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08/02/2019 | FRANCE | N°16BX01069

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 08 février 2019, 16BX01069


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot (GADEL) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Cahors à lui verser une somme de 23 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision d'abattre trente-six platanes bordant la route de Bégoux.

Par un jugement n° 1301498 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire,

enregistrés le 30 mars 2016 et le 19 mars 2018, le groupement associatif de défense de l'enviro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot (GADEL) a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Cahors à lui verser une somme de 23 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision d'abattre trente-six platanes bordant la route de Bégoux.

Par un jugement n° 1301498 du 5 février 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 mars 2016 et le 19 mars 2018, le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot (GADEL), représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse et de condamner la commune de Cahors à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Cahors une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le groupement associatif soutient que :

- en tant que fédération départementale d'associations de protection de la nature et de l'environnement, agréée depuis le 15 mai 2000, elle bénéficie d'une présomption d'intérêt à agir en vertu de l'article L. 142-1 du code de l'environnement qui ; selon ses statuts, le groupement a pour objet d'agir en faveur de la protection de l'environnement et également pour la défense de la nature et du cadre de vie ; son intérêt à agir est donc certain dès lors que la décision d'abattage d'arbres porte atteinte à la nature et à l'environnement ;

- la responsabilité pour faute de la commune doit être engagée dès lors que :

- le maire de la commune n'a pris aucune décision motivée en fait et en droit ; la lettre d'information du 19 juin 2012 ne satisfait pas à cette exigence ;

- aucun arrêté pris sur le fondement des pouvoirs de police du maire ne permet de considérer que la décision d'abattage est justifiée, nécessaire et strictement proportionnée ; c'est à la commune de justifier du caractère nécessaire de cette mesure ; en outre, d'autres solutions existaient et c'est à la commune de démontrer que seul l'abattage était possible ; le tribunal a inversé la charge de la preuve ;

- enfin, les alignements d'arbres sont protégés par l'article L. 150-3 du code de l'environnement depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2018, la commune de Cahors, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'association une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'association ne justifie pas d'un intérêt à agir contre la décision d'abattage en litige ; son agrément ne l'exonère pas de son obligation d'apporter la preuve que les intérêts qu'elle défend en raison de son objet social et son statut sont en rapport direct avec l'acte attaqué, et que son intérêt à agir est réel et certain ; son objet social ne lui confère pas un tel intérêt pour former, au surplus, une demande indemnitaire ;

- elle ne recherche que le versement par la commune de Cahors d'une somme d'argent sans aucune cause environnementale tangible, ni faute démontrée ; son action est dépourvue de tout fondement légitime et, par suite, irrecevable ;

- aucun des moyens soulevés n'est fondé : le maire devait supprimer le risque avéré que représentaient ces arbres, pour la plupart malades, évidées et fragilisés en raison de leur âge, tant pour les piétons que pour les automobilistes ; les riverains se sont d'ailleurs prononcés favorablement en ce sens, en raison des nuisances subies (visibilité réduite, chutes de branches...) ; la compétence du maire est certaine, en vertu de l'article L. 2213-1 du code de la voirie routière et des articles 3 et 15 du règlement départemental de la voirie du Lot du 16 avril 2009 ;

- aucune illégalité fautive ne peut être reprochée au maire, et les préjudices allégués ne sont nullement justifiés.

Par ordonnance du 26 janvier 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 mars 2018, à 12h00.

Un mémoire présenté pour la commune de Cahors a été enregistré le 10 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la voirie routière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- et les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot (GADEL) interjette appel du jugement du 5 février 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête tendant à être indemnisé des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de la décision du maire de la commune de Cahors du 19 juin 2012, qu'il considère illégale, de procéder à l'abattage d'arbres le long de la route de Bégoux.

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement : " Toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives pour tout grief se rapportant à celle-ci. / Toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément dès lors que cette décision est intervenue après la date de son agrément ". Aux termes de l'article 2 de ses statuts, le GADEL, agréé pour la protection de l'environnement en vertu de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, a pour objet " d'agir pour la protection de l'environnement, de la défense de la nature du cadre de vie et du patrimoine, dans le respect des individus, de leur santé et d'un développement économique solidaire, soutenable et durable ". Ces dispositions ne dispensent pas l'association qui sollicite la réparation d'un préjudice, notamment moral, causé par les conséquences dommageables d'une illégalité fautive, de démontrer l'existence d'un préjudice direct et certain résultant, pour elle, de la faute commise par une collectivité.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les arbres ont été abattus pour des motifs sanitaire et de sécurité routière. La coupe en a été reportée en septembre 2012, en dehors de la période de nidification. Le GADEL demande à être indemnisé d'une part, à hauteur de 5 000 euros, au titre d'un préjudice moral, d'autre part, à hauteur de 19 000 euros, au titre d'un préjudice écologique qu'il évalue en se référant au coût estimé de l'abattage des trente-six arbres concernés. Toutefois, il n'établit pas, par la circonstance que des arbres ont été abattus le long de la route de Bégoux, sur le territoire de la commune de Cahors, et qu'ils abritaient des oiseaux et petits mammifères, l'existence d'un préjudice moral résultant de l'atteinte portée aux intérêts qu'il s'est donné pour mission de défendre. Et il ne justifie pas davantage d'un préjudice direct pouvant être lié au coût d'abattage de ces arbres qu'il n'a pas supporté lui-même.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cahors, que le GADEL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa requête.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cahors, qui n'a pas la qualité de partie perdante, une somme au titre des frais exposés par le GADEL et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce groupement une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot est rejetée.

Article 2 : Le groupement associatif de défense de l'environnement du Lot versera à la commune de Cahors une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au groupement associatif de défense de l'environnement du Lot et à la commune de Cahors.

Copie en sera adressée au préfet du Lot.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Philippe Pouzoulet, président,

Sylvande Perdu, premier conseiller,

Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2019.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet du Lot en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX01069


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01069
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice. Caractère indemnisable du préjudice - Questions diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : THIBAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-08;16bx01069 ?
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