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15/11/2018 | FRANCE | N°16BX02403

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 15 novembre 2018, 16BX02403


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SELARL Pharmacie d'Orleix a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500240 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 21 juillet 2017, la SELARL Pharmaci

e d'Orleix, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal adm...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La SELARL Pharmacie d'Orleix a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2012, et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500240 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2016 et un mémoire en réplique enregistré le 21 juillet 2017, la SELARL Pharmacie d'Orleix, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'impôt contestés et de lui accorder les intérêts moratoires sur la somme restituée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a apporté la preuve de la dépréciation effective de la valeur du fonds de commerce ;

- le plan comptable général impose aux entreprises d'apprécier à chaque clôture des comptes s'il existe un indice de déperdition de la valeur des actifs, en tenant compte d'indices internes et externes ; parmi ces indices figure la diminution importante de la valeur de marché ; la doctrine administrative confirme ce point ;

- par ailleurs, l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts prévoit que la dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, comme les fonds de commerce, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du I de l'article 39 du code ;

- les dépréciations comptabilisées devraient faire l'objet d'une déductibilité fiscale sous réserve de dispositions spécifiques contraires ; la notion de dépréciation effective du fonds de commerce en matière fiscale doit s'aligner sur la définition applicable en matière comptable ;

- l'instruction BOI-BIC-PROV-40-10-10-20120912 n° 110 confirme qu'une provision pour dépréciation du fonds de commerce est déductible si l'ensemble du fonds a subi une dépréciation effective ;

- en l'espèce, elle a subi une baisse de chiffre d'affaires de 14,23 % sur la période du 1er novembre 2006 eu 31 octobre 2012 ; le tribunal devait tenir compte des efforts fournis par la société en matière de masse salariale, notamment en licenciant deux salariés, pour maintenir sa rentabilité à un niveau de résultat vital dans une période de difficultés économiques afin de rembourser le capital restant dû sur emprunt et limiter le découvert bancaire ; en effet, le contexte économique difficile est un indice de perte de valeur externe à prendre en considération ; or, il ressort de trois cessions d'officines intervenues entre juillet 2009 et mai 2012 dans un rayon de 24 km autour d'Orleix que le prix de vente oscille entre 81,11 et 85,91 % du chiffre d'affaires, ce qui confirme les statistiques professionnelles nationales ; les contraintes pesant sur la profession ont entrainé de nombreuses faillites dans les récentes années ; la valeur du marché des officines de pharmacie est donc inférieure à celle retenue pour la comptabilisation de la provision pour dépréciation ; pour juger le contraire, le tribunal a refusé à tort de prendre en considération, outre les donnés propres à l'entreprise, la valeur du marché et les contraintes réglementaires nouvelles ; la baisse de chiffre d'affaires doit être appréciée sur la durée d'exploitation du fonds ; la baisse de rémunération des gérantes en 2013, si elle est postérieure à l'inscription de la provision litigieuse, reflète une perte de rentabilité conséquente ; la provision doit donc être regardée comme déductible.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2017, le ministre des finances et des comptes publics (direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le vérificateur a constaté que la baisse du chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos en 2012 était marginale (moins de 3% du chiffre d'affaires et moins de 1 % de la marge commerciale) et que le résultat comptabilisé avant dépréciation des éléments d'actif était supérieur à celui réalisé et déclaré au titre des exercices antérieurs ; les chiffres d'affaires de 2010 et 2011 ont légèrement augmenté, les résultats de la société ont toujours été bénéficiaires, sauf en 2007 et ils n'étaient déficitaires en 2012 que du fait de la comptabilisation de la provision ; le licenciement économique intervenu en 2009 était prévu dès l'acquisition de l'officine en 2006 et le départ d'un salarié à mi-temps était justifié par un congé parental ; la marge commerciale a toujours été largement bénéficiaire, aux alentours de 25 %, et ne justifiait pas le réajustement de la valeur d'actifs ; la baisse de rémunération des gérantes n'est intervenue qu'à compter de l'exercice 2013 ;

- la comparaison des données statistiques externes sur le prix de vente d'officines dans le département n'est pas pertinente dès lors que l'administration dispose en l'espèce des données propres à l'entreprise, bien plus précises et significatives ;

- aucun élément au titre de la gestion commerciale et salariale de l'entreprise ne justifiait donc la provision pour dépréciation du fonds de commerce comptabilisée et portée en déduction du résultat fiscal ;

- la commission départementale des impôts a confirmé cette position ;

- la doctrine administrative citée par la requérante ne donne pas une interprétation différente de la loi fiscale.

Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics confirme ses précédentes écritures.

Par une ordonnance du 21 juillet 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 29 septembre 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SELARL Pharmacie d'Orleix, qui exploite une officine de pharmacie à Orleix (Hautes-Pyrénées), a fait l'objet en 2013 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2012, à l'issue de laquelle le vérificateur a remis en cause la déductibilité d'une provision pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant de 194 000 euros. Il en est résulté un rappel d'impôt sur les sociétés d'un montant de 14 606 euros en droits et pénalités, au titre de l'exercice clos en 2012. La société Pharmacie d'Orleix relève appel du jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la décharge de ce rappel.

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...). ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au même code : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par l'entreprise, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent en outre comme probables eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture de l'exercice, et qu'enfin, elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise. Il appartient au contribuable, indépendamment des règles qui régissent la charge de la preuve pour des raisons de procédure, d'établir le bien-fondé et de justifier du montant d'une telle provision au regard des caractéristiques de l'exploitation au cours de la période en litige.

3. Il résulte de l'instruction que la société requérante a constitué au titre de l'exercice clos le 31 octobre 2012 une provision pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant de 194 000 euros, dont elle souligne qu'elle correspond à la prise en compte d'un taux de dépréciation légèrement inférieur au taux moyen national, qui s'établit à 20 % de la valeur d'acquisition du fonds selon les statistiques professionnelles de la pharmacie, chiffre corroboré selon elle par les prix constatés lors de la cession de trois officines situées dans les environs d'Orleix entre 2010 et 2012, et qui illustrerait les effets d'un contexte réglementaire défavorable. Il ne résulte toutefois pas des données propres à l'entreprise que la dépréciation de la valeur du fonds de commerce de la société requérante aurait été probable et pas seulement éventuelle au cours de l'exercice en litige. En effet, si son chiffre d'affaires déclaré a décru de plus de 14 % depuis l'acquisition de l'officine et son premier exercice d'exploitation en 2007, il n'a baissé que de moins de 3 % entre 2011 et 2012, ce qui est peu significatif. Le résultat d'exploitation déclaré a quant à lui progressé de façon quasiment constante depuis 2007, y compris en 2012, abstraction faite de la provision pratiquée, et le résultat commercial est demeuré stable sur l'ensemble de la période, aux alentours de 25 % du chiffre d'affaires (24,46 % en 2012). Si la société fait valoir que ces résultats n'ont pu être obtenus qu'au prix d'un allègement conséquent de la masse salariale reflétant une chute de rentabilité, il n'est pas contesté que le licenciement économique d'une pharmacienne assistante en 2009 avait été prévu dès l'acquisition du fonds, en 2006, et que le départ postérieur d'un salarié à mi-temps correspond à un congé parental et non à des difficultés économiques de l'entreprise. Il ne peut par ailleurs être utilement fait état par la société requérante, pour justifier du bien-fondé de la provision constatée en 2012, de la baisse de rémunération de ses deux cogérantes à compter de l'exercice ouvert au 1er novembre 2013. Dans ces conditions, et alors que ni l'article 322-5/2 du plan comptable général ni l'avis 2002-7 du conseil national de la comptabilité ne divergent de l'interprétation qui est faite ici de la loi fiscale, c'est à juste titre que l'administration a estimé que la provision litigieuse n'était pas déductible du résultat clos en 2012 et l'a réintégrée dans le résultat de cet exercice.

4. La société Pharmacie d'Orleix n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de l'instruction BOI-BIC-PROV-40-10-10-20120912 n° 10 du 12 septembre 2012, laquelle ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait ici application.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Pharmacie d'Orleix n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Pharmacie d'Orleix au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SELARL Pharmacie d'Orleix est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Pharmacie d'Orleix et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 novembre 2018.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX02403


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02403
Date de la décision : 15/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL THEMIS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-15;16bx02403 ?
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