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06/11/2018 | FRANCE | N°16BX03210

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 06 novembre 2018, 16BX03210


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 46 000 euros en réparation de divers préjudices subis au cours de la période allant de septembre 2007 à avril 2014 ainsi qu'une indemnité de 145,81 euros au titre de frais de déplacement, augmentée des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1400918 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a condamné l'État à verser à M. A...une somme de 166,45 euros majorée des in

térêts au taux légal à compter du 2 décembre 2008.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 46 000 euros en réparation de divers préjudices subis au cours de la période allant de septembre 2007 à avril 2014 ainsi qu'une indemnité de 145,81 euros au titre de frais de déplacement, augmentée des intérêts moratoires.

Par un jugement n° 1400918 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Pau a condamné l'État à verser à M. A...une somme de 166,45 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 2 décembre 2008.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 septembre 2016 et 31 octobre 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2016 en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ;

2°) de condamner l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 46 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ainsi que la somme de 155,41 euros au titre des frais de constat d'huissier ;

3°) de mettre à la charge de l'État les sommes de 650 euros au titre de la première instance et de 5 000 euros au titre de l'instance d'appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a été victime d'un harcèlement moral au cours de la période allant des années 2007 à 2014 et a fait l'objet de décisions illégales ;

- il en est résulté pour lui des préjudices qu'il convient d'évaluer à 46 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°80-627 du 4 août 1980 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.D...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public,

- et les observations de M.A....

Une note en délibéré présentée par M. A...a été enregistrée le 11 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., professeur certifié d'éducation physique et sportive admis sur sa demande à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, à compter du 28 avril 2014, par un arrêté

du 15 avril 2014, relève appel du jugement du tribunal administratif de Pau du 30 juin 2016 en tant que ce jugement a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une indemnité d'un montant de 46 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont il aurait fait l'objet depuis l'année 2007 et de l'illégalité fautive de décisions prises à son égard ainsi qu'une somme de 155,41 euros au titre des frais de constat d'huissier.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Pau a expressément répondu aux moyens soulevés par l'appelant. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'intéressé aurait été victime d'un harcèlement moral.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires fondées sur le harcèlement moral :

3. D'une part et aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, issu de la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

4. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

6. D'autre part et aux termes de l'article 4 du décret du 4 août 1980 : " Les professeurs d'éducation physique et sportive participent aux actions d'éducation, principalement en assurant l'enseignement de leur discipline dans les établissements du second degré, dans les établissements d'enseignement supérieur et dans les établissements de formation du ministère de l'éducation nationale. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation. Les professeurs d'éducation physique et sportive peuvent exercer une mission de conseiller auprès des maîtres du premier degré. Ils participent à la formation, l'entraînement et l'animation

sportifs. ". Les professeurs d'éducation physique et sportive peuvent ainsi être nommés dans les fonctions de conseiller pédagogique auprès d'un directeur des services départementaux de l'éducation nationale.

7. Pour soutenir qu'il a été victime de faits de harcèlement moral de la part de l'inspecteur d'académie des Pyrénées-Atlantiques ainsi que du recteur de l'académie de Bordeaux au cours de la période allant du mois de septembre 2007 au 28 avril 2014, date de son départ à la retraite, M. A...soutient qu'alors qu'il était affecté depuis le 1er septembre 1988 sur un emploi de conseiller pédagogique départemental auprès des services départementaux de l'éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques, l'inspecteur d'académie a refusé de fixer sa résidence administrative à Pau et, par lettre de mission du 19 novembre 2007, l'a illégalement fixée à Bayonne. Il soutient également avoir fait l'objet d'une baisse de sa notation, d'une réduction de ses missions et d'une privation de ses moyens d'accomplir ces dernières avant que son poste soit supprimé et que sa candidature sur un poste de conseiller technique soit rejetée, sa candidature sur la liste d'aptitude au grade de professeur agrégé ayant été illégalement écartée et les services académiques s'étant irrégulièrement opposés à la communication de certaines pièces de son dossier administratif ainsi que l'a déjà jugé le tribunal administratif, ces faits ayant eu pour effet de dégrader ses conditions de travail au point qu'il a dû être placé en position de congé de maladie. Ces éléments de fait sont susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre.

8. Il résulte, cependant, de l'instruction qu'antérieurement à la lettre de mission

du 19 novembre 2007, M. A...était amené à exercer ses fonctions à Bayonne. Si la résidence administrative de l'intéressé devait être fixée, en sa qualité de conseiller pédagogique départemental des Pyrénées-Atlantiques, à Pau, en application de l'article 4 du

décret n° 90-437 du 28 mai 1990, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif par son jugement du 30 novembre 2010, de sorte que la lettre de mission qui lui a été adressée le 19 novembre 2007 par l'inspection d'académie a été annulée sur ce point, il n'est pas contesté que les missions à caractère tant général que spécifique qui lui étaient dévolues par cette lettre de mission étaient conformes à l'exercice de ses fonctions et répondaient à l'intérêt du service. Par ailleurs, la circonstance que M. A...ait été placé au côté d'un inspecteur de l'éducation nationale d'une circonscription ne constituait pas une " mesure de tutelle " contrairement à ce qu'il soutient dès lors qu'il restait rattaché hiérarchiquement à l'inspecteur d'académie et que ses fonctions pouvaient être exercées tant au niveau départemental qu'au niveau d'une ou plusieurs circonscriptions. Enfin, la notation de M. A...proposée initialement par l'inspecteur d'académie au titre de l'année scolaire 2008 /2009 à 39,70, a été en définitive portée à la note maximale

de 40.

9. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que la suppression des deux postes de conseiller pédagogique départemental en éducation physique et sportive des

Pyrénées-Atlantiques, dont celui occupé jusqu'alors par M.A..., décidée par le recteur de l'académie dans le cadre d'une réorganisation du service à compter de la rentrée de septembre 2009, serait intervenue dans le but d'empêcher l'intéressé de reprendre l'exercice de ses fonctions alors qu'il était placé en congé de maladie ordinaire depuis le 12 janvier 2009, puis en congé de longue maladie à compter du 28 avril 2009, avant d'être placé en congé de longue durée pris en charge au titre d'une maladie imputable au service par un arrêté du 14 février 2012 jusqu'à son admission à la retraite. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que le refus ponctuel opposé à M. A...d'effectuer certaines missions, notamment un déplacement dans les Hautes-Alpes du 22 au 24 octobre 2007 et le fait que certaines de ses missions aient été confiées à un collègue alors qu'il était en congé de maladie seraient étrangers à l'intérêt du service.

10. Enfin, si M. A...a obtenu l'annulation de la liste d'aptitude au grade de professeur agrégé d'éducation physique et sportive au titre de l'année 2011 au motif d'une erreur de droit ainsi que la communication du procès-verbal de la commission mixte paritaire académique des professeurs d'éducation physique et sportive du 15 février 2013, ces circonstances ne peuvent suffire à établir que M. A...aurait subi depuis l'année 2007 des agissements répétés excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été victime de faits constitutifs de harcèlement moral depuis l'année 2007 au sein des services de l'inspection académique des Pyrénées-Atlantiques.

En ce qui concerne le surplus des conclusions indemnitaires :

12. D'une part, l'appelant se borne à reprendre en appel le moyen tiré de ce que la responsabilité de l'État est engagée à raison des illégalités constatées par le juge administratif, qui sont à l'origine de l'annulation, d'une part, de la décision fixant sa résidence administrative à Bayonne, d'autre part, de la liste d'aptitude au grade des professeurs agrégés d'éducation physique et sportive au titre de l'année 2011, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

13. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le constat d'huissier établi

le 13 octobre 2008 dont le coût a été supporté par M. A...à raison de 145,81 euros, a été utile à la solution du litige. M. A...n'est ainsi pas fondé à être indemnisé à ce titre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande indemnitaire fondée sur le harcèlement moral, l'illégalité fautive de certaines décisions prises à son égard et le coût d'un constat d'huissier.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.

Le rapporteur,

Didier D...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX03210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03210
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-10 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET WEYL et PORCHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-06;16bx03210 ?
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