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06/11/2018 | FRANCE | N°16BX02378

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 16BX02378


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I...et Mme H...D..., épouseI..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à leur verser en leur qualité de représentants légaux de leur fils, alors mineur, B..., la somme totale

de 23 450 euros en réparation des préjudices résultant des soins délivrés le 3 juin 2012 à leur fils par l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué de Bordeaux, et de condamner l'État à verser à MmeI..., en son nom personnel, une somme de 3 000 euros au titre de son préj

udice moral et des troubles qu'elle a supportés dans ses conditions d'existence.

La cai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... I...et Mme H...D..., épouseI..., ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à leur verser en leur qualité de représentants légaux de leur fils, alors mineur, B..., la somme totale

de 23 450 euros en réparation des préjudices résultant des soins délivrés le 3 juin 2012 à leur fils par l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué de Bordeaux, et de condamner l'État à verser à MmeI..., en son nom personnel, une somme de 3 000 euros au titre de son préjudice moral et des troubles qu'elle a supportés dans ses conditions d'existence.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'État à lui verser la somme de 3 286,74 euros en remboursement des prestations servies à son assuré et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1500186 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État (ministre de la défense) à verser à M. et MmeI..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineurB..., la somme de 6 900 euros, à MmeI..., en son nom propre, la somme de 500 euros et à la CPAM de la Gironde la somme de 3 286,74 au titre des débours exposés pour le compte du jeune B...I...ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par

l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 juillet 2016, le 25 juillet 2017 et

le 5 juillet 2018, M. B... I...et sa mère Mme H...D..., épouseI..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 31 mai 2016 en tant qu'il a limité à la somme

de 6 900 euros le montant de l'indemnisation allouée en réparation des préjudices subis

par M. B...I...et, à la somme de 500 euros celui auquel il a condamné l'État à verser à MmeI..., en son nom propre ;

2°) de condamner l'État à verser à M. I...la somme de 23 450 euros en réparation des préjudices subis du fait des soins donnés par l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué le 3 juin 2012 ;

3°) de condamner l'État à verser à Mme I...la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi en son nom propre ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le tribunal a commis une erreur d'appréciation dans la fixation des réparations allouées, soit en ne prenant pas en compte les demandes d'indemnisation, soit en allouant une indemnisation inférieure à celle de la jurisprudence des juridictions administratives et judiciaires. Ainsi, l'hôpital d'instruction des armées Robert Picqué a commis une faute de service dans la délivrance des soins donnés le 3 juin 2012 au jeune B...I...de nature à engager la responsabilité de l'État qui doit être condamné à l'indemniser des sommes suivantes :

- 5 450 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire,

- 7 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 5 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 3 000 euros au titre de son préjudice esthétique,

- 3 000 euros au titre de son préjudice d'agrément,

- et 3 000 euros au titre du préjudice de MmeD..., épouseI..., sa mère, qui, du mois de janvier à juin 2013, a conduit son fils sur son temps de travail deux fois par semaine en rééducation à la clinique Saint-B....

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 12 juillet 2017 et le 8 mars 2018, le ministre des armées conclut au rejet de la requête et du surplus des conclusions de la CPAM de la Gironde.

Il soutient que les sommes allouées par le tribunal administratif de Bordeaux aux consorts I...sont conformes à ce qui est généralement octroyé par la jurisprudence administrative et que la CPAM de la Gironde, qui conclut à la confirmation du jugement, ne peut demander la condamnation de l'État à lui verser des frais irrépétibles.

Par deux mémoires, enregistrés le 12 juillet 2017 et le 9 février 2018, le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde, représentée par la SELARL Bardet et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures de confirmer le jugement attaqué et de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Gironde soutient que c'est à juste titre que le tribunal administratif a condamné le ministère de la défense à lui rembourser les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer dans l'intérêt de son assuré social pour un montant définitivement arrêté à la somme de 3 286,74 euros, dont elle a été réglée en septembre 2016.

Par ordonnance du 6 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu

au 6 août 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de la sécurité sociale,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant les consortsI....

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 juin 2012, M. B...I..., alors âgé de 13 ans, a été conduit à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Robert Picqué à Villenave d'Ornon (Gironde), en raison d'une blessure qu'il s'était faite à la main gauche avec un couteau. La plaie de 2,5 cm décrite comme propre, peu profonde et nette par l'interne qui l'a examiné, a été désinfectée et suturée par trois points sous anesthésie locale et l'adolescent a regagné son domicile dans l'après-midi avec une prescription de soins infirmiers. Toutefois, une échographie pratiquée le 11 juillet 2012 par un spécialiste de la chirurgie de la main auquel son médecin traitant l'avait adressé après avoir constaté un déficit de flexion du pouce et la perte de la sensibilité hémi-pulpaire du doigt, a révélé une rupture complète du long fléchisseur du pouce. Malgré deux interventions de reconstitution tendineuse subies en chirurgie ambulatoire les 20 août et 17 décembre 2012 à la clinique Saint-B... de Pessac, complétées par le port d'une orthèse pendant un mois et une rééducation jusqu'en juin 2013, M. B...I...a conservé une perte de sensibilité de l'hémipulpe radiale du pouce et une légère limitation de la mobilité. Estimant que ces séquelles trouvaient leur origine dans une mauvaise prise en charge de leur fils par le médecin au service des urgences de l'hôpital Robert Picqué le 3 juin 2012, ses parents ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, qui a ordonné, le 21 janvier 2014, une expertise médicale. À la suite du dépôt du rapport d'expertise de M.G..., chirurgien orthopédiste, ils ont formé en qualité de représentants légaux de leur filsB..., alors mineur, et en leur nom propre, une réclamation préalable auprès de l'HIA et saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'État à réparer les préjudices subis. Par un jugement n° 1500186 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'État (ministre de la défense) à verser à M. et MmeI..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineurB..., la somme de 6 900 euros, à MmeI..., en son nom propre, la somme de 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde la somme de 3 286,74 au titre des débours exposés pour le compte du jeune B...I...ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. La CPAM de la Gironde demande la confirmation de ce jugement et M. B...I..., devenu majeur en cours d'instance et sa mère Mme H...D..., épouseI..., sa réformation en ce qui concerne le montant des indemnisations allouées. Devant la cour, l'État, qui ne conteste pas sa responsabilité, ni l'étendue du préjudice réparable, conclut au rejet de la requête.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de M.I... :

S'agissant des préjudices temporaires :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

2. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise de M.G..., chirurgien orthopédiste désigné par le juge des référés, qu'avant la consolidation de son état de santé, fixée au 30 juin 2013, le déficit fonctionnel temporaire subi par M. I...à raison de l'absence de diagnostic fautive le 3 juin 2012 a été total durant deux jours d'hospitalisation les 20 août et 17 décembre 2012. Il a ensuite subi une période d'incapacité temporaire partielle évaluée à 25 % du 21 août au 16 décembre 2012 et du 18 décembre 2012 au 18 janvier 2013, et de 10 % du 19 janvier au 29 juin 2013. Il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour M. I...de son déficit fonctionnel temporaire, en l'indemnisant à hauteur d'une somme de 900 euros sur une base de 500 euros par mois.

Quant aux souffrances endurées :

3. Il résulte de l'instruction que M. I...a éprouvé durant la période antérieure à la consolidation de son état de santé, des souffrances physiques et psychiques dont l'intensité a été évaluée par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7 en raison notamment d'une longue période de rééducation qui a suivi les deux interventions chirurgicales, due à l'erreur de diagnostic fautive. Compte tenu de la durée de ces souffrances, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 3 000 euros.

S'agissant des préjudices personnels permanents :

Quant au déficit fonctionnel permanent :

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que M. I...demeure atteint d'une incapacité permanente partielle de 2 % prenant en compte la perte de sensibilité de l'hémipulpe et la diminution de la mobilité du pouce gauche. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation, le tribunal administratif de Bordeaux a fait une juste appréciation de ce préjudice qu'il y a lieu de confirmer, en lui allouant la somme de 3 000 euros.

Quant au préjudice esthétique permanent :

5. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le préjudice esthétique définitif subi par M. I...a été évalué à 1 sur 7 par l'expert du fait des cicatrices qu'il conserve sur la main " présentes mais peu visibles ". Toutefois, il n'est pas contesté que sa blessure aurait en tout état de cause nécessité une suture et une intervention chirurgicale. Les appelants n'apportent aucun élément de nature à établir qu'en l'absence d'erreur de diagnostic commise à l'hôpital des armées, lesdites cicatrices auraient été ainsi qu'ils le soutiennent moins visibles. C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont estimé que le préjudice esthétique n'était pas imputable à l'erreur de diagnostic reprochée et ont rejeté sa demande d'indemnisation à ce titre.

Quant au préjudice d'agrément :

6. S'il n'est pas contesté que M.I..., qui avait 13 ans au moment de l'accident, a été contraint d'interrompre ses activités d'agrément pendant la période de soins allant du 20 août 2012 au 29 juin 2013, il ne résulte pas de l'instruction que depuis

le 30 juin 2013, date de consolidation de son état de santé, il aurait été dans l'impossibilité de pratiquer ses activités sportives et de loisirs. Au contraire, l'expert désigné par le tribunal estime qu' " il n'y a pas de préjudice d'agrément post consolidation " et que " l'excellent résultat obtenu permet la reprise de toutes les activités pratiquées précédemment ". C'est ainsi à juste titre que le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément.

En ce qui concerne les préjudices de MmeI... :

7. Il n'est pas contesté que Mme E...a dû accompagner son fils deux fois par semaine en voiture du 1er janvier au 30 juin 2013 pour ses séances de rééducation. Le tribunal administratif de Bordeaux a fait une juste appréciation des troubles de toute nature qu'elle a subis en lui allouant la somme de 500 euros.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a limité le montant de l'indemnisation allouée en réparation des préjudices subis par M. B...I...à 6 900 euros et à la somme de 500 euros celui auquel il a condamné l'État à verser à

MmeI..., en son nom propre.

Sur les droits de la CPAM :

9. Il y a lieu de confirmer les premiers juges qui ont condamné l'État à rembourser à la CPAM de la Gironde la somme non contestée de 3 286,74 euros correspondant aux dépenses de santé prises en charge pour le compte de son assuré, M. B...I..., en lien avec l'erreur de diagnostic et le retard thérapeutique reprochés à l'HIA ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les frais d'expertise :

10. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme

de 1 800 euros par ordonnance du 20 octobre 2014 du président du tribunal administratif de Bordeaux à la charge définitive de l'État.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. I...et MmeI..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il en est de même des conclusions de la CPAM de la Gironde présentées au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...I...et de Mme I...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la CPAM de la Gironde sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...I..., à Mme H...D..., épouseI..., à M. F...I..., au ministre des armées et au directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 6 novembre 2018.

Le rapporteur,

Aurélie C...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX02378


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