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08/02/2019 | FRANCE | N°16BX03985

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 08 février 2019, 16BX03985


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le rocher des aigles a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2014 par lequel le maire de Rocamadour a délivré un permis de construire à la société R et L Productions en vue de la réalisation d'un établissement de plein air pour des spectacles équestres, la création de parc d'un stationnement, d'espace de spectacles, d'enclos pour animaux et d'un point de vente.

Par un jugement n° 1403448 du 2 novembre 2016 le tribunal administratif de Toulouse

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le rocher des aigles a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 2 avril 2014 par lequel le maire de Rocamadour a délivré un permis de construire à la société R et L Productions en vue de la réalisation d'un établissement de plein air pour des spectacles équestres, la création de parc d'un stationnement, d'espace de spectacles, d'enclos pour animaux et d'un point de vente.

Par un jugement n° 1403448 du 2 novembre 2016 le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 16 décembre 2016, le 13 juillet 2017, le 6 avril 2018, les 23 et 28 mai 2018, la société Le rocher des aigles, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 novembre 2016 ainsi que l'arrêté du 2 avril 2014 délivrant un permis de construire à la société R et L Productions ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Rocamadour une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société soutient que :

- elle a notifié sa requête d'appel, conformément aux exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- elle justifie d'un intérêt à agir contre ce permis de construire en sa qualité de voisin immédiat d'un projet qui, en raison des nombreuses nuisances qu'il engendre, remet directement en cause le fonctionnement du parc ornithologique en place ;

- le permis a été délivré en méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme dès lors que le pétitionnaire n'est pas le propriétaire du terrain d'assiette et ne justifie pas d'une autorisation du propriétaire ;

- le dossier de demande de permis était incomplet et des pièces décrivent un terrain vierge ce qui ne correspond pas à la réalité ; l'appréciation portée par l'autorité communale sur la conformité du projet à la règlementation en a été faussée ;

- le permis méconnait l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme dès lors que :

• le plan de masse ne permet pas de déterminer l'existence du réseau au droit du terrain ; le service instruction n'a pas été mis à même de se prononcer sur le respect des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;

• la hauteur du sanitaire prévu en zone Ut n'est pas indiquée ; le service n'a donc pu vérifier le respect de l'article Ut 7 point K du plan local d'urbanisme ;

• aucune information n'apparait quant aux plantations ;

- en outre, il méconnaît l'article R. 431-10 du même code en raison de l'insuffisance du dossier quant à l'insertion du projet, en particulier par rapport aux constructions avoisinantes ;

- le dossier devait comporter une étude d'impact en application de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme ; aucune étude de l'impact du projet sur l'activité de la société appelante, alors que le parc ornithologique accueille des oiseaux particulièrement sensibles à leur environnement, n'a en outre été réalisée, en méconnaissance du 1° de l'article R. 122-2 du code de l'environnement ;

- le dossier de demande devait, enfin, comporter les éléments figurant aux a) et b) de l'article 153-1 du règlement sanitaire départemental du Lot ;

- au fond : le maire a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en délivrant ce permis ;

- l'arrêté méconnait également les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural en ce qui concerne les distances de recul, ainsi que les règles du règlement sanitaire départemental du Lot relatives aux bâtiments d'élevage, en ce qui concerne l'évacuation et le stockage des fumiers et autres déjections (article 154 à 156 du RSD) ;

- le permis délivré méconnaît l'article Ut4 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors qu'il ne contient aucune précision sur l'écoulement des eaux pluviales dans le réseau collecteur et qu'il devait prévoir un puisard ;

- le permis méconnait les articles Ut2 et Ut11, notamment le paragraphe D de cet article du plan local d'urbanisme, dès lors que le projet ne précise ni l'implantation des sanitaires ni l'implantation des bâtiments par rapport au profil du terrain, et que les toitures asymétriques sont interdites ;

- il méconnaît également l'article Ut10 point K du plan local d'urbanisme dès lors que la règle de hauteur n'est pas respectée en ce qui concerne le sanitaire : il suffit de comparer la hauteur de cet élément à celle de la tour (document PC 5) ;

- en outre, le permis méconnaît l'article N11§A du règlement du plan local d'urbanisme ;

- enfin, le permis méconnaît l'article N 13 du règlement du PLU qui réitère les exigences de formalisme prévues aux articles R. 431-8 et R. 431-9 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés le 7 mai 2017, le 26 septembre 2017 et le 27 avril 2018, la commune de Rocamadour représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société appelante une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que la société requérante ne justifie d'aucun intérêt à agir contre ce permis au sens de l'article L. 600-1-2 du code de justice administrative ;

- en outre, elle ne justifie pas de la notification de la requête d'appel au bénéficiaire du permis et à la commune, en méconnaissance des exigences de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- à titre subsidiaire : aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une ordonnance du 7 septembre 2018, la clôture de l'instruction de cette affaire a été fixée, en dernier lieu, au 17 septembre 2018 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvande Perdu,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant la commune de Rocamadour.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 2 avril 2014, le maire de Rocamadour (Lot) a délivré un permis de construire à la société R et L Productions en vue de la réalisation d'un établissement de plein air pour des spectacles équestres, la création de parc de stationnement, d'espace de spectacles, d'enclos pour animaux et d'un point de vente (billetterie). La société Le rocher des aigles interjette appel du jugement du 2 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir l'annulation de ce permis de construire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe :

2. Aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : a) L'identité du ou des demandeurs ; (...). / La demande comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis. ". Et aux termes de l'article R. 423-1 du même code : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire ; c) Soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation pour cause d'utilité publique. ".

3. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 cité ci-dessus. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire signée le 17 décembre 2013 par la société R et L Productions comporte l'attestation prévue à l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme et il n'est pas établi ni même allégué que la société pétitionnaire se serait livrée à une manoeuvre de nature à induire l'administration en erreur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme manque en fait.

5. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : (...) 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet (...) c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; (...). ". Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. ". L'article R. 431-10 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le projet architectural comprend également : (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur (...). ".

6. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

7. Il ressort des pièces du dossier que la société R et L Promotions a déposé le 10 mars 2017 une demande de permis de construire modificatif en vue de préciser et de modifier certains des aménagements prévus (déplacement du bloc sanitaire, toiture à deux pans pour la buvette/billetterie...). Le maire de la commune a fait droit à cette demande par arrêté du 19 juillet 2017. Le dossier déposé comporte un plan de façade des sanitaires, côté en trois côtés, qui permet de connaître la hauteur de cette construction démontable, et de constater le remplacement de la toiture à un pan par une toiture à deux pans, ainsi qu'un plan de masse permettant de faire apparaître les quelques plantations supprimées. Ainsi, le vice tenant au caractère imprécis des documents joints à la demande de permis de construire initiale sur ces points a été régularisé.

8. En outre, le dossier de demande de permis de construire initial comporte des documents graphiques présentant l'insertion de la piste de spectacle et de ses gradins, de la buvette ainsi que de la régie dans leur environnement, et ces documents sont utilement complétés par des photographies du terrain. Par ailleurs, le document coté PC 2et3 et PC 7et8 joint au dossier de demande de permis de construire initial fait apparaître les différents raccordements aux réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement, et le document coté PC 2et3, intitulé " coupe du terrain ", mentionne les cotes altimétriques du terrain avant travaux, permet d'apprécier l'implantation des bâtiments projetés par rapport au profil du terrain. Enfin, la présence des installations de la société appelante apparaît notamment dans le plan de situation coté PC 1 joint à la demande. Le service instructeur était donc en mesure d'apprécier l'impact des installations projetées sur l'environnement proche du projet.

9. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-8, R. 431-9 et R. 431-10 précités du code de l'urbanisme ne peuvent qu'être écartés. Il en est de même, pour les mêmes motifs, en tout état de cause, du moyen tiré de la méconnaissance de l'article N 13 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune.

10. Par ailleurs, la circonstance alléguée que des bâtiments dont la construction aurait commencé avant la délivrance du permis en litige ne seraient pas mentionnés dans le dossier de demande de permis, ne suffit pas à considérer que le service instructeur a été induit en erreur sur la consistance du projet qui lui a été soumis.

11. Aux termes de l'article R. 122-2 du code de l'environnement, applicable au litige : " I. - Les travaux, ouvrages ou aménagements énumérés dans le tableau annexé au présent article sont soumis à une étude d'impact soit de façon systématique, soit après un examen au cas par cas, en fonction des critères précisés dans ce tableau. / II.- Sont soumis à la réalisation d'une étude d'impact de façon systématique ou après un examen au cas par cas les modifications ou extensions des travaux, ouvrages ou aménagements lorsqu'elles répondent par elles-mêmes aux seuils de soumission à étude d'impact en fonction des critères précisés dans le tableau susmentionné. ". Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du code de l'environnement, ou la décision de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispensant le demandeur de réaliser une étude d'impact ; / (...) ; "

12. Le projet litigieux de réalisation des installations nécessaires à un spectacle équestre n'entre ni dans la rubrique 40 de l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement précité relative aux " villages de vacances et aménagements associés ", ni dans la rubrique 41 de cette annexe qui concerne les projets de construction des " Aires de stationnement ouvertes au public, dépôts de véhicules et garages collectifs de caravanes ou de résidences mobiles de loisirs ", dès lors que les places de stationnement prévues dans le projet sont à destination des seuls spectateurs, clients de la société titulaire du permis. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de demande devait comporter une étude d'impact en application des dispositions précitées du code de l'environnement et du code de l'urbanisme doit être écarté.

13. Aux termes de l'article 153 du règlement sanitaire départemental du Lot, relatif aux règles d'implantation de bâtiments d'élevage ou d'engraissement (création ou extension) : " 153.1. Présentation du dossier. Toute création ou extension d'un bâtiment d'élevage ou d'engraissement à l'exception des bâtiments d'élevage de lapins et volailles comprenant moins de cinquante animaux de plus de trente jours et des bâtiments consacrés à un élevage de type "familial " doit faire l'objet, de la part du demandeur, de l'établissement d'un dossier de demande de permis de construire comportant les informations suivantes : / a) Plan de masse à l'échelle du cadastre sur lequel doivent figurer notamment: / - le ou les points de prélèvement d'eau destinée à l'alimentation humaine ou animale ou à l'arrosage des cultures maraîchères et situés dans un rayon de 100 mètres autour de l'installation; / - l'emplacement des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public dans un rayon de 1 00 mètres. / b) Un plan détaillé de l'installation d'élevage (échelle 1/100) précisant notamment l'emplacement des stockages de déjections et des installations de traitement. / c) Une note explicative précisant la capacité maximale instantanée de l'établissement d'élevage, les volumes de stockage des déjections, les moyens utilisés pour réduire les odeurs et, éventuellement, le lieu de rejet de l'effluent traité dans le milieu naturel. / d} Le cas échéant, le plan d'épandage des eaux résiduaires et des déjections. (...) ".

14. En l'espèce, si le projet de réalisation d'un établissement de plein air pour des spectacles équestres comporte la réalisation d'un box pour les chevaux, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce bâtiment est destiné à accueillir à titre permanent des chevaux dans le cadre d'une installation d'élevage alors que les chevaux ne seront présents sur le site que pour des spectacles équestres proposés aux touristes en saison estivale. Par suite, le projet ne peut être considéré comme portant la création d'un bâtiment d'élevage au sens et pour l'application des dispositions précitées du règlement sanitaire départemental du Lot. Le moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire devait comporter les pièces prévues par ces dispositions du règlement sanitaire départemental ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

15. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

16. La société soutient en appel comme elle le faisait déjà valoir en première instance que certains des bâtiments projetés se situent dans le périmètre de protection fixé par arrêté du préfet du Lot du 21 mars 1994 dans le cadre de l'autorisation de son activité de présentation au public de spécimens de rapaces et d'oiseaux qui lui a été délivrée au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement et que l'activité équestre développée par la société R et L Productions est de nature à perturber le comportement de ses oiseaux en raison, d'une part, des nuisances sonores et visuelles engendrées par les spectacles équestres et par l'augmentation de la fréquentation touristique de ce site, ainsi, d'autre part, que des nuisances olfactives dues à la présence des chevaux et au stockage du fumier. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'exploitation de cet établissement de plein air pour des spectacles équestres en période estivale emporterait des risques et nuisances tels que le maire de Rocamadour, en délivrant, le permis de construire modifié en litige, devrait être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

17. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction précitée à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes " et aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental (RSD) du Lot : " Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : Les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers (...)/ Les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme.(...) ".

18. En l'espèce, en application de la règle de réciprocité sus-indiquée, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet dont l'objet est l'aménagement d'un site de spectacles de plein air comporterait un " immeuble habité " ou " un établissement recevant du public " se situant à moins de 50 mètres de bâtiments renfermant des animaux appartenant à la société appelante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 153-4 du RSD du Lot ne peut qu'être écarté.

19. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le projet prévoie l'implantation d'un " immeuble habité ou occupé par un tiers ", dans la distance minimale de 100 mètres prévue dans l'arrêté préfectoral du 21 mars 1994 autorisant la société Le rocher des aigles à exploiter un établissement destiné à présenter au public des spécimens de rapaces de la faune locale et étrangère et des oiseaux. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette distance doit donc être écarté.

20. Enfin, la circonstance alléguée que du fumier de cheval serait stocké en méconnaissance des dispositions des article 154, 155 et 156 du règlement sanitaire départemental du Lot relatives aux conditions d'entretien des bâtiments recevant des animaux et d'évacuation des fumiers, ne peut être utilement invoqué à l'encontre du permis de construire modifié en litige qui n'a pas pour objet de réglementer les conditions d'exploitation du projet.

21. Aux termes de l'article Ut 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rocamadour : " Peuvent être admis sous réserve de ne pas porter atteinte à la qualité de l'environnement architectural, naturel et paysager : 1- les aménagements, l'extension des constructions neuves nécessaires au bon fonctionnement des activités autorisées dans la zone. (...). " et l'article Ut 11 du même règlement prévoit : " Les constructions, bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, du fait de leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur (article R. 111- 21 du code de l'urbanisme). /(...)/ C - les constructions neuves : - C 1 - Les constructions nouvelles, s'inspirant de l'architecture traditionnelle locale, devront reprendre les éléments de composition pour tout ce qui concerne l'aspect extérieur : (...). - C 2 - les constructions nouvelles non référentes à l'architecture traditionnelle locale (architecture moderne) devront être traitées dans le souci de leur insertion soignée dans l'environnement naturel et bâti à partir de leur implantation, de leur volumétrie, de leurs matériaux et couleurs. (...). - D - Les constructions annexes telles que garage, remises, abris devront par leur aspect, leurs matériaux et leur implantation sur la parcelle, être en parfaite harmonie avec l'environnement bâti et/ou naturel existant. Sauf voisinage immédiat de constructions d'expression moderne ou de la volonté justifiée du pétitionnaire, ces constructions devront s'inspirer de l'architecture d'expression traditionnelle locale, notamment par : - l'absence de toiture asymétrique de matériaux identiques ou différents ; - les toits à deux pans égaux et symétriques sont fortement conseillés, en tuiles, ardoise ou en matériaux en ayant l'aspect ; (...). ".

22. Il ressort des pièces jointes à la demande de permis de construire modificatif délivré le 19 juillet 2017, déjà mentionné au point 7 du présent arrêt, que le bloc sanitaire, comme la billetterie, sont des bâtiments d'un seul niveau, réalisés en bois, sans fondations, qui comportent désormais des toits à deux pans égaux, également réalisés en bois. Dans ces conditions, l'éventuelle méconnaissance des dispositions précitées par le permis de construire initialement délivré a été, en tout état de cause, régularisé.

23. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le projet, qui préserve la végétation existante, se compose de sept bâtiments, de dimensions réduites et adaptés à la déclivité du terrain. Le permis a été assorti de prescriptions tenant à l'utilisation de matériaux destinés à améliorer leur insertion dans le site, conformément à l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Par suite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants et des paysages ainsi qu'à la conservation des perspectives notamment sur le site de la cité médiévale de Rocamadour. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le maire de Rocamadour aurait commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions des Ut2 et Ut11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rocamadour en délivrant, après avis favorable de l'architecte des bâtiments de France, le permis attaqué.

24. Aux termes du I de l'article Ut4 comme du B de l'article N4 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rocamadour : " Les aménagements réalisés sur le terrain doivent garantir l'écoulement des eaux pluviales dans le réseau collecteur, conformément à la réglementation sanitaire en vigueur. / En l'absence de réseaux, les aménagements nécessaires au libre écoulement des eaux pluviales doivent être réalisés au moyen de dispositifs adaptés à l'opération et au terrain. (...). / Dans tous les cas, un dispositif individuel de régulation du débit de rejet des eaux pluviales devra être mis en place avant rejet dans le réseau public (type puisard avec raccordement décalé). / (...). "

25. La société se borne à soutenir que faute de prévoir un puisard, le permis litigieux méconnaîtrait ces dispositions. Cependant, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette des constructions autorisées est situé dans une zone naturelle et boisée, sur un terrain calcaire, et il ne ressort d'aucune pièce que la construction des différents bâtiments projetés dans cet environnement nécessiterait des aménagements ou dispositifs d'évacuation des eaux pluviales, ni que celles-ci pourraient être rejetées dans le réseau public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

26. Aux termes de l'article Ut 10 du règlement du plan local d'urbanisme : " En limites séparatives et fonds de parcelles, les constructions devront s'inscrire dans un gabarit défini par un plan vertical de 2,50 m de hauteur situé en limites séparatives ou de fond de parcelle, prolongé par un plan incliné à 45° vers l'intérieur de la parcelle. Ce gabarit pourra être dépassé dans le cas d'héberges existantes en limites séparatives d'une hauteur supérieure. / Dans le cas de construction annexe (garage, remise, etc.) dont le pignon est situé en limite séparative, le faîtage sera limité à 6 m de hauteur. L'égout de toiture ou l'acrotère (pour les bâtiments à toits plats ou à très faible pente) sera limité à 4 m de hauteur ".

27. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la pièce jointe (PC 5) à la demande déposée en vue de la délivrance du permis de construire modificatif du 19 juillet 2017, que la hauteur du sanitaire situé en limite séparative est de 2, 20 mètres et ne dépasse pas la hauteur autorisée par ces dispositions. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

28. Enfin, aux termes de l'article N 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...). Tout mouvement de terre, d'une hauteur supérieure à 0,30 m. par rapport au terrain naturel, tendant à créer des buttes artificielles autour des constructions est interdit. ". Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette ne sera pas modifié par les travaux autorisés, à raison de mouvements de terre d'une hauteur supérieure à 0,30 m. A...moyen ne peut donc qu'être également écarté.

29. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la commune, que la société Le rocher des aigles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre le permis de construire modifié délivré à la société R et L Productions.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rocamadour, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Le rocher des aigles demande au titre des frais de procès. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la société une somme de 1 500 euros sollicitée par la commune sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la société Le rocher des aigles est rejetée.

Article 2 : La société Le rocher des aigles versera à la commune de Rocamadour une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le rocher des aigles, à la commune de Rocamadour et à la société R et L Productions.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,

M. Romain Roussel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 février 2019.

Le rapporteur,

Sylvande Perdu

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet du Lot en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

10

N° 16BX03985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03985
Date de la décision : 08/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvande PERDU
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : CABINET LABROUSSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-08;16bx03985 ?
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