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04/12/2018 | FRANCE | N°17BX02308

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 17BX02308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de Morne carrière et sud Martinique a demandé le 12 juillet 2016 au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite de refus du maire de la commune du Vauclin née du silence gardé sur sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme, de constater l'illégalité de la délibération du 23 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Vauclin a approuvé son plan local d'urbanisme et d'enjoindre au conseil municipal de la commune du Vauclin de

se prononcer à nouveau sur l'abrogation du plan local d'urbanisme.

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de défense de Morne carrière et sud Martinique a demandé le 12 juillet 2016 au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision implicite de refus du maire de la commune du Vauclin née du silence gardé sur sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme, de constater l'illégalité de la délibération du 23 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Vauclin a approuvé son plan local d'urbanisme et d'enjoindre au conseil municipal de la commune du Vauclin de se prononcer à nouveau sur l'abrogation du plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1600447 du 18 avril 2017, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 juillet 2017 et le 3 juillet 2018, l'association de défense de Morne carrière et sud Martinique, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 18 avril 2017 ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus du maire de la commune du Vauclin née du silence gardé sur sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme ;

3°) de constater l'illégalité de la délibération du 23 janvier 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Vauclin a approuvé son plan local d'urbanisme ;

4°) d'enjoindre au conseil municipal de la commune du Vauclin de se prononcer à nouveau sur l'abrogation du plan local d'urbanisme dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- la commune n'ayant pas présenté de mémoire en défense malgré l'injonction du tribunal faite en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, elle a acquiescé aux faits du demandeur qui sont réputés établis ; ainsi le tribunal aurait dû regarder comme établi le fait que la commune n'a jamais été appelée à statuer sur la demande de modification du zonage des deux parcelles en cause ;

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité administrative qui a pris la délibération approuvant le plan local d'urbanisme dès lors qu'il résulte de l'application du principe de l'acquiescement aux faits sus-rappelé que le conseil municipal n'a pas été consulté sur ce déclassement de deux parcelles et que le maire n'était pas compétent pour décider seul ainsi qu'il l'a fait ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le conseil municipal devait délibérer à nouveau sur la demande de la société Caraib Moter dès lors que le déclassement de deux parcelles demandé constitue une modification du substantielle du plan local d'urbanisme ; à défaut, la délibération en litige est entachée d'un vice d'incompétence ;

- l'absence d'évaluation environnementale quant aux conséquences du déclassement des deux parcelles en cause entache le plan local d'urbanisme d'illégalité ; l'évaluation environnementale est insuffisante en l'absence de tout commencement d'analyse des mesures de compensation et des effets du déclassement des parcelles en cause et de l'ouverture des zones à l'exploitation d'une carrière sur l'environnement ; il ne s'agit nullement d'une extension raisonnable mais d'une modification importante du plan local d'urbanisme ; la commune a omis de traiter de l'évitement et de la réduction des conséquences dommageables de la mise en oeuvre du document sur l'environnement ;

- le déclassement est intervenu sans débat au cours de l'enquête publique de la population, ni du commissaire-enquêteur ;

- la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 110 du code de l'urbanisme devenu l'article 101-2 du même code en classant certaines zones du Morne carrière en zones ouvertes à l'exploitation des carrières dès lors que cette zone de sud Martinique est très bien pourvue en carrières qui couvrent les besoins de la population et que le déclassement est ici disproportionné au regard des besoins assurés jusqu'en 2038 ;

- ce déclassement est par ailleurs contraire au parti pris d'aménagement de la commune et à la vocation de la zone de Morne Carrière de préserver et valoriser la santé des habitants, les paysages et de faire traverser cette zone par un circuit touristique ;

- en outre, le déclassement est incompatible avec la protection assurée aux espaces boisés classés (EBC) qui interdit tout changement d'affectation de nature à compromettre la conservation et la protection des boisements.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mai 2018, la commune du Vauclin, représentée par son maire en exercice, et par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'association de défense de Morne carrière et sud Martinique au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé et répond à l'ensemble des moyens de la requérante ;

- le tribunal a pu écarter le moyen tiré de l'absence d'étude environnementale quand bien même la commune n'a pas produit de mémoire en défense malgré mise en demeure du tribunal dès lors que cette étude a été réalisée et jointe au dossier de première instance ;

- l'enquête publique réalisée porte notamment sur une zone dédiée aux carrières, le déclassement des deux parcelles en cause ne constitue qu'une extension de cette zone ; la demande de défrichement de ces parcelles relève de l'autorisation d'exploiter et non du plan local d'urbanisme en litige ;

- le plan local d'urbanisme est voté en globalité et non par zonage ; un dossier complet contenant notamment ce projet de déclassement a été remis à l'ensemble des membres du conseil municipal avant le vote du plan local d'urbanisme ; le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité ayant approuvé le plan local d'urbanisme est voué au rejet ;

- l'étude des mesures de compensation des effets du déclassement des parcelles en cause et de l'ouverture de cette zone d'exploitation d'une carrière n'est proposée que dans la mesure du possible en application de la loi Grenelle II ; la commune n'a donc pas manqué à ses obligations en ne proposant pas de telles mesures en l'espèce ;

- le litige concerne 19 hectares déjà pour partie concernés par une zone de carrière sous l'ancien plan d'occupation des sols ; dans cette mesure et en se bornant à argumenter sur l'autorisation d'exploitation distincte du plan local d'urbanisme, la requérante n'établit pas d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Par une ordonnance du 4 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 16 août 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique.

Une note en délibéré présentée pour l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique a été enregistrée le 22 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 mars 2016, l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique a demandé au maire de la commune du Vauclin d'abroger le plan local d'urbanisme approuvé par une délibération du conseil municipal du 23 janvier 2013. En l'absence de réponse du maire dans un délai de deux mois, une décision implicite de rejet est née. L'association de défense Morne carrière et du sud Martinique relève appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande d'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que sa demande tendant à ce que le juge déclare illégal le plan local d'urbanisme précité.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si, en vertu de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, le défendeur à l'instance qui, en dépit d'une mise en demeure, n'a pas produit avant la clôture de l'instruction est réputé avoir acquiescé aux faits exposés par le requérant dans ses écritures, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux faits et non à l'appréciation juridique qui en est faite et il appartient au juge administratif de vérifier que la situation de fait invoquée par le demandeur n'est pas contredite par les pièces du dossier.

3. Il ressort des pièces du dossier que les membres du conseil municipal se sont prononcés sur le plan local d'urbanisme tel qu'il inclut le déclassement des deux parcelles V 261 et V 264. Les premiers juges ont estimé que l'augmentation de la zone ouverte à l'activité de carrière sur deux parcelles supplémentaires décidée pendant l'enquête publique, eu égard à son caractère mineur au regard de l'ensemble du plan local d'urbanisme, n'avait pas à faire l'objet d'une délibération spécifique du conseil municipal. L'acquiescement aux faits de la commune de Vauclin, qui n'a pas produit de mémoire en défense en première instance malgré mise en demeure, ne faisait pas obstacle à ce que le tribunal porte une appréciation juridique sur les faits tels qu'ils ressortaient des pièces du dossier. Par suite, en se prononçant ainsi, le tribunal n'a pas méconnu les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative.

4. En second lieu, contrairement à ce que l'association soutient, le tribunal en indiquant au point 12 du jugement attaqué que " si, après l'enquête publique, la superficie de la zone ouverte à l'activité de carrière a été augmentée pour porter sur la majeure partie des parcelles V 261 et V 264, en réponse à une demande de la société Caraib Moter formulée lors de l'enquête, cette augmentation, mineure au regard de l'ensemble du plan local d'urbanisme, ne remettant pas en cause l'économie générale du plan et procédant de l'enquête, n'avait pas à être soumise à une délibération spécifique du conseil municipal " a nécessairement répondu au moyen tiré de l'incompétence du maire de la commune en matière de modification du plan local d'urbanisme. Par suite le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point, qui manque en fait, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte approuvant le PLU :

5. Aux termes de l'article L. 123-10 du même code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique (...) / Après l'enquête publique (...), le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire [enquêteur] (...), est approuvé par délibération (...) du conseil municipal. ". Il est loisible à l'autorité compétente de modifier le plan après l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête, les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

6. Il ressort des pièces du dossier que le précédent plan d'occupation des sols applicable pour la période de 2006 à 2011 prévoyait, sur le nord de la parcelle V 261, une zone classée NCa permettant l'extraction du sous-sol pour un projet de carrière, et que le projet de plan local d'urbanisme tel que soumis à l'enquête publique, comportait également un projet de classement en zone naturelle, sous secteur carrière, sans protection d'espace boisé classé, sur le sud de la parcelle V 261 et sur une partie de la parcelle V 264. Il est constant que trois jours avant la fin de l'enquête publique, en réponse à une demande de la société Caraib Moter formulée lors de l'enquête, la superficie de la zone ouverte à l'activité de carrière a été augmentée pour porter sur la majeure partie des parcelles V 261 et V 264. Toutefois, cette augmentation mesurée au regard de l'ensemble du plan local d'urbanisme, ne vise qu'à étendre légèrement la zone de carrière existante et il ne ressort pas des pièces du dossier que cette modification entraînerait la disparition d'un espace remarquable ni qu'elle aurait des conséquences environnementales graves sur la zone. Ainsi, elle ne peut être regardée comme remettant en cause l'économie générale du plan. Dans ces conditions, alors d'une part, qu'il n'est pas contesté que le plan local d'urbanisme en litige a été approuvé par le conseil municipal, d'autre part, que la modification susmentionnée n'avait pas à être soumise à une délibération spécifique du conseil municipal préalablement à l'approbation du plan local d'urbanisme par cette autorité, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en l'absence de délibération spécifique du conseil municipal doit être écarté.

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

7. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.

8. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé [...] ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

9. Il résulte de ce qui précède que la requérante ne peut utilement invoquer, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger le plan local d'urbanisme, les moyens tirés de l'irrégularité de l'enquête publique du fait de modifications apportées au projet postérieurement à son achèvement, des conditions dans lesquelles les conseillers municipaux ont été convoqués et ont délibéré et de l'insuffisance de l'étude environnementale.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 110 du code de l'urbanisme :

10. Aux termes de l'article L. 110 du code de l'urbanisme: " Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre de vie, d'assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d'habitat, d'emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire les consommations d'énergie, d'économiser les ressources fossiles d'assurer la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la biodiversité notamment par la conservation, la restauration et la création de continuités écologiques, ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. Leur action en matière d'urbanisme contribue à la lutte contre le changement climatique et à l'adaptation à ce changement ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le plan local d'urbanisme en litige, s'il prévoit dans le secteur " Morne Carrière " le classement de parcelles en zone N2c, ces parcelles représentent une superficie peu importante et qui n'a pas vocation à s'étendre dès lors que les terrains avoisinants sont classés en zone N2 et N2e où les carrières ne sont pas autorisées. Dans ces conditions, alors qu'il est constant que le sous-sol des parcelles V 261 et V 264, riche en andésite, a déjà fait l'objet d'une exploitation dans le passé, et à supposer même que la demande régionale de matériaux de construction serait en baisse, en procédant au classement des parcelles en litige, le conseil municipal n'a pas commis, au regard des objectifs de gestion économe du sol, de protection des milieux naturels et des paysages et de promotion de l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales, d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne le non respect du parti pris d'aménagement de la commune :

12. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme, reprenant les dispositions de l'article R. 123-8, dans sa version en vigueur à la date de la demande d'abrogation : " Les zones naturelles et forestières sont dites "zones N". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

13. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils peuvent être amenés, à cet effet, à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions précitées, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

14. Il ressort des pièces du dossier et notamment du projet d'aménagement et de développement durable que la commune s'est fixée comme objectif de préserver les paysages et la biodiversité des lieux tout en développant la région à travers l'utilisation de ses atouts et notamment l'exploitation de ses richesses locales et du tourisme. En se bornant à soutenir que la commune aurait défini de manière erronée les besoins en matériaux de carrière et que leur exploitation serait néfaste à la santé des habitants, sans toutefois critiquer les motifs du classement des deux parcelles en cause, retenu par le plan local d'urbanisme ni le parti d'aménagement ci-dessus rappelé, retenu par la commune dans son projet d'aménagement et de développement durable, au regard notamment de la vocation des zones naturelles, l'association ne produit pas d'éléments permettant d'estimer que le classement des deux parcelles en litige, déjà classées pour partie en zone de carrière, serait en contradiction avec les objectifs d'aménagement de la commune. Par ailleurs, alors que le futur schéma de cohérence territoriale n'a pas encore été approuvé selon les propres déclarations de la requérante, la compatibilité du plan local d'urbanisme avec ce document, ne peut être utilement invoquée par anticipation. Par suite, le classement des parcelles en litige en zone naturelle N2c1 n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la violation du principe de protection des espaces boisés classés :

15. Aux termes de l'article L. 130-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies, des plantations d'alignements. /Le classement interdit tout changement d'affectation ou tout mode d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements. /Nonobstant toutes dispositions contraires, il entraîne le rejet de plein droit de la demande d'autorisation de défrichement prévue aux chapitres Ier et II du titre Ier livre III du code forestier. Il est fait exception à ces interdictions pour l'exploitation des produits minéraux importants pour l'économie nationale ou régionale, et dont les gisements ont fait l'objet d'une reconnaissance par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé avant le 10 juillet 1973 ou par le document d'urbanisme en tenant lieu approuvé avant la même date. Dans ce cas, l'autorisation ne peut être accordée que si le pétitionnaire s'engage préalablement à réaménager le site exploité et si les conséquences de l'exploitation, au vu de l'étude d'impact, ne sont pas dommageables pour l'environnement. Un décret en conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent alinéa ".

16. Le projet de plan local d'urbanisme de la commune a pour objet notamment la suppression d'espaces boisés classés et le déclassement de la zone ND des parcelles V 261 et V 264 et leur reclassement en zone N2c1 afin de permettre l'extension de la carrière de la zone dite " Morne Carrière ". Il ressort des pièces du dossier que la zone sud Martinique à laquelle appartient la commune du Vauclin présentera, en l'absence de renouvellement d'autorisation et d'extension des sites existants, un déficit important à moyen terme en production de matériaux. Ainsi et bien que ladite extension de la zone de carrière ait été demandée par la société exploitante, l'extension de ladite carrière, par son incidence positive sur la production de matériaux à proximité des lieux de consommation de ces matériaux, qui ne contredit pas le parti d'aménagement de la commune de développement de la région par l'exploitation de ses richesses locales, et nonobstant la suppression induite par cette extension de 19 hectares d'espaces boisés classés à Vauclin, lesquels ne représentent qu'une très faible superficie des espaces boisés de la commune, n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Vauclin, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique à verser à la commune du Vauclin une quelconque somme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Vauclin présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense de Morne carrière et du sud Martinique, à la commune du Vauclin et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.

Le rapporteur,

Caroline Gaillard

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX02308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02308
Date de la décision : 04/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELAS JURISCARIB

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-04;17bx02308 ?
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