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29/11/2018 | FRANCE | N°16BX02790

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 29 novembre 2018, 16BX02790


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ateliers de Lastour a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge : 1) des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ; 2) des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012.

Par un jugement n° 1402524-1403560 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 16 août 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 25...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ateliers de Lastour a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de lui accorder la décharge : 1) des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ; 2) des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012.

Par un jugement n° 1402524-1403560 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 août 2016 et un mémoire complémentaire enregistré le 25 octobre 2016, la SARL Ateliers de Lastour, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la vérification de comptabilité est irrégulière pour défaut de débat oral et contradictoire ; la charte du contribuable vérifiée rappelle que le dialogue joue un rôle très important tout au long de la procédure ; la réponse Bourg-Broc du 1er juin 1987 précise que de simples échanges écrits ne peuvent pas tenir lieu du débat oral et contradictoire requis ; en l'espèce, l'administration n'a pas voulu prendre en considération la situation particulière due au divorce du gérant de la société ;

- en méconnaissance de ce qu'a indiqué le secrétaire d'Etat aux finances et aux affaires économiques en 1954 et de la doctrine administrative (BOI-CF-PGR-20-50 paragraphes n° 10 et 20), la société, qui s'est vu notifier trois proposition de rectification, a été privée de la possibilité de demander un règlement d'ensemble ;

- les tableaux présentés par l'administration ne permettent pas de justifier la situation de taxation d'office dans laquelle se serait trouvée la société en application du 2° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales combiné avec l'article L. 68 ;

- c'est à tort que, s'agissant des rappels de TVA de l'année 2010 fondés sur les discordances entre le chiffre d'affaires déclaré et le chiffre d'affaires comptabilisé, l'administration refuse de prendre en compte un solde débiteur sur autres biens et services de 13 229 euros et un crédit de taxe restant à solder de 1 638 euros ;

- c'est à tort que, s'agissant des rappels de TVA de l'année 2010 fondés sur une facture non comptabilisée au titre du travail à façon, l'administration refuse de tirer les conséquences de l'annulation d'une facture E 1000288 et d'un avoir attaché à la facture E 1000289 ; c'est également à tort qu'elle remet en cause la nature du travail à façon des travaux réalisés en s'immisçant ainsi dans la gestion de l'entreprise ;

- s'agissant de la facture manquante " SARL Transplumes " elle sera produite dès qu'elle sera à la disposition de la société ;

- toutes précisions utiles seront apportées sur la TVA déductible non reportée sur la déclaration CA 3 de décembre 2010 ;

- les suppléments de taxe sur la valeur ajoutée de l'exercice 2010, soit 8 763 euros, doivent être imputés sur les résultats de cet exercice ;

- la somme de 3 507 euros doit bien être prise en compte pour le calcul de la TVA déductible ;

- les rehaussements au titre du profit sur le trésor ne sont pas justifiés ;

- les documents juridiques versés pour justifier les charges rejetées par le vérificateur auraient dû être acceptés par l'administration dès lors qu'ils se rapportent bien aux exercices vérifiés, même s'ils ont été produits après le contrôle.

Par un mémoire enregistré le 19 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la société SRD ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 14 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 13 avril 2018 à 12h.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Ateliers de Lastour, qui a pour activité la fabrication et le négoce d'articles de literie et de linge de maison, d'achat, vente et traitement de plumes et duvets, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant en matière d'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2010 et 2011 et en matière de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2010 au 31 août 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration a procédé à divers rehaussements des bases d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée et à l'impôt sur les sociétés qui ont abouti à l'établissement de suppléments d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2010 et 2011 et de rappels de taxe sur la valeur ajoutée assortis de majorations pour manquement délibéré. La SARL Ateliers de Lastour conteste le jugement du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande à fin de décharge de ces impositions et pénalités.

Sur la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes (...) ". L'article L. 68 du même livre dispose : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ". Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, c'est à juste titre qu'en application des dispositions précitées, la SARL Ateliers de Lastour a été regardée comme relevant de la procédure de taxation d'office pour l'ensemble des impositions qu'elle conteste.

3. En deuxième lieu, pour invoquer la méconnaissance par l'administration de son obligation de mettre le contribuable vérifié en mesure d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, la société requérante se borne à faire valoir que " l'administration n'a pas voulu prendre en considération les éléments de fait particuliers liés au divorce de M. B... ", son gérant, ce qui a empêché la société de procéder à des " régularisations au début du contrôle " afin d'éviter la procédure de taxation d'office. Toutefois, par ces seules indications, et alors que les opérations de contrôle se sont déroulées dans les bureaux de l'entreprise, en présence du gérant et de l'expert-comptable, la SARL Ateliers de Lastour n'apporte aucun élément précis susceptible de révéler qu'elle n'aurait pas été mise en mesure de bénéficier d'un débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité. De plus, la situation de taxation d'office dans laquelle elle se trouve pour l'ensemble des impositions litigieuses était acquise avant même le début de la vérification.

4. En troisième lieu, la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SARL Ateliers de Lastour a porté aussi bien sur l'impôt sur les sociétés que sur la taxe sur la valeur ajoutée, et le service des impôts a tenu compte des rappels de taxe sur la valeur ajoutée opérés pour déterminer les résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, de sorte que, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la société n'aurait pas bénéficié de la " garantie du règlement d'ensemble " prévue par le BOI-CF-PGR-20-50 manque en fait.

5. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction, ce que la société reconnaît d'ailleurs, que, si la proposition de rectification du 23 janvier 2013 n'indiquait pas le nom et le prénom de l'inspecteur principal ayant apposé son visa, celle datée du 30 janvier 2013, dont il était précisé qu'elle annulait et remplaçait la précédente, comportait ces indications. La société ne saurait sérieusement faire valoir, en invoquant le vice dont était entachée la première proposition de rectification, que la procédure serait viciée faute pour l'administration d'avoir fait preuve de " sérénité ".

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

6. En premier lieu, s'agissant du redressement opéré au titre de la discordance, d'un montant de 8 605 euros, constatée entre les opérations taxables enregistrées en comptabilité et les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté que, contrairement à ce qu'affirme la SARL Ateliers de Lastour, d'une part, le solde débiteur au 31 décembre 2010 du compte de taxe déductible sur " autres biens et services " a bien été pris en compte par le service des impôts, d'autre part, le " crédit de TVA à reporter " mentionné sur la déclaration souscrite pour le mois de novembre 2010 ne peut, contrairement à ce que demande la société, être pris en compte dès lors qu'il résulte d'une minoration du chiffre d'affaires taxable afférent à la période du 1er janvier au 30 novembre 2010.

7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, notamment de la réponse aux observations du contribuable du 17 mars 2013, et il n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que, s'agissant du redressement opéré au titre de la facture n° E1000299 émise le 31 décembre 2010, le service des impôts a tenu compte, pour le calcul de la taxe sur la valeur ajoutée finalement due au titre de la période vérifiée, de la facture d'avoir n° E1100280 émise le 10 janvier 2011 et venant annuler la précédente. Dans ces conditions, d'une part, le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas tenu compte de cette annulation manque en fait, d'autre part, le moyen tiré de ce que la facture n° E1000299 se rapportait, contrairement à ce qu'a estimé le service, à une prestation de services de travail à façon est dépourvu de portée utile.

8. En troisième lieu, la société n'a produit ni la " facture manquante SARL Transplumes " annoncée dans son mémoire ampliatif, ni les justificatifs annoncés concernant la taxe déductible qui n'aurait pas été reportée sur la déclaration A3 afférente au mois de décembre 2010.

9. En quatrième lieu, si la SARL Ateliers de Lastour fait valoir qu'un paiement effectué en août 2011, d'un montant de 3 507 euros, doit être pris en compte pour calculer les droits de taxe sur la valeur ajoutée dus, elle ne conteste pas sérieusement, en invoquant une prétendue erreur de totalisation, que ce paiement se rapportait, non pas à la taxe sur la valeur ajoutée, mais, d'une part, à la taxe professionnelle pour 2 370 euros et à la pénalité de 10 % pour paiement tardif de cette taxe, soit 237 euros, d'autre part, à la somme totale de 900 euros au titre des " pénalités de recouvrement ", d'un montant unitaire de 150 euros, appliquées sur les déclarations de TVA afférentes aux mois de septembre à novembre 2010 ainsi qu'aux mois de janvier et février 2012.

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

10. Aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés : " le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, notamment (...) : 1°) les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à de pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectuées avant la clôture de l'exercice (...) ". La SARL Ateliers de Lastour a inscrit dans ses charges de l'exercice clos en 2011 la somme de 10 000 euros au titre d'une prime versée au gérant et a constitué une provision à hauteur de 4 000 euros à raison des cotisations sociales afférentes à cette prime. Toutefois, il est constant qu'aucune délibération de l'organe compétent de la société n'avait été prise à la clôture de cet exercice pour décider de l'attribution de cette prime au gérant. Les écritures comptables litigieuses ne pouvaient donc reposer sur une quelconque justification d'un engagement constitutif d'une dette de la société à l'égard de son gérant, ce qui justifie le redressement opéré, et la production d'une délibération prise le 18 janvier 2013, soit plus d'un an après la clôture de l'exercice et le lendemain de la fin des opérations de vérification, ne saurait " régulariser " ces écritures de charges.

11. Enfin, la critique par la société requérante des redressements opérés au titre du " profit sur le Trésor " ne sont pas assorties des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Sur les pénalités :

12. Pour justifier l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré, le vérificateur a relevé que " les rappels de taxe sur la valeur ajoutée portent sur des opérations pour lesquelles le gérant de la société ne pouvait ignorer l'inexactitude de charges comportant de la TVA déductible portée en déductibilité ", que ces " écritures avaient été passées afin de mouvementer le compte de l'exploitant M. B...et d'éviter à ce compte d'avoir un solde débiteur ", que ces " écritures fictives ou erronées avaient aussi permis de minorer volontairement le montant de la TVA due " et que, par ailleurs le fait de ne pas reverser la TVA due ne pouvait être ignoré par le responsable légal de la société. En se bornant à faire valoir sans autre précision qu'" aucune réponse n'a été apportée aux justifications données par le contribuable et qui permettent de justifier sa bonne foi ", la société ne critique pas utilement les motifs sur lesquels est fondée l'application de la majoration auxdits rappels.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ateliers de Lastour n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme demandée par la SARL Ateliers de Lastour au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ateliers de Lastour est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ateliers de Lastour et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 25 octobre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 novembre 2018.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Catherine JUSSY

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX02790


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02790
Date de la décision : 29/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges salariales.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELAS GAILLARD AMARIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-11-29;16bx02790 ?
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