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22/11/2018 | FRANCE | N°18BX02738

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 novembre 2018, 18BX02738


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1705953 du 6 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistr

e le 13 juillet 2018, M. C...D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2017 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1705953 du 6 juin 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 juillet 2018, M. C...D..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 juin 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'une incompétence de son auteur ; le préfet de la Haute-Garonne doit justifier d'une délégation de signature régulièrement publiée et suffisamment précise ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 août 1987 et a commis une erreur d'appréciation dès lors qu'il dispose d'un contrat à durée indéterminée depuis le 10 juillet 2018 conclu avec la société Georgia CPN en tant que carreleur ; il n'avait donc pas à repartir dans son pays d'origine afin d'y solliciter une introduction sur le territoire français dans les conditions de droit commun pour pouvoir prétendre à un titre de séjour salarié ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les dispositions de l'article L. 311-4 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il disposait du droit de travailler sur le territoire français pendant la période qui a suivi l'expiration de sa carte de séjour ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il bénéficie d'une intégration professionnelle au sein de la société française, qu'il entretient une relation en concubinage depuis son arrivée en France et que quatre de ses frères résident régulièrement sur le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale dès lors qu'il n'entretient pas de relations avec ses trois frères et soeurs résidant au Maroc et qu'il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée en France et ce, depuis le 10 juillet 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2018, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête en s'en remettant à ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 17 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 18 octobre 2018.

Par décision du 20 septembre 2018, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. D...le 10 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme B...pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M A...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...D..., ressortissant marocain, né en 1977, est entré régulièrement en France le 24 juillet 2014 sous couvert d'un visa de long séjour valable du 24 juillet au 22 octobre 2014 l'autorisant à solliciter un titre de séjour " travailleur saisonnier " dans les deux mois de son arrivée sur le territoire français. Le 16 octobre 2014, le préfet du Vaucluse lui a délivré un titre de séjour pluriannuel d'une durée de trois ans en qualité de travailleur saisonnier valable jusqu'au 27 juillet 2017. Le 20 juillet 2017, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D...relève appel du jugement du 6 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. C...D...reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance et sans critiquer la réponse qui lui a été apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". Enfin, l'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L.5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". " L'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Il résulte de l'application combinée de ces stipulations et dispositions combinées que la délivrance à un ressortissant marocain d'un titre de séjour portant la mention " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain est subordonnée à la présentation d'un contrat de travail visé par les services en charge de l'emploi.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. D...sur le fondement des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, le préfet de la Haute-Garonne s'est fondé sur le motif qu'il ne disposait pas de contrat de travail visé par les autorités compétentes, qu'aucune demande d'autorisation n'avait été formulée en application des dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail et qu'il ne justifiait pas avoir respecté les conditions de séjour et de travail imposées par le titre de séjour " travailleur saisonnier " dont il était bénéficiaire. En se bornant à soutenir que les stipulations en cause ne mentionnaient pas la nécessité pour lui de se rendre dans son pays d'origine afin d'y solliciter une introduction sur le territoire français dans les conditions de droit commun, M. D...ne conteste pas utilement les motifs opposés à bon droit par le préfet de la Haute-Garonne. Par suite, en l'absence de contrat de travail visé par les autorités compétentes ou d'autorisation de travail, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...). / Entre la date d'expiration de la carte de résident ou d'un titre de séjour d'une durée supérieure à un an prévu par une stipulation internationale et la décision prise par l'autorité administrative sur la demande tendant à son renouvellement, dans la limite de trois mois à compter de cette date d'expiration, l'étranger peut également justifier de la régularité de son séjour par la présentation de la carte ou du titre arrivé à expiration. Pendant cette période, il conserve l'intégralité de ses droits sociaux ainsi que son droit d'exercer une activité professionnelle. ".

6. M. D...se prévaut de ce qu'en vertu des dispositions précitées, il bénéficiait du droit à travailler sur le territoire français durant la période faisant suite à l'expiration de sa carte de séjour. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié d'un titre de séjour pluriannuel d'une durée de trois ans valable jusqu'au 27 juillet 2017 en qualité de travailleur saisonnier, puis a sollicité le 20 juillet 2017 un changement de statut de " travailleur saisonnier " à " salarié ". Ainsi, la demande de M. D...n'était pas une demande de renouvellement de titre de séjour mais une demande de changement de statut. Dès lors, le requérant ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. M. D...se prévaut de ce qu'il réside en France depuis 2014, qu'il est intégré dans la société française, qu'il entretient une relation de concubinage, que ses quatre frères se trouvent en situation régulière sur le territoire français et qu'il n'a pas gardé de lien avec les membres de sa famille résidant au Maroc. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. D...n'a été admis à résider en France que de manière temporaire en qualité de travailleur saisonnier. De plus, s'il se prévaut de ce qu'il vit en concubinage, il ne produit aucun document concernant cette relation et ne précise même pas l'identité de sa compagne. Enfin, M. D...n'est pas dépourvu d'attache familiale au Maroc, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans et où résident ses parents et trois de ses frères et soeurs. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France et au manque de précisions sur les attaches familiales dont il dispose en France et sur l'intensité des liens avec celles-ci, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En cinquième lieu, si M. D...soutient que, s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, le renvoi au Maroc reviendrait à le livrer à un avenir professionnel et matériel incertain et à nier l'intensité de ses attaches en France, il n'invoque aucun moyen au soutien de cette allégation. A supposer que le requérant ait ainsi entendu invoquer un moyen, il n'est manifestement pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 20 novembre 2017. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

Mme, Sabrina Ladoire, premier-conseiller.

Lu en audience publique, le 22 novembre 2018.

Le rapporteur,

Paul-André A...Le président,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

18BX02738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX02738
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-22;18bx02738 ?
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