La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2018 | FRANCE | N°16BX03144

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 16BX03144


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la même année.

Par un jugement n° 1303124, 1303125, 1303126 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître le

s conclusions relatives aux contributions sociales et a rejeté le surplus de la requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de lui accorder la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la même année.

Par un jugement n° 1303124, 1303125, 1303126 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions relatives aux contributions sociales et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 septembre 2016, M.E..., représenté par Me B... et MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juillet 2016 ;

2°) de lui accorder la décharge de la totalité des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'indemnité de 1 million d'euros dont le versement est prévu par le protocole d'accord conclu le 11 août 2010 n'a pas pour contrepartie une prestation de services relevant d'une activité économique et soumise en conséquence à la taxe sur la valeur ajoutée en application des articles 256 et 256 A du code général des impôts : cette indemnité n'a pas pour fait générateur l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 31 mars 2010 statuant sur le litige entre, d'une part, M. E...et la société Wilson, d'autre part, M. D...et la société Plus Pharmacie, et n'a pas pour objet de mettre un terme au différend opposant les parties sur le plan judiciaire, ni de rémunérer la gestion d'une marque comme l'a relevé le tribunal administratif ; son objet est de réparer le préjudice subi par M. E...et la société Wilson du fait de l'atteinte au droit d'auteur de M.E..., créateur du nom et du logo " Pharma Vie " ;

- M. E...n'ayant pas consenti aux sociétés Plus Pharma et Phoenix Pharma le droit d'exploiter la marque et le logo " Pharma Vie " à des fins commerciales, et l'indemnité de 1 million d'euros prévue par le protocole d'accord du 11 août 2010 se bornant à compenser le préjudice moral subi par le requérant, cette somme ne saurait être imposée à l'impôt sur le revenu ;

- M. E...n'a commis aucun manquement délibéré en ne déclarant pas la somme litigieuse pour son imposition à l'impôt sur le revenu ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions relatives aux contributions sociales.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au non-lieu à statuer en ce qui concerne les conclusions relatives aux contributions sociales, le dégrèvement ayant été accordé, et au rejet du surplus de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. E...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 août 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 3 octobre 2017 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Aymard de Malafosse,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...fait appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juillet 2016 rejetant ses demandes à fin de décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2010 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels il a été assujetti au titre de la même année à raison de l'imposition d'une somme d'un million d'euros dont le versement a été prévu par un protocole d'accord transactionnel.

Sur l'étendue du litige :

2. Postérieurement à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a accordé le dégrèvement de la totalité des suppléments de contributions sociales mis à la charge de M. E... et contestés par celui-ci. Il n'y a plus lieu, dès lors, de statuer sur les conclusions du requérant à fin de décharge de ces impositions.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) IV. 1° Les opérations autres que celles qui sont définies au II, notamment la cession ou la concession de biens meubles incorporels, le fait de s'obliger à ne pas faire ou à tolérer un acte ou une situation, les opérations de façon, les travaux immobiliers et l'exécution des obligations du fiduciaire, sont considérés comme des prestations de services ; (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. ".

4. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. ", et aux termes de l'article 34 du même code : " Sont considérés comme bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par des personnes physiques et provenant de l'exercice d'une profession commerciale, industrielle ou artisanale ".

5. M.E..., pharmacien, dirigeant de la société Wilson qui exploite une officine de pharmacie, a déposé le 28 décembre 1989 la marque " Pharmavie " pour des produits et matériels pharmaceutiques, notamment. Cet enregistrement a produit ses effets pour une période de dix ans. Cet enregistrement n'ayant pas été renouvelé en 1999, M. E... a cessé de bénéficier de la protection due au propriétaire d'une marque. En 2003, M.D..., pharmacien, dirigeant de la société Plus Pharmacie, a déposé auprès de l'INPI une demande d'enregistrement de la marque et du logo " Pharmavie ", identiques à ceux déposés en 1989 par M.E.... En 2005, ce dernier et la société Wilson ont assigné M. D...devant le tribunal de grande instance de Bayonne afin que soit annulé le dépôt de marque qu'il a effectué en 2003, qu'il soit interdit à la société Plus Pharmacie d'utiliser ce nom commercial ainsi que l'enseigne et le logo et qu'il soit enjoint à cette société de retirer les enseignes déjà installées dans les pharmacies de son réseau, sous astreinte. Le tribunal de grande instance n'ayant pas fait droit à cette demande, M. E...et la société Wilson ont introduit un appel devant la cour d'appel de Pau. Par un arrêt du 31 mars 2010, cette cour, se fondant sur ce que M. E...détenait des droits d'auteur sur le signe " Pharmavie ", a fait droit à ses demandes en annulant la marque " Pharmavie " déposée par M. D...à l'INPI en 2003, en interdisant à la société Plus Pharmacie d'utiliser ce signe, que ce soit dans son nom commercial, son enseigne ou son logo, et en lui ordonnant de faire retirer ce signe des diverses pharmacies de son réseau, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et infraction constatée. A la suite de cet arrêt, un " protocole d'accord transactionnel " a été signé le 11 août 2010 entre, d'une part, M. E...et la société Wilson, d'autre part, M. D..., la société Plus Pharmacie et la société Phoenix Pharma France, laquelle avait acquis la société Plus Pharmacie. Cette convention décrit en détail les procédures engagées devant le tribunal de grande instance de Bayonne puis la cour d'appel de Pau, ainsi que les mesures ordonnées par cette cour qui ont été précisées ci-dessus. Son article 1er stipule, d'une part, que la société Plus Pharmacie s'engage à verser à M. E...la somme de 1 million d'euros " à titre d'indemnité transactionnelle et de compensation du préjudice subi ", à charge pour M. E...d'opérer la répartition de l'indemnité avec la société Wilson, d'autre part, que M. E...et la société Wilson s'engagent à permettre l'utilisation par Plus Pharmacie et Phoenix Pharma France de la dénomination et du logo Pharmavie sous toutes leurs formes pour désigner leur activité. La transaction prévoit également, en ses articles 4 et 5, la renonciation de M. E...et de la société Wilson au bénéfice de l'arrêt de la cour d'appel de Pau précité et l'engagement de M. D...et de la société Plus Pharmacie de se désister du pourvoi en cassation formé par eux à l'encontre de cet arrêt.

6. Il résulte des énonciations de ce protocole d'accord que l'indemnité de 1 million d'euros dont le versement est prévu par son article 1er a pour contrepartie la renonciation de M. E...à se prévaloir de l'arrêt de la cour d'appel de Pau lui reconnaissant le droit à la protection des droits d'auteur qu'il détient sur la marque " Pharmavie " et l'autorisation qu'il donne, en tant que créateur de cette marque disposant à ce titre de droits d'auteur, à la société Plus Pharmacie et à son repreneur, de continuer à l'utiliser pour les besoins de leur exploitation commerciale. En concédant ce droit d'utilisation moyennant le paiement de la somme de 1 million d'euros, M. E...a réalisé de manière indépendante et à titre onéreux, dans le cadre d'une activité économique, une prestation de services entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions citées au point 3. Ladite somme constituant la contrepartie d'une prestation de service s'analysant en un acte de disposition d'une marque commerciale, elle constitue un revenu imposable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application des dispositions citées au point 4. Dès lors que M. E...était le seul créateur de la marque " Pharmavie " et donc le seul détenteur de droits d'auteur sur cette marque, la société Wilson l'ayant seulement utilisée à titre gratuit, c'est à juste titre que la somme litigieuse, dont le versement est prévu par la transaction au seul profit de M. E...même s'il lui est loisible d'en reverser une partie à la société Wilson, a été imposée pour sa totalité entre les mains de l'intéressé, sans que celui-ci puisse utilement faire valoir qu'il a reversé 130 000 euros à la société Wilson.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". En vertu de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, la preuve de la mauvaise foi du contribuable incombe à l'administration en cas de contestation.

8. Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt. Si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que la mauvaise foi soit regardée comme établie dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

9. L'administration a assorti la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à la charge de M. E...de la pénalité prévue par les dispositions citées au point 7. En vue d'établir l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt, elle fait valoir que M. E...ne pouvait ignorer, au regard des documents juridiques qu'il détenait, que la somme litigieuse était la contrepartie de services rendus, que la somme en jeu est importante et que M. E...a fait preuve, au cours du contrôle, d'une volonté de rétention des documents permettant d'apprécier le caractère imposable de la somme litigieuse. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, M.E..., qui était en possession de l'arrêt de la cour d'appel de Pau et de l'accord transactionnel, ne pouvait en effet ignorer, au moment où il a souscrit sa déclaration afférente aux revenus de l'année 2010, que la somme versée par la société Plus Pharmacie en application de la transaction conclue le 11 août 2010, présentait le caractère d'un revenu imposable. Dans ces conditions, l'administration justifie l'application de la majoration contestée.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. E...à hauteur du dégrèvement d'un montant de 127 531 euros accordé en cours d'instance.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.A... E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

M. David Katz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX03144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03144
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Aymard DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : CABINET LAVERGNE JACQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2018-12-20;16bx03144 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award