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04/12/2018 | FRANCE | N°16BX02198

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 16BX02198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique Nutrition Animale a demandé au tribunal administratif de la Martinique la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1400381 du 12 mai 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 5 juillet 2016 et le 20 février 2017, la société Martinique Nutrition Animale, représentée par la SCP Dubois, demande à

la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2016 ;

2°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Martinique Nutrition Animale a demandé au tribunal administratif de la Martinique la restitution des compléments de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1400381 du 12 mai 2016, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, présentés le 5 juillet 2016 et le 20 février 2017, la société Martinique Nutrition Animale, représentée par la SCP Dubois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 12 mai 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses sous déduction de la rectification reconnue comme fondée d'un montant de 54 587 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle accepte le rappel de taxe sur la valeur ajoutée sur la facturation des opérations accessoires de montage et d'installation, soit 54 587 euros ;

- elle exerce une activité de production d'aliments pour animaux et a réalisé, en 2010, un programme d'investissement afin de moderniser et de renforcer la capacité de ses installations productives ; ce programme s'est traduit par l'installation d'une tour de mélange et de dosage et d'un groupe d'expédition ;

- en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les matériels importés sont au nombre des produits visés à l'article 50 duodecies de l'annexe IV au code général des impôts ; à ce titre, leur importation a bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 295-1-5° a) du code général des impôts ;

- les opérations ainsi réalisées ne constituent pas un travail immobilier du seul fait que la société a accompli pour leur mise en oeuvre des démarches administratives et sollicité un permis de construire ; les travaux réalisés présentent un caractère accessoire ayant pour seule finalité le respect des contraintes techniques et de sécurité liées à l'installation des matériels ; les factures produites attestent de cette réalité ;

- les opérations réalisées ne constituent pas non plus des travaux immobiliers au sens de l'instruction administrative BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-30 §180 ;

- l'agrément délivré par l'administration en application de l'article 199 undecies B du code général des impôts confirme bien que les travaux en cause n'ont pas un caractère immobilier ; cet agrément a été pris en raison de la qualification d'investissements portant sur des matériels techniques affectés à une activité de production.

Par deux mémoires en défense, présentés le 28 décembre 2016 et le 29 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à la suite de l'acceptation partielle de la requérante sur les rectifications en litige, la contestation est limitée à la somme de 100 315 euros ;

- il résulte des dispositions de l'article 295 1-5° du code général des impôts et de celles de l'article 268 bis du même code que le producteur ou l'importateur de matières premières et produits exonérés de taxe sur la valeur ajoutée par l'article 295 1-5° qui en assure accessoirement l'installation ou le montage n'est, en principe, assujetti à la taxe que pour la fraction de son chiffre d'affaires qui se rapporte à l'activité d'installation ; il en va autrement si l'installation de ces matières premières et produits est au nombre des opérations qui concourent à l'édification d'un bâtiment et constitue un travail immobilier dont le prix comprend à la fois celui des matières et produits fournis et celui de leur mise en oeuvre, l'ensemble du prix facturé au client devant dans ce cas être assujetti à la taxe ;

- la notion de travaux immobiliers recouvre les travaux de construction de bâtiments et autres ouvrages immobiliers, les travaux d'équipement des immeubles ayant pour effet d'incorporer à titre définitif aux constructions les appareils ou matériels installés, les travaux de réfection et de réparation des immeubles et les installations de caractère immobilier ; doivent aussi être regardées comme des travaux immobiliers toutes les opérations entreprises pour équiper fonctionnellement les immeubles construits ;

- en l'espèce, la vente a porté sur une tour de mélange et de dosage connectée à un circuit complet de production incluant la presse et l'ensacheuse, ainsi que d'un groupe d'expédition en vrac, par camion ; ces travaux réalisés pour la modernisation de l'outil de production incluent des travaux de construction de bâtiment et des travaux d'équipement ayant pour effet d'incorporer à titre définitif aux constructions les matériels installés ;

- l'opération de vente de l'usine doit être donc regardée comme portant sur des travaux immobiliers constituant une prestation de services passible de la taxe sur la valeur ajoutée dont le prix doit comprendre à la fois celui des matériaux fournis et celui des travaux de pose ;

- la circonstance selon laquelle la société n'aurait pas obtenu l'agrément fiscal s'il s'était agi d'une opération portant sur des travaux immobiliers est sans influence sur le bien-fondé des rappels effectués.

Par une ordonnance du 28 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2017 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Martinique Nutrition Animale (MNA), qui fabrique des aliments pour animaux, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 2008 à 2010. A l'issue de ce contrôle, la société MNA a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 192 745 euros qui ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement du 12 septembre 2012. Ces rappels ont notamment pour origine la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, d'un montant de 147 251 euros, dont a bénéficié la société en 2010 à raison d'investissements destinés à moderniser son outil de production. Par jugement du 12 mai 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la requête de la société MNA tendant à la restitution des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour un montant de 147 251 euros en droits et de 9 424 euros en pénalités. La société MNA relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin de restitution de la taxe litigieuse à hauteur de la somme de 100 315 euros.

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 257 du même code : " Sont (...) soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles. (...) ". Aux termes de l'article 266 dudit code : " 1. La base d'imposition est constituée : (...) f. Pour les travaux immobiliers, par le montant des marchés, mémoires ou factures (...)".Aux termes de l'article 268 bis dudit code : " Lorsqu'une personne effectue concurremment des opérations se rapportant à plusieurs des catégories prévues aux articles du présent chapitre, son chiffre d'affaires est déterminé en appliquant à chacun des groupes d'opérations les règles fixées par ces articles. ".

3. Aux termes de l'article 295 du code général des impôts : " 1. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 5° Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion : a. Les importations de matières premières et produits dont la liste est fixée par arrêtés conjoints du ministre de l'économie et des finances et du ministre chargé des départements d'outre-mer ; b. Les ventes et les livraisons à soi-même des produits de fabrication locale analogues à ceux dont l'importation dans les départements susvisés est exemptée en vertu des dispositions qui précèdent (...) ". La liste des produits, matériaux de construction, engrais et outillages industriels et agricoles dont l'importation dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion peut avoir lieu en franchise de la taxe sur la valeur ajoutée, est fixée par l'article 50 duodecies de l'annexe IV au code général des impôts.

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le producteur ou l'importateur de matières premières et de produits relevant des dispositions de l'article 295, 1-5°, qui en assure accessoirement l'installation ou le montage chez des clients, ne doit en principe être assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée que pour la fraction de son chiffre d'affaires qui se rapporte à la partie de son activité qui consiste dans l'exécution des travaux d'installation, mais qu'il en va autrement si l'installation de ces matières premières ou produits est au nombre des opérations qui concourent à l'édification d'un immeuble dont le prix comprend à la fois celui des matières et produits fournis et celui de leur mise en oeuvre. Dans ce dernier cas, il y a lieu d'assujettir à la taxe l'ensemble du prix facturé aux clients.

5. Pour l'application des dispositions précitées, doivent être regardées comme des travaux immobiliers toutes les opérations qui concourent directement à l'édification d'un bâtiment. Ces opérations peuvent consister notamment à intégrer dans la construction d'un bâtiment des matériaux, éléments ou équipements préalablement fabriqués. Il en va de même lorsqu'il s'agit non d'édifier un bâtiment nouveau mais de rénover un bâtiment ancien ou encore de le doter d'équipements complémentaires de la nature de ceux qui sont normalement réalisés lors de l'édification d'un bâtiment similaire.

6. La livraison des matériels destinés à moderniser l'outil de production de la société MNA, leur montage et les prestations nécessaires à leur mise en service ont été réalisés par la société Gerico France. La société Gerico France a facturé ses prestations à la société MNA en exonération de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions du 5° de l'article 295-1 du code général des impôts. La société MNA a ensuite cédé les ouvrages réalisés à la société SNC G5J dans le cadre d'un portage fiscal ouvrant droit au dispositif d'exonération de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

7. En l'espèce, les investissements ont consisté, d'une part, dans la construction d'une tour pour le mélange et le dosage de micro-ingrédients connectée à un circuit de production incluant une presse et une ensacheuse et, d'autre part, dans la mise en place d'un groupe d'expédition en vrac par camion. Il résulte de l'instruction que ces travaux incluent aussi bien des travaux de construction d'un bâtiment que des travaux d'équipement ayant eu pour effet d'incorporer aux constructions les matériels installés. Ces travaux, dont la réalisation a d'ailleurs nécessité un permis de construire, et qui ont eu pour effet d'incorporer des équipements qui accompagnent normalement ce type de bâtiments, ont concouru à la réalisation d'un travail immobilier dont le prix comprend ainsi, comme l'a estimé à juste titre l'administration, à la fois celui du matériel fourni et celui des travaux de pose.

8. Par ailleurs, comme l'a jugé à bon droit le tribunal au point 7 de sa décision, l'agrément fiscal obtenu par la société MNA, sur le fondement de l'article 199 undecies B du code général des impôts, est sans incidence sur le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée résultant des dispositions législatives rappelées aux points 2 et 3.

9. Il résulte de ce qui précède que la société MNA n'est pas fondée à soutenir, sur le terrain de la loi fiscale, que l'opération en litige était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 295, précité, du code général des impôts.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

10. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...)".

11. La société MNA se prévaut, sur le fondement des dispositions précitées, de la documentation administrative de base référencée BOI TVA CHAMP-10-10-40-30 n° 180. Toutefois, cette instruction, relative au champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, ne donne pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui est exposée aux points 4 et 5 ci-dessus dont la société requérante pourrait ainsi se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société MNA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Martinique Nutrition Animale est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Martinique Nutrition Animale et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

Le rapporteur,

Frédéric FaïckLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX02198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02198
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP DUBOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-04;16bx02198 ?
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