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28/08/2018 | FRANCE | N°18BX01490

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 28 août 2018, 18BX01490


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé son transfert aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800356 du 13 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé son transfert aux autorités belges pour l'examen de sa demande d'asile et de l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1800356 du 13 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 mars 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne à titre principal de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en vue de l'examen de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa situation.

Il soutient que :

- au titre de la légalité externe, l'arrêté du 6 mars 2018 ordonnant sa remise aux autorités belges est entaché d'illégalité dès lors qu'il n'a pas été mis en mesure de produire des observations avant l'intervention de cet arrêté ; il a en effet été entendu une seule fois lors d'un unique rendez-vous à la préfecture à la suite duquel le fonctionnaire de la préfecture a produit les arrêtés signés auparavant par une autre personne que lui et a procédé à leur notification ; cet entretien a été en l'espèce totalement artificiel, ce qui doit donc entraîner l'annulation de l'arrêté préfectoral ;

- au titre de la légalité interne, même si en vertu de l'article 7 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 la faculté pour un Etat, d'examiner une demande de protection est discrétionnaire, l'usage de cette faculté peut faire l'objet dans le cadre d'un contrôle restreint, d'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation ; en l'espèce, le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée en ne procédant pas à un examen particulier de sa situation personnelle, dès lors que la décision avait été déjà prise avant l'entretien individuel ; par ailleurs, les autorités belges ne lui ont pas notifié d'informations, quant aux règles relatives à l'accord de Dublin, et les formalités auxquelles il a été procédé en préfecture sont dès lors inutiles ; les informations tardives qui lui ont été délivrées perturbent son existence, alors qu'il est inséré dans la société française de par ses activités associatives et constituent un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des allers-retours entre différentes autorités nationales auxquels il se trouve soumis alors que son état de santé est précaire ;

- l'arrêté d'assignation à résidence devra être annulé par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêté de transfert, alors que par ailleurs, cet acte paraît excessif en ce qu'il impose une présentation quotidienne du requérant au commissariat ce qui instaure un déséquilibre dans sa vie privée et familiale compte tenu de sa santé précaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2018, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin ;

- le règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pierre Bentolila, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...de nationalité guinéenne, est entré en France irrégulièrement à une date qu'il indique être le 5 septembre 2017. Il a déposé une demande d'asile à la préfecture de la Haute-Vienne le 8 septembre 2017. Le préfet de la Haute-Vienne ayant constaté que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été enregistrées dans le fichier Eurodac en Belgique avant son entrée sur le territoire français, a saisi le 9 octobre 2017 les autorités belges d'une demande de transfert en application des dispositions de l'article 8 du règlement 604/2013 (UE) du 26 juin 2013. A la suite de l'accord express donné le 13 octobre 2017 par les autorités belges à la reprise en charge de M.A..., le préfet de la Haute-Vienne par un arrêté du 6 mars 2018 a décidé son transfert aux autorités belges, " responsables de l'examen de sa demande d'asile " et par un arrêté du même jour, a prononcé l'assignation à résidence de M.A.... M. A...relève appel du jugement du 13 mars 2018, par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande en annulation des deux arrêtés du 6 mars 2018.

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Il résulte des dispositions des livres V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et particulièrement des articles L. 742-1 à L. 742-6 et R. 742-1 à R. 742-4 dudit code concernant les décisions de transfert d'un étranger aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne responsable de l'examen de sa demande d'asile, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger son éloignement du territoire français. Dès lors, les dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration qui reprennent celles de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre d'une décision de transfert aux autorités de l'Etat responsable de la demande d'asile. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que M. A...a été reçu en entretien le 25 septembre 2017 lors du dépôt de sa demande d'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile, le compte-rendu de cet entretien ayant été produit en première instance par le préfet. Au surplus, le préfet avant la notification de l'arrêté de transfert a également procédé le 6 mars 2018 à un entretien, au cours duquel M. A...s'est exprimé comme l'indique la fiche d'entretien produite au dossier de première instance. Le moyen invoqué par M. A...tiré de l'absence de respect d'une procédure contradictoire avant l'intervention de l'arrêté du 6 mars 2018 de remise aux autorités belges doit donc être écarté. La circonstance par ailleurs invoquée par le requérant selon laquelle il n'aurait pas bénéficié d'informations de la part des autorités belges est inopérante à l'encontre de l'arrêté attaqué du 6 mars 2018 du préfet de la Haute-Vienne.

En ce qui concerne la légalité interne :

3. Aux termes du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution " ... les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif. ". En vertu de l'article 3 1. et du 2. paragraphe 1 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'Etat membre de l'Union Européenne responsable de la demande d'asile est normalement l'Etat dans lequel la première demande d'asile a été déposée. Toutefois, en vertu du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...). ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 mentionne la procédure dont il fait l'objet. Elle est renouvelable durant la procédure de détermination de l'Etat responsable et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat ".

4. L'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé le transfert de M. A...aux autorités belges, indique que compte tenu de ce que les empreintes digitales de M. A... avaient été enregistrées dans le fichier Eurodac en Belgique, la Belgique pouvait se révéler être l'Etat responsable de la demande d'asile, et que les autorités belges avaient accepté sa " reprise en charge ". Cet arrêté indique également que M. A...est marié et père de trois enfants mineurs se trouvant en Guinée, et qu'il n'était donc pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors que par ailleurs, M. A...n'établissait pas l'existence d'un " risque constituant une atteinte grave au droit d'asile " en cas de remise aux autorités belges. Le requérant soutient que la décision du préfet est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elle décide de sa remise aux autorités belges sans mettre en oeuvre la clause discrétionnaire de l'article 17-1 du règlement n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Toutefois, le requérant ne conteste pas l'inexistence d'attaches privées et familiales en France ni le fait que ses attaches familiales seraient en Guinée, et ne fait valoir aucune circonstance particulière qui serait de nature à traduire de la part du préfet une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17-1 précité du règlement n°604/2013.

5. Si M. A...fait valoir que les informations tardives qui lui ont été délivrées sur les règlements de l'Union Européenne perturbent son existence, alors qu'il est inséré dans la société française de par ses activités associatives, et constituent un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des allers-retours entre différentes autorités nationales auxquels il se trouve soumis, du fait de l'application des règlements de l'Union Européenne alors que son état de santé est précaire, les seules circonstances invoquées ne sauraient permettre de considérer qu'elles auraient exposé M. A...à un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'en ce qui concerne son état de santé, si le requérant avait produit en première instance un certificat médical d'un médecin psychiatre faisant état de différentes affections, notamment d'ordre psychologique, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi que l'a estimé à bon droit le premier juge, que M. A...ne pourrait pas bénéficier en Belgique des soins qui seraient nécessités par son état de santé.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a décidé son transfert aux autorités belges.

Sur la légalité d el'arrêté portant assignation à résidence :

7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A...n'est pas fondé à invoquer par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté d'assignation à résidence, l'illégalité de la décision de transfert aux autorités belges.

8. En second lieu, si M. A...soutient que cet arrêté d'assignation à résidence serait entaché d'illégalité en ce qu'il lui impose une présentation quotidienne au commissariat, ce qui instaure un déséquilibre dans sa vie privée et familiale compte tenu de sa santé précaire, le requérant n'apporte aucun élément concret de nature à étayer ses affirmations.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 mars 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à MeB.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Pierre Bentolila, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 août 2018.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01490


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18BX01490
Date de la décision : 28/08/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP GAFFET - MADELENNAT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-08-28;18bx01490 ?
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