".

9. L'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôts dont M. B...a bénéficié au motif que les conditions prévues par les dispositions précitées de l'article 103 ter n'étaient pas remplies. Il résulte de l'instruction que ces dispositions sont issues du code local des impôts adopté par une délibération du conseil général de Saint-Pierre-et-Miquelon du 31 mars 1993 et régulièrement publiée au recueil des actes de la collectivité territoriale le 27 juin 1994. Ainsi que le requérant le reconnaît lui-même, l'article 103 ter du code local des impôts n'a pas été modifié par la délibération du conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon du 20 décembre 2001 portant mise à jour du code local des impôts. Il en résulte, d'une part, que la publication effectuée le 27 juin 1994 de l'article 103 ter a suffi à assurer l'entrée en vigueur et par suite l'opposabilité des dispositions de cet article pour les années d'imposition en litige et, d'autre part, que le requérant ne saurait en tout état de cause se prévaloir de l'insuffisante publicité de la délibération du 20 décembre 2001 à l'appui de ses conclusions à fin de décharge.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Pierre-et-Miquelon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. En application de ces dispositions, il y a lieu de rejeter la demande du requérant présentée à l'encontre de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon qui n'est pas la partie perdante à l'instance d'appel. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de M. B...la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la défenderesse et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 15BX03497 présentée par M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B...versera à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03497
Date de la décision : 12/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Application dans le temps - Entrée en vigueur.

Outre-mer - Droit applicable - Lois et règlements (hors statuts des collectivités) - Collectivités d'outre-mer et Nouvelle-Calédonie - Saint-Pierre et Miquelon.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CLAIREAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-12;15bx03497 ?
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