La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2018 | FRANCE | N°16BX01582

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2018, 16BX01582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espaces Verts Caussat et Fils a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre à lui verser la somme de 42 697,23 euros HT, assortie des intérêts à compter du 27 juin 2012, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché de travaux d'aménagements paysagers de l'avenue de la Tuilerie, de l'avenue du Girou et des abords du RD 45, dans la zone centre de la ZAC Eurocentre.

Par un jug

ement n° 1203687 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Espaces Verts Caussat et Fils a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre à lui verser la somme de 42 697,23 euros HT, assortie des intérêts à compter du 27 juin 2012, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché de travaux d'aménagements paysagers de l'avenue de la Tuilerie, de l'avenue du Girou et des abords du RD 45, dans la zone centre de la ZAC Eurocentre.

Par un jugement n° 1203687 du 9 mars 2016, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à cette demande à hauteur de 1 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 mai 2016, la société Espaces Verts Caussat et Fils, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 mars 2016 en tant qu'il a limité à 1 500 euros la somme due en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché de travaux d'aménagements paysagers de l'avenue de la Tuilerie, de l'avenue du Girou et des abords du RD 45 dans la zone centre de la ZAC Eurocentre ;

2°) de condamner le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre à lui verser la somme de 42 697,23 euros HT assortie des intérêts à compter du 27 juin 2012, en réparation de son préjudice ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle avait une chance très sérieuse d'obtenir le marché ;

- elle doit donc être indemnisée de son manque à gagner, correspondant à sa marge estimée sur coût de production et à ses frais d'études, soit un montant total de 42 697,23 euros HT.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 mai 2017, le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, il demande par ailleurs que le jugement soit réformé en ce qu'il a fait droit à la demande de la société Espaces Verts Caussat et Fils à hauteur de 1 500 euros.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable faute d'avoir été accompagnée du jugement attaqué ;

- la société requérante ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice qu'elle allègue avoir subi et l'irrégularité relevée par le juge des référés ;

- elle n'établit pas davantage qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché ;

- en tout état de cause, elle ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de son manque à gagner, lequel inclut nécessairement les frais de présentation de son offre ; le manque à gagner doit être déterminé en fonction du bénéfice net et non de la marge sur coût de production ; la société Espaces Verts Caussat et Fils surévalue manifestement le bénéfice net que lui aurait procuré le marché si elle l'avait obtenu.

Par ordonnance du 11 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 juillet 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code des marchés publics ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par avis d'appel public à la concurrence envoyé à la publication le 22 septembre 2011, le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre a engagé une procédure qualifiée de " marché à procédure adaptée passé sous forme d'appel d'offres ouvert ", en vue de la réalisation de travaux d'aménagements paysagers dans certains secteurs de la ZAC dite " Eurocentre ". A l'issue de cette procédure, la société Paysages et Pépinières Grégory a été déclarée attributaire. La société Espaces Verts Caussat et Fils, s'estimant irrégulièrement évincée, a saisi le juge des référés d'une demande d'annulation du marché conclu le 6 janvier 2012. Par une ordonnance du 23 février 2012, le juge des référés a fait droit à cette demande et prononcé la résiliation du marché. La société Espaces Verts Caussat et Fils fait appel du jugement du 9 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a limité l'indemnisation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière du marché à la somme de 1 500 euros, et demande à la cour qu'elle soit portée à la somme totale de 42 697,23 euros. Par la voie de l'appel incident, le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre demande que le jugement du tribunal administratif soit annulé en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais de présentation de l'offre de la société Espaces Verts Caussat et Fils.

Sur le droit à indemnisation de la société Espaces Verts Caussat et Fils :

2. Lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un contrat public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce contrat, il appartient au juge de vérifier d'abord si cette entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le contrat. Dans l'affirmative, elle n'a droit à aucune indemnité. Dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre. Il convient, ensuite, de rechercher si ladite entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le contrat conclu avec un autre candidat. Dans un tel cas, elle a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre, lesquels n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique.

3. Pour décider la résiliation du marché conclu le 6 janvier 2012 par le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre, le juge des référés a considéré que le pouvoir adjudicateur avait manqué à ses obligations en matière de publicité et de mise en concurrence en omettant de porter à la connaissance des candidats, d'une part, les trois rubriques notées séparément pour l'appréciation de la valeur technique des offres, à savoir le " mémoire technique, moyens matériels et humains, entretien, planning et chantier ", la " définition et provenance des matériaux et végétaux " et la " procédure de contrôle détaillée ", d'autre part, la pondération de chacune d'elles, représentant respectivement 40 %, 40 % et 20 % de la note totale attribuée au titre de la valeur technique.

4. Il résulte de l'instruction que l'offre de la société requérante, classée deuxième, a obtenu une note de 9,41 pour le critère tenant au prix des prestations, pondéré à 40 %, contre 9,06 pour la société attributaire. Elle a par ailleurs obtenu la note globale de 8,5 sur 10 pour le critère tenant à la valeur technique, pondéré à 60 %, la société attributaire ayant obtenu une note de 9,4. Pour les trois rubriques précitées, qui ont servi à décomposer ce dernier critère, la société requérante a obtenu une note de 3,7/4 s'agissant du " mémoire technique, moyens matériels et humains, entretien, planning et chantier ", contre 3,8 pour la société attributaire, une note de 2/2 s'agissant de la " procédure de contrôle détaillée ", identique à celle de la société attributaire, et une note de 2,8/4 pour ce qui concerne la " définition et provenance des matériaux et végétaux ", la société attributaire ayant quant à elle obtenu la note de 3,6. Le prix proposé par la société Espaces Verts Caussat et Fils ayant, comme il a été dit, été inférieur à celui proposé par la société attributaire, c'est donc uniquement sur le sous-critère tenant à la " définition et provenance des matériaux et végétaux " que s'est jouée l'attribution du marché à l'entreprise Paysages et Pépinières Grégory. Il ressort à cet égard de la lettre en date du 25 janvier 2012 adressée par le syndicat mixte en réponse à la demande formulée par la société requérante sur le fondement de l'article 83 du code des marchés publics, que " l'avantage de l'offre retenue porte donc essentiellement sur les garanties fournies dans le mémoire technique au niveau de la provenance et de la qualité des arbres tiges ".

5. Or, concernant ce sous-critère, il résulte de l'instruction que la société Espaces Verts Caussat et Fils a proposé, comme fournisseur des végétaux, la société " Les Pépinières du Padouenc ", et, comme arbres tiges, des " acer pseudoplanatus ", " fraxinus angustifolia raywood " et " sophora japonica ". Elle a par ailleurs indiqué, dans son offre " Au même titre que les Espaces Verts Caussat, les Pépinières du Padouenc font partie du groupe CAUSSAT et ont un rôle incontournable dans la qualité des achats des végétaux. Depuis 1920, l'expérience et le savoir-faire de notre pépinière assurent aux Espaces Verts Caussat une garantie supplémentaire sur le choix et la pérennité des végétaux. Notre site de production qui s'étend sur 75 ha propose des plantes parfaitement adaptées au climat toulousain sans occulter des relations privilégiées que nous entretenons avec les pépinières de toute l'Europe ". Il en résulte que la société " Les Pépinières du Padouenc " doit être regardée comme le fournisseur de référence de la société Espaces Verts Caussat et Fils.

6. La société Espaces Verts Caussat et Fils soutient que si elle avait eu connaissance de l'existence et de la pondération du sous-critère tenant à la " définition et provenance des matériaux et végétaux ", elle lui aurait apporté une attention particulière et aurait présenté son offre de manière à y répondre plus spécifiquement. Elle ne se prévaut toutefois d'aucun élément précis et, notamment, n'établit ni même n'allègue que si ce sous-critère avait été porté à sa connaissance, elle aurait proposé des végétaux de qualité différente, en provenance d'un ou plusieurs autres fournisseurs. Dans ces conditions, et si la société requérante, qui a obtenu la meilleure note sur le critère du prix et, concernant le critère tenant à la valeur technique, une note identique ainsi qu'une note très légèrement inférieure à celles de la société attributaire pour les deux premiers sous-critères, n'était pas dépourvue de toute chance de remporter le contrat, elle n'établit toutefois pas qu'elle aurait eu une chance sérieuse de l'obtenir. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a seulement condamné le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre à l'indemniser des frais de présentation de son offre, dont le montant a été fixé à 1 500 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre, tendant à ce que le jugement du tribunal administratif soit annulé en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais de présentation de l'offre de la société Espaces Verts Caussat et Fils, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de ces dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Espaces Verts Caussat et Fils est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre par la voie de l'appel incident ainsi qu'au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Espaces Verts Caussat et Fils et au syndicat mixte d'études et de réalisation de l'Eurocentre.

Délibéré après l'audience du 30 août 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX01582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01582
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP SALESSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-09-27;16bx01582 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award