La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/08/2018 | FRANCE | N°16BX01877

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 28 août 2018, 16BX01877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 28 janvier 2015 par laquelle le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter à des fins artistiques des écailles de tortues marines " caret ".

Par un jugement n° 1500181 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2016, M.B..., repr

ésenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 28 janvier 2015 par laquelle le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement a rejeté sa demande d'autorisation d'exploiter à des fins artistiques des écailles de tortues marines " caret ".

Par un jugement n° 1500181 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 10 mars 2016 ;

2°) à titre principal, d'annuler la décision du 28 janvier 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer la date de prélèvement des écailles ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la réglementation internationale et européenne, issue de la convention de Washington et du règlement communautaire du 9 décembre 1996 soumettent à autorisation de l'autorité compétente la détention de spécimens protégés au niveau international ; ces spécimens peuvent faire l'objet d'un commerce s'il est établi par leur détenteur qu'ils ont été acquis ou introduits dans la communauté européenne avant que les dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe 1 de la convention de Washington et à l'annexe A du règlement communautaire ne leur soient opposables ;

- pour prendre la décision contestée, le préfet a relevé qu'il n'était pas établi que les écailles de tortues détenues par M. B...avait été introduites dans la Communauté europénne avant le 4 février 1977, date de l'inscription de l'espèce torture caret à l'annexe 1 de la convention de Washington ; ce motif est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation car les attestations produites au dossier montrent que leurs écailles ont été pêchées entre 1950 et 1970 par le grand-père de M. B...qui les a ensuite cédées à son petit-fils ;

- si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur la date à laquelle les tortues ont été pêchées, il lui reviendra d'ordonner une mesure d'expertise afin qu'il soit procédé à cette datation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'espèce Eretmochelys Imbricata est au nombre des espèces menacées énumérées à l'annexe I de la convention de Washington (CITES) et à l'annexe A du règlement CE n° 338/97 ;

- en vertu de l'article 8.3 du règlement CE n° 338/97, il peut être dérogé à l'utilisation à des fins commerciales de telles espèces à condition d'obtenir des autorités compétentes de l'Etat un certificat à cet effet lorsque les spécimens ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant l'entrée en vigueur des dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe 1 de la convention CITES ou à l'annexe A du règlement CE n° 338/97 ;

- l'article 59 § 1 du règlement CE n° 338/97 prévoit que la dérogation n'est accordée que si le demandeur a démontré que les conditions pour sa délivrance sont remplies ;

- M. B...n'a pas démontré que les écailles de tortues avaient été acquises avant que cette espèce ne soit inscrite à l'annexe 1 de la CITES, soit antérieurement au 4 février 1977 ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les attestations de proches produites par M. B... ne suffisaient pas à établir que les écailles de tortues avaient été prélevées avant cette date du 4 février 1977 ; ces attestations n'étaient de plus appuyées par aucun élément matériel probant ; M. B...n'a donc pas apporté la preuve qui lui incombe en application de l'article 59 du règlement CE n° 338/97 ;

- la demande d'expertise formulée par M. B...est imprécise et pouvait être interprétée, comme l'ont fait les premiers juges, comme une simple demande d'examen visuel des écailles, lequel n'aurait pu permettre d'en connaître la datation ; s'agissant du recours à la méthode de datation au radiocarbone demandée en appel, elle serait inutile dans la mesure où, à supposer qu'elle puisse dater avec précision l'ancienneté des spécimens, elle ne permettrait pas de déterminer l'ancienneté de leur présence sur le territoire de l'Union européenne ; en effet, des écailles anciennes auraient pu être importées illégalement en Martinique après le 4 février 1977 alors que la délivrance du certificat est subordonnée à la démonstration de la date d'importation ou d'acquisition des spécimens dans l'Union européenne.

Par ordonnance du 12 décembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, signée à Washington le 3 mars 1973 ;

- le règlement (CEE) n° 3626/82 du conseil des communautés européennes du 3 décembre 1982, relatif à l'application de la convention susvisée ;

- le règlement CE n° 338/97 du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ;

- le règlement (CE) n° 865/2006 de la Commission du 4 mai 2006 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 338/97 du Conseil relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...est détenteur d'un lot d'écailles de tortues marines de l'espèce Eretmochelys imbricata, dite " caret ", qu'il souhaite utiliser pour son activité professionnelle de confection d'objets d'arts et d'accessoires. L'exercice de cette activité est subordonné à la délivrance d'un certificat que le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Martinique a refusé de délivrer à M. B...par une décision du 28 janvier 2015. M. B...a saisi le tribunal administratif de la Martinique de conclusions principales tendant à l'annulation de cette décision et de conclusions subsidiaires tendant à ce que les écailles en sa possession soient datées. Il relève appel du jugement rendu le 10 mars 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté ses demandes.

Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2015 :

2. Aux termes de l'article 2 de la convention internationale du 3 mars 1973 : " L'Annexe I comprend toutes les espèces menacées d'extinction qui sont ou pourraient être affectées par le commerce. Le commerce des spécimens de ces espèces doit être soumis à une réglementation particulièrement stricte afin de ne pas mettre davantage leur survie en danger, et ne doit être autorisé que dans des conditions exceptionnelles (...) ".

3. Aux termes de l'article 3 du règlement CE n° 338/97 du 9 décembre 1996 : " 1. Figurent à l'annexe A : a) les espèces inscrites à l'annexe I de la convention [de Washington] (...) ". Aux termes de l'article 8 du même règlement : " 1. Il est interdit d'acheter, de proposer d'acheter, d'acquérir à des fins commerciales, d'exposer à des fins commerciales, d'utiliser dans un but lucratif et de vendre, de détenir pour la vente, de mettre en vente ou de transporter pour la vente des spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A. (...) / 3. Conformément aux exigences des autres actes législatifs communautaires relatifs à la conservation de la faune et de la flore sauvages, il peut être dérogé aux interdictions prévues au paragraphe 1 à condition d'obtenir de l'organe de gestion de l'État membre dans lequel les spécimens se trouvent un certificat à cet effet, délivré cas par cas, lorsque les spécimens: / a) ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant l'entrée en vigueur, pour les spécimens concernés, des dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe I de la convention, à l'annexe C 1 du règlement (CEE) n°3626/82 ou à l'annexe A du présent règlement (...) ".

4. Aux termes de l'article 48 du règlement (CE) n° 865/2006 du 4 mai 2006 : " 1. Un certificat aux fins de l'article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 338/97 atteste que les spécimens d'espèces inscrites à l'annexe A dudit règlement sont exemptés d'une ou plusieurs des interdictions prévues à l'article 8, paragraphe 1, dudit règlement pour l'une des raisons suivantes: a) ils ont été acquis ou introduits dans la Communauté avant que les dispositions relatives aux espèces inscrites à l'annexe A du règlement (CE) n° 338/97 ou à l'annexe I de la convention, ou à l'annexe C1 du règlement (CEE) n° 3626/82 ne leur deviennent applicables (...) ". Aux termes de l'article 59 du même règlement : " 1. La dérogation prévue pour les spécimens visés à l'article 8, paragraphe 3, points a), b) et c), du règlement (CE) n° 338/97 n'est accordée que si le demandeur a démontré à l'organe de gestion compétent que les conditions visées auxdits points et à l'article 48 du présent règlement sont remplies (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'espèce Eretmochelys imbricata est inscrite sur la liste des espèces menacées d'extinction figurant à l'annexe 1 de la convention signée à Washington le 2 mars 1973 ainsi qu'à l'annexe A du règlement (CE) n° 338/97.

6. Pour rejeter la demande de certificat présentée par M.B..., le DEAL de la Martinique a fait application des dispositions précitées de l'article 8.3 du règlement (CE) n° 338/97 en relevant qu'il n'était pas établi que les stocks d'écailles avait été acquis ou introduits dans la Communauté européenne avant le 4 février 1977, date de l'inscription de l'espèce Eretmochelys imbricata à l'annexe 1 de la convention signée à Washington.

7. En application de l'article 59 du règlement (CE) n° 865/2006 du 4 mai 2006, il appartient à M. B...de démontrer qu'il remplit les conditions pour obtenir le certificat dérogeant aux interdictions mentionnées à l'article 8.1 du règlement (CE) n° 338/97. A cette fin, M. B...a présenté à l'appui de sa demande de certificat cinq attestations écrites, dont trois ont été rédigées par ses proches, selon lesquelles les écailles proviennent de tortues pêchées par son grand-père entre 1950 et 1970. Toutefois, ces témoignages, peu circonstanciés, ne sont corroborés par aucun autre élément ou " tout début de preuve rendant plausibles les assertions du requérant " comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges. Par suite, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le DEAL de la Martinique a estimé que M. B...n'apportait pas la preuve de ce que les tortues avaient été acquises ou introduites avant la date du 4 février 1977 mentionnée ci-dessus.

Sur la demande d'expertise :

8. Alors qu'il lui appartient d'apporter la preuve de ce que les tortues ont été " acquises ou introduites " dans la Communauté avant le 4 février 1977, M. B...n'a, aussi bien en première instance qu'en appel, produit aucun élément suffisant à faire présumer qu'il pourrait en aller ainsi. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par le requérant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée pour information à la ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01877
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

.

.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELAS JURISCARIB

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;16bx01877 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award