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21/02/2019 | FRANCE | N°17BX00151

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 21 février 2019, 17BX00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Institut Hélio Marin, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me E...D..., a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Labenne à lui verser la somme de 6 630 000 euros en indemnisation de son préjudice résultant selon elle de la révision du plan local d'urbanisme approuvée par délibération du 15 octobre 2009.

Par un jugement n° 1401535, 1500505 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de la société anonyme

Institut Hélio Marin.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Institut Hélio Marin, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me E...D..., a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner la commune de Labenne à lui verser la somme de 6 630 000 euros en indemnisation de son préjudice résultant selon elle de la révision du plan local d'urbanisme approuvée par délibération du 15 octobre 2009.

Par un jugement n° 1401535, 1500505 du 15 novembre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté les demandes de la société anonyme Institut Hélio Marin.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 janvier 2017, le 31 juillet 2018 et le 5 octobre 2018, Me D...agissant pour le compte de la société anonyme Institut Hélio Marin et représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 novembre 2016 ;

2°) de condamner la commune de Labenne à lui verser la somme de 6 630 000 euros en indemnisation de son préjudice résultant de la révision du plan local d'urbanisme par une délibération du 15 octobre 2009, somme qui sera assortie des intérêts légaux à compter de la date de sa demande préalable ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- par délibération du 15 octobre 2009, la commune de Labenne a modifié le règlement du plan local d'urbanisme et notamment les règles applicables aux parcelles cadastrées C 3671 et C 3672 en substituant au zonage 1 NDa dont bénéficiaient jusqu'à lors les bâtiments composant le centre Hélio Marin, où étaient autorisées la reconstruction à l'identique et l'extension du bâti existant à hauteur de 50 %, un zonage US qui ne prévoit plus ces possibilités et n'autorise que les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectifs (à l'exclusion des activités touristiques) ; le terrain a été de surcroît grevé d'une servitude d'inconstructibilité en application de l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme ; par ailleurs, le micro-zonage 1 NDa dont bénéficiaient l'aumônerie et la chapelle Sainte-Thérése (C 3672) a été supprimé au profit d'un zonage Nn qui exclut toute possibilité d'extension ;

- ces modifications, qui affectent les seules propriétés de l'appelante, lui causent un évident préjudice qu'il appartient à la commune d'indemniser soit sur le fondement du régime spécial institué par les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, soit sur le fondement de la faute dès lors que cette révision est intervenue en violation des engagements pris par la commune et qu'elle révèle l'existence de manoeuvres frauduleuses ;

- selon la jurisprudence, les dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ne font pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne remplissait pas la condition tenant à la charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi et ce " en dépit de la perte de valeur vénale effectivement causée par le nouveau règlement du plan local d'urbanisme " ;

- si le plan local d'urbanisme révisé maintient le classement en zone naturelle de la parcelle supportant l'aumônerie et la chapelle Sainte Thérèse, il n'en demeure pas moins que celle-ci a perdu la constructibilité attachée au zonage 1NDa qui permettait une reconstruction à l'identique ou une extension à hauteur de 50 % du bâti existant ;

- ce changement de zonage ne saurait s'expliquer par la situation du terrain " au sein d'espaces remarquables " dès lors que cette situation, qui prévalait déjà lors du précédent choix de zonage, était déjà prise en compte dans le précédent classement ;

- la motivation retenue par les premiers juges, pour démontrer le but d'intérêt général impérieux poursuivi par l'administration en modifiant les règles d'urbanisme, est totalement étrangère aux classements critiqués dès lors qu'elle porte sur les parties non aménagées du cordon dunaire ;

- l'inconstructibilité du lot n° 1 est liée au classement des parcelles en zone US (" zone à caractère principal d'équipements nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ") ainsi qu'à l'instauration d'une servitude de " gel " prévue à l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme, elle aussi relative aux aménagements dans les zones urbaines ; un tel classement en zone urbaine, justifié au regard de l'urbanisation du site, ne saurait être justifié par d'impérieux motifs de protection de l'environnement au regard notamment de la loi Littoral, qui lui sont, par hypothèse, totalement étrangers ; il existe une contradiction entre la motivation avancée par la commune pour justifier le classement du site en zone US et celle justifiant l'instauration de la servitude prévue à l'article L. 123-2a) ; pour justifier du classement en zone US, le rapport de présentation fait état de projets d'aménagements de l'établissement de soins alors qu'à la date où le document d'urbanisme était approuvé, le centre avait fermé depuis plus de 2 ans, ce que la commune n'ignorait pas dès lors qu'elle était à la recherche d'un promoteur pour reprendre le site ;

- la modification des règles d'urbanisme ne répond pas à un motif d'intérêt général impérieux puisque le précédent classement préservait déjà l'environnement naturel du site ;

- ladite servitude, qu'il s'agisse de celle prévue à l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme ou du classement en zone US, n'est nullement " applicable à l'ensemble des terrains situés en bordure de la bande littorale de cent mètres du territoire de la commune ou constituant un espace remarquable " ; d'une part, le seul autre secteur du territoire communal grevé d'une servitude d'inconstructibilité en application de l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme est le site TECMA, situé à plus de 3.5 km du rivage ; les deux seules autres constructions situées dans le cordon dunaire (le parking municipal et un centre de vacances) bénéficient d'un zonage différent (Nn) de celui-ci des parcelles de l'exposant (US et Nn) ; elle est donc la seule concernée par la modification intervenue et partant, subit une charge spéciale au sens de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme ;

- la charge subie à raison de cette modification présente bien un caractère exorbitant et ce, quand bien même elle ne porterait " que " sur la somme astronomique de 1 500 000 euros ; le calcul opéré par les premiers juges relevant que la décote imputable à la seule modification des règles d'urbanisme ne représenterait que 1 500 000 euros soit 7,5 % de la valeur vénale de l'ensemble est erroné, alors que la perte de valeur vénale représente 12% pour le lot 1; la perte de potentiel de constructibilité affecte aussi bien la partie non bâtie (extension) que la partie bâtie (reconstruction à l'identique) ;

- la dégradation du bien ne résulte pas d'actes de négligence ou de vandalisme (inexistants à raison des sommes astronomiques exposées par la requérante pour gardienner son bien) mais du fait que l'immeuble ne trouve pas acquéreur, problématique qui trouve sa seule source dans la sanctuarisation des lieux consacrée par le nouveau plan local d'urbanisme qui ne prévoit plus aucune possibilité de construire, ni même de reconstruire ; c'est donc la totalité de la dépréciation de la valeur vénale entre les deux évaluations qui résulte de l'instauration des nouvelles règles d'urbanisme, soit 5 373 367 euros s'agissant du lot n° 1 ;

- la responsabilité pour faute de la commune peut également être retenue du fait de manoeuvres frauduleuses ; en effet par courrier du 6 avril 2012, le maire s'était engagé à modifier le règlement du plan local d'urbanisme pour permettre l'aboutissement du projet ; un changement d'attitude après un accord de principe est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration ; soit la commune ne pouvait pas, sous peine de méconnaître la réglementation alors en vigueur, modifier la classification opérée par le plan local d'urbanisme et dans ce cas la promesse irrégulière est fautive, soit elle le pouvait, mais dans ce cas, elle s'est engagée, sans s'y tenir, à apporter une modification au document d'urbanisme ;

- il existe un soupçon de détournement de pouvoir à l'endroit de modifications des règles d'urbanisme qui ont pour effet de déprécier le prix d'un terrain que l'administration envisage d'exproprier ; la commune a entendu faire obstacle à des projets d'aménagements touristiques ;

- son préjudice est constitué par la perte de valeur vénale de son patrimoine immobilier du fait de la modification du plan local d'urbanisme, en termes notamment de constructibilité ; à cette perte de valeur, il convient d'ajouter le remboursement des frais de gardiennage qu'elle est obligée de supporter du fait, d'une part, du non exercice de son pouvoir de police par l'autorité de police municipale et, d'autre part, de l'impossibilité dans laquelle elle s'est retrouvée de vendre son immeuble à raison du comportement de la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 juin 2018, le 31 juillet 2018 et le 29 août 2018, la commune de Labenne, prise en la personne de son maire, représentée par la Selarl Etche avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la société anonyme Institut Hélio Marin une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande était tardive ; une première demande d'indemnisation a été présentée le 24 octobre 2012 qui a été rejetée par un courrier du 11 décembre 2012 qui mentionnait les voies et délais de recours ; la décision implicite de rejet s'analyse en une décision confirmative ne faisant pas grief ;

- la modification du plan local d'urbanisme de Labenne ne porte atteinte à aucun droit acquis ; le plan local d'urbanisme n'a pas davantage entraîné une modification de l'état antérieur des lieux ;

- la légalité du classement des parcelles en cause a été confirmée par un arrêt de la CAA de Bordeaux devenu définitif ;

- les parcelles se situent en bordure de l'océan sur le cordon dunaire ; le classement en zone Nn concerne tous les terrains littoraux en zone sensible ; le classement en zone US de la partie aménagée répond aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durable d'accompagner la mutation du centre hélio-marin ; la servitude instituée au titre de l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme sur une partie de la propriété de l'appelante dans l'attente de projets d'aménagements permettant de maîtriser la requalification urbaine et paysagère de ce site ;

- la société requérante n'établit pas l'existence d'un quelconque préjudice indemnisable ; l'ensemble du terrain était classé en zone naturelle dans le cadre du plan d'occupation des sols, alors que le plan local d'urbanisme approuvé classe en zone constructible la partie aménagée du terrain litigieux ;

- la comparaison du règlement de la zone US du plan local d'urbanisme et du règlement de l'ancienne zone INDa du plan d'occupation des sols démontre que le règlement de la zone US n'entraîne pas de perte de constructibilité ; la reconstruction en cas de sinistre reste possible conformément aux dispositions de l'ancien article L. 111-3, désormais reprises à l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme ; la servitude de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme grevant l'ancien site du centre hélio-marin avait seulement pour effet de limiter les possibilités de construction sur une durée limitée de 5 ans ; aucune charge exorbitante n'est créée ;

- la requérante ne démontre pas qu'elle aurait subi une perte de valeur foncière ; les sommes demandées ne sont pas justifiées et n'ont pas été déterminées de manière contradictoire ; au demeurant, les biens étaient déjà en mauvais état en 2007 ;

- elle n'a pas usé de manoeuvres frauduleuses pour déprécier le prix du terrain, ni modifier les règles d'urbanisme dans un objectif étranger à l'intérêt général ; le courrier du 6 avril 2012 ne fait que rappeler la possibilité de modifier le plan local d'urbanisme dans l'éventualité d'un projet d'aménagement du site Hélio Marin, ce qui est conforme au règlement de la zone Us ;

- aucune carence ne peut être reprochée au maire dans l'exercice des pouvoirs de police ;

- les frais de gardiennage incombent à tout propriétaire d'un bien.

Une ordonnance du 5 octobre 2018 prise en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative a fixé la date de clôture de l'instruction au 5 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant Me D...agissant pour le compte de la société anonyme Institut Hélio Marin, et les observations de MeB..., représentant la commune de Labenne.

Une note en délibéré présentée pour Me D...agissant pour le compte de la société anonyme Institut Hélio Marin a été enregistrée le 28 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société Institut Hélio Marin est propriétaire de deux parcelles cadastrées C 3671 et C 3672 situées sur le cordon dunaire à Labenne-Océan, sur lesquelles sont érigées d'une part, un ensemble immobilier comprenant plusieurs bâtiments dont un ancien établissement de santé et d'autre part, une aumônerie et une chapelle. Le zonage de ces parcelles qui étaient auparavant classées en zone INDa du plan d'occupation des sols, a été modifié par le plan local d'urbanisme approuvé par délibération du 15 octobre 2009, la parcelle C 3671 étant désormais classée en zone Us et grevée d'une servitude instituée en application de l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme interdisant pendant une période de cinq ans toute construction ou installation nouvelle d'une surface hors oeuvre nette supérieure à 20 m², et la parcelle C 3672 en zone Nn. Par un arrêt n° 12BX02947, la cour, après avoir annulé le jugement n° 1000640 du tribunal administratif de Pau du 2 octobre 2012, a rejeté la demande d'annulation de la société Institut Hélio Marin dirigée contre la délibération du 15 octobre 2009 approuvant le plan local d'urbanisme révisé. Estimant que la modification du zonage approuvée le 15 octobre 2009 était à l'origine d'un préjudice indemnisable à hauteur de la somme de 6 630 000 euros, la société Institut Hélio Marin a saisi le tribunal administratif de Pau de conclusions indemnitaires en invoquant la responsabilité pour faute, puis la responsabilité sans faute de la commune de Labenne. La société Institut Hélio Marin relève appel du jugement n° 1401535-1500505 du 15 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité sans faute de la commune :

2. Aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation, exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font, toutefois, pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.

3. La parcelle C 3672 qui supporte l'ancien centre Hélio-Marin a été classée en zone Us, " zone à caractère principal d'équipements nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ", alors que le précédent plan d'occupation des sols classait indifféremment les parties aménagées et non aménagées de la propriété en zone INDa, qui permettait en particulier une extension des constructions à hauteur de 50 % de leur surface. Cette parcelle a en outre été grevée d'une servitude instituée en application de l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme interdisant, pendant une période de cinq ans, toute construction ou installation nouvelle d'une surface hors oeuvre nette supérieure à 20 m². La parcelle C 3671 sur laquelle sont implantées l'aumônerie et la chapelle a été classée en zone naturelle Nn.

4. En premier lieu, la société requérante ne se prévaut d'aucune atteinte à des droits acquis, dès lors que les particuliers n'ont aucun droit au maintien des règles d'urbanisme, ni d'aucune modification de l'état des lieux.

5. En deuxième lieu, il ressort du projet d'aménagement et de développement durable, et plus précisément de l'objectif IV.2, que les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité valoriser le centre Hélio-Marin et le site de la chapelle en permettant une réhabilitation du bâti historique dans une zone à forte sensibilité écologique et patrimoniale à conserver. Le classement en zone Us et la servitude instaurée en application de l'article L. 123-2 a) du code de l'urbanisme de la parcelle C 3671 répondent également à la volonté des auteurs du plan local d'urbanisme de pouvoir examiner les projets d'aménagement du site désormais désaffecté, afin de permettre la réorganisation et la requalification de ce site tout en prenant en compte le risque lié à l'érosion marine, et d'intégrer la protection de l'environnement immédiat aux abords du site. Ainsi, et contrairement à ce que soutient la requérante, le classement en zone Us n'est pas contradictoire avec la volonté de protéger l'environnement. De même, le classement en zone Nn de la parcelle C 3672 vise à protéger une zone naturelle sensible. Par suite, ce sont bien des motifs d'intérêt général qui ont présidé à la modification des zonages contestée par la société Institut Hélio Marin.

6. En troisième lieu, les limitations au droit de construire ou l'inconstructibilité grevant les parcelles en cause résultent de l'application de dispositions législatives et réglementaires applicables sur l'ensemble du littoral. Ainsi, à supposer même que la constructibilité moindre de ses parcelles par rapport à la situation antérieure à la modification du plan local d'urbanisme engendrerait une certaine perte de valeur vénale, qu'une expertise commandée par elle-même n'est au demeurant pas en mesure de circonscrire avec vraisemblance au regard de la rareté, de la situation, de la spécificité et de la vétusté du bien, et de l'absence de toute révélation des démarches de vente entreprises, la société Institut Hélio Marin ne peut prétendre qu'elle subirait une charge spéciale et exorbitante qui lui serait propre, et hors de proportion avec les justifications d'intérêt général sur lesquelles repose la protection des sites littoraux.

7. La société Institut Hélio Marin n'est dès lors pas fondée à soutenir que les classements opérés par le plan local d'urbanisme approuvé le 15 octobre 2009 engageraient à son égard la responsabilité de la commune de Labenne sur le fondement des dispositions de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme.

Sur la responsabilité pour faute :

8. La société Institut Hélio Marin soutient que la commune de Labenne n'a pas tenu une promesse formulée par le maire de la commune dans un courrier du 6 avril 2012 dans lequel il a indiqué que, face aux difficultés rencontrées par la société Institut Hélio Marin pour trouver un acquéreur, une modification du plan local d'urbanisme serait engagée pour permettre l'aboutissement du projet dès que la société aurait retenu un candidat. Toutefois, et d'une part, ce courrier est postérieur à la révision du plan local d'urbanisme contesté par la société requérante. D'autre part, la société requérante ne fait pas état de ce qu'elle était sur le point de trouver un acquéreur à la date à laquelle ce courrier lui a été adressé ou ultérieurement, et que le maire de la commune se serait opposé à l'examen d'un tel projet d'acquisition. Enfin, si la société évoque un soupçon de détournement de pouvoir, la modification des règles d'urbanisme ayant pour effet de déprécier le prix d'un terrain que l'administration envisage d'exproprier, elle ne fait pas état d'un quelconque projet d'acquisition de ses parcelles par la commune. Dans ces conditions, il ne peut être reproché à la commune ni une promesse non tenue ni une manoeuvre frauduleuse.

9. Si la société Institut Hélio Marin soutient enfin que la carence du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police engagerait la responsabilité de la commune faute d'avoir assuré une mission de gardiennage de ses parcelles, elle ne fait pas état de circonstances liées au respect du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques qui justifieraient l'exercice des pouvoirs de police administrative du maire.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Institut Hélio Marin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté ses demandes.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme que demande la société requérante au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Institut Hélio Marin le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Labenne.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Institut Hélio Marin est rejetée.

Article 2 : La société Institut Hélio Marin versera à la commune de Labenne une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me D...agissant pour le compte de la société anonyme Institut Hélio Marin et à la commune de Labenne.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. David Terme, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au préfet des Landes, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

No 17BX00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00151
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP GROS, HICTER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-02-21;17bx00151 ?
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