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28/06/2018 | FRANCE | N°16BX01278

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 16BX01278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Clairsienne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1405379 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande en accordant à la société Clairsienne une réduction d'impôt sur les sociétés à hauteur de 173 195 euros.

Procédure devant la cour :

Par un recours

enregistré le 13 avril 2016 et un mémoire enregistré le 12 décembre 2016, le ministre de l'action e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA Clairsienne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1405379 du 18 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à cette demande en accordant à la société Clairsienne une réduction d'impôt sur les sociétés à hauteur de 173 195 euros.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 13 avril 2016 et un mémoire enregistré le 12 décembre 2016, le ministre de l'action et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 février 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rétablir la SA Clairsienne au rôle de l'impôt sur les sociétés au titres des années 2010, 2011 et 2012.

Il soutient que :

- sont exclues du champ de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par l'article 207-I-4° du code général des impôts, les prestations de services exercées au profit de tiers par les sociétés HLM ;

- les travaux d'économie d'énergie réalisés par la société Clairsienne ne peuvent être considérées comme des activités accessoires aux opérations principales de location et d'accession, réalisées au bénéfice direct des locataires et donc au titre du service d'intérêt général ;

- en en décidant autrement, le tribunal a commis une erreur quant au champ d'application de l'article 207-I-4° ;

- les certificats d'économie d'énergie sont des biens meubles négociables sur un marché ; leur vente ne profite qu'à la société HLM et non aux locataires ; la société Clairsienne vend des certificats obtenus lors de la réalisation de travaux éligibles sur son patrimoine immobilier ; le produit perçu constitue un produit exceptionnel imposable à rattacher à l'exercice au cours duquel intervient la livraison du bien dans le secteur taxable d'activité en application de l'article 38-2 bis du code général des impôts ;

- pour obtenir ces certificats, la société a réalisé des travaux de natures diverses, tels que des travaux d'investissement et de réhabilitation, et des travaux de gros entretien et de dommage ouvrage ;

- les charges engagées sont des charges communes aux deux secteurs d'activité ; en effet, les travaux d'économie d'énergie sont réalisés dans des locaux offerts à la location et dont les loyers sont exonérés ; ainsi les seuls produits des investissements réalisés ne sont pas les certificats obtenus, puisque les travaux contribuent également à améliorer l'habitat et augmentent la valeur du parc immobilier de la société et permettent de continuer à exploiter le parc dans de bonnes conditions ; l'essentiel des produits proviennent des loyers et, dès lors, les charges ne sont pas à rattacher uniquement au secteur taxable ; or la société n'a présenté aucun élément permettant de déterminer le montant des loyers perçus sur les immeubles ayant donné lieu aux travaux en cause ; par suite le calcul d'un coefficient de ventilation et de déduction n'a pas été possible ; dès lors les charges doivent être regardées comme non déductibles dans leur ensemble.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 décembre 2016, la SA Clairsienne, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'article 207-I-4° ne permet pas d'exonérer les certificats d'économie d'énergie de l'impôt sur les sociétés ;

- même si les travaux réalisés permettent d'augmenter la valeur du patrimoine de la société, ils n'ont aucune incidence au cas particulier dès lors que les sociétés HLM exercent une mission de service public et ne se livrent pas à une activité de spéculation immobilière ; il n'existe pas de marché des immeubles locatifs sociaux ; ainsi, une éventuelle plus-value est purement virtuelle ;

- d'autre part, les loyers sont fixés par convention conclue avec l'Etat ; ainsi elle ne tire aucun bénéfice des travaux réalisés, que ce soit au regard d'une plus-value que d'une augmentation des loyers ; elle en supporte seule le coût mais obtient les certificats d'économie d'énergie et eux seuls ; en revanche les travaux ont pour effet de faire baisser les charges locatives, notamment de chauffage ; il n'y a donc pas lieu d'opérer une ventilation, les charges relevant du seul secteur non taxable ;

- dès lors que les certificats sont intégralement soumis à l'impôt sur les sociétés, les travaux réalisés doivent donc être en contrepartie regardés comme des charges entièrement déductibles qui, au plan comptable, font l'objet d'un amortissement.

Par une ordonnance en date du 12 décembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 10 février 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Clairsienne.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme d'habitations à loyer modéré Clairsienne a entrepris sur les immeubles de son parc locatif des travaux d'économie d'énergie entrant dans le champ d'application de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, qui ont donné lieu à la délivrance de certificats d'économie d'énergie délivrés sur le fondement des articles L. 221-7 et L. 221-8 du code de l'énergie. Elle a notamment inclus dans ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012 les produits issus de la vente de ces certificats et a été imposée sur ces bases. Puis, par une réclamation contentieuse du 27 décembre 2014, elle a demandé la restitution partielle des impositions ainsi établies, en demandant la prise en compte des charges ou annuités d'amortissement correspondant aux travaux d'économie d'énergie ayant donné lieu à la délivrance de ces certificats. Par un jugement du 18 février 2016, le tribunal administratif de Bordeaux lui a accordé les réductions d'impôt demandées au motif, relevé d'office, que les produits de la vente de ces certificats entraient dans le champ de l'exonération définie au 4° de l'article 207-1 du code général des impôts. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 207 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont exonérés d'impôt sur les sociétés : (...) 4° Les organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation, à l'exception des sociétés anonymes de crédit immobilier, les sociétés d'économie mixte visées à l'article L. 481-1-1 du même code et les sociétés anonymes de coordination entre les organismes d'habitations à loyer modéré mentionnées à l'article L. 423-1-1 du même code pour :- les opérations réalisées au titre du service d'intérêt général défini aux septième, huitième et neuvième alinéas de l'article L. 411-2 du même code ainsi que les services accessoires à ces opérations (...) / La fraction du bénéfice provenant d'activités autres que celles visées aux alinéas précédents et au 6° bis est soumise à l'impôt sur les sociétés ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation : " (...) Les organismes d'habitations à loyer modéré mentionnés aux alinéas précédents bénéficient d'exonérations fiscales et d'aides spécifiques de l'Etat au titre du service d'intérêt général défini comme : - la construction, l'acquisition, l'amélioration, l'attribution, la gestion et la cession de logements locatifs à loyers plafonnés, lorsqu'elles sont destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum fixés par l'autorité administrative pour l'attribution des logements locatifs conventionnés (....) / - la réalisation d'opérations d'accession à la propriété destinées à des personnes dont les revenus sont inférieurs aux plafonds maximum, majorés de 11 %, fixés par l'autorité administrative pour l'attribution des logements locatifs conventionnés (...) / - la gestion ou l'acquisition en vue de leur revente (...) de logements situés dans des copropriétés connaissant des difficultés importantes de fonctionnement ou faisant l'objet d'un plan de sauvegarde (...) / - les services accessoires aux opérations susmentionnées (...) ". Selon l'article L. 221-7 du code de l'énergie : " Le ministre chargé de l'énergie ou, en son nom, un organisme habilité à cet effet peut délivrer des certificats d'économies d'énergie aux personnes éligibles lorsque leur action, additionnelle par rapport à leur activité habituelle, permet la réalisation d'économies d'énergie sur le territoire national d'un volume supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'énergie. Sont éligibles : (...) 5° Les organismes mentionnés à l'article L. 411-2 du (...) code (de la construction et de l'habitation) ". Et l'article L. 221-8 du même code dispose que : " Les certificats d'économies d'énergie sont des biens meubles négociables, dont l'unité de compte est le kilowattheure d'énergie finale économisé. Ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne mentionnée aux 1° à 6° de l'article L. 221-7 ou par toute autre personne morale (...) ".

3. Quand bien même les travaux à l'origine de la délivrance, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 221-7 du code de l'énergie, des certificats d'économie d'énergie que la société Clairsienne a vendu pour des montants de 102 006 euros en 2010, 958 682 euros en 2011 et 431 440 euros en 2012 ont été entrepris sur des immeubles relevant du secteur du logement locatif à loyers plafonnés, les produits issus de la cession de ces titres dématérialisés sur un marché spécifique ne sauraient être regardés, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, et comme le reconnaît d'ailleurs la société Clairsienne, comme des bénéfices provenant d'opérations réalisées au titre du service général d'intérêt général des organismes d'habitation à loyer modéré, visé à l'article L. 411-2 précité du code de la construction et de l'habitation, ou au titre de services accessoires à ces opérations, au sens du même article. C'est, par suite, à tort que le tribunal administratif a estimé que ces produits entraient dans le champ, strictement défini, de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue par les dispositions précitées du 4° de l'article 207-1 du code général des impôts dans leur rédaction applicable aux années d'imposition en litige.

4. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Clairsienne.

5. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ; / 2° (...) les amortissements réellement effectués par l'entreprise, dans la limite de ceux qui sont généralement admis d'après les usages de chaque nature d'industrie, de commerce ou d'exploitation et compte ; (...) ".

6. Les travaux immobiliers ayant donné lieu à la délivrance des certificats d'économie d'énergie litigieux ont été comptabilisés par la société Clairsienne soit dans des comptes d'immobilisation, soit dans des comptes de charges. Les sommes dont la société demande la déduction correspondent ainsi en partie à des annuités d'amortissement et en partie à des charges d'exploitation. Toutefois, il est constant que tous les travaux immobiliers correspondants ont été réalisés sur des logements locatifs à loyers plafonnés et sont ainsi au nombre des opérations réalisées par la société Clairsienne au titre du service d'intérêt général qui est exonéré d'impôt sur les sociétés en vertu du 4° de l'article 207-1 du code général des impôts. S'il est exact que ces travaux ont aussi permis à la société d'obtenir des certificats d'économie d'énergie puis de les céder en réalisant ainsi des produits exceptionnels imposables, ils ont eu essentiellement pour objet d'améliorer le parc locatif de la société relevant du secteur exonéré et pour effet d'en augmenter la valeur, en lui permettant aussi de réaliser des économies notamment sur ses dépenses en matière énergétique afférentes audit secteur. Dans ces conditions, la société n'est pas fondée à demander que les annuités d'amortissement et charges d'exploitation dont il s'agit viennent exclusivement en déduction des produits exceptionnels découlant de la vente des certificats.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a accordé à la SA Clairsienne la réduction, à hauteur de 173 195 euros, des cotisations litigieuses d'impôt sur les sociétés.

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge une somme quelconque sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par la SA Clairsienne et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 février 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif par la société Clairsienne est rejetée.

Article 3 : La société Clairsienne est rétablie dans les rôles de l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010, 2011 et 2012.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la SA Clairsienne.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard DE MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

3

N° 16BX01278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01278
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : PONSART

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-06-28;16bx01278 ?
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