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05/03/2019 | FRANCE | N°17BX00060

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17BX00060


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...I..., Mme A...B..., épouseI..., Mme H...I...et Mlle D...J...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier d'Arcachon à leur verser la somme totale de 92 401,70 euros en réparation des préjudices résultant de la faute de surveillance commise lors de l'hospitalisation

de FranckI..., leur fils, frère et oncle.

Par un jugement n° 1500601 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cou

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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 25 février 2018,

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...I..., Mme A...B..., épouseI..., Mme H...I...et Mlle D...J...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier d'Arcachon à leur verser la somme totale de 92 401,70 euros en réparation des préjudices résultant de la faute de surveillance commise lors de l'hospitalisation

de FranckI..., leur fils, frère et oncle.

Par un jugement n° 1500601 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 25 février 2018,

M. C...I..., Mme A...B...épouseI..., Mme H...I...

et Mlle D...J...représentés par MeE..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier d'Arcachon à verser à M. C...I...,

Mme A...I..., Mme H...I...et Mlle D...J...les sommes respectives de 30 000, 30 000, 15 000 et 10 000 euros au titre du préjudice d'affection, la somme de 1 000 euros chacun au titre du préjudice moral et d'accompagnement et la somme

de 3 401,70 euros à M. et Mme I...au titre des frais divers entraînés par le décès de FranckI... ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Arcachon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a écarté la responsabilité du centre hospitalier d'Arcachon, qui est engagée, d'une part, pour défaut de mesures de surveillance et de protection particulières appropriées à l'état d'un patient connu pour présenter des troubles du comportement et alors qu'il avait déjà fait plusieurs tentatives de fugue et, d'autre part, en raison de l'absence de réaction adaptée et de la désorganisation dans la mise en oeuvre d'un protocole de recherche lorsque sa fugue a été signalée, ayant compromis les chances de le retrouver le jour même;

- le lien de causalité entre, d'une part, la fugue que la faute dans la surveillance de Franck I...a permis, ainsi que dans l'organisation des recherches et la mise en oeuvre de la procédure de signalement, qui n'a pas permis de le retrouver à la suite de sa disparition, et, d'autre part, son décès, alors même que l'autopsie n'a pu en identifier la cause, est établi son état de santé fragile ayant conduit à ce qu'il tombe probablement d'épuisement sans pouvoir se relever, ni appeler à l'aide;

- le décès de Franck I...a été une perte très douloureuse, augmentée par un mois d'attente et d'angoisse avant de découvrir son corps, pour ses parents C...et Annie I...mais également pour sa soeur Nathalie I...et sa nièce Jessie Deloubes-Giresse, lesquels vivaient tous à Biscarrosse et entretenaient des relations étroites ; ils ont ainsi subi, en raison des erreurs et défauts d'organisation et de surveillance du centre hospitalier d'Arcachon, un préjudice d'affection et d'accompagnement qui doit être indemnisé selon le référentiel indicatif régional de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel, ainsi que des frais d'obsèques et de recherches qui s'élèvent à la somme de 3 401,70 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 octobre 2017 et le 1er octobre 2018, le centre hospitalier d'Arcachon, représenté par MeG..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les appelants ne précisent pas quelles mesures auraient dû être prises dans un service de médecine interne où la liberté d'aller et venir est de principe et c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la circonstance que Franck I...a pu quitter l'hôpital alors que son état de faiblesse l'exposait à un risque d'épuisement ne suffit pas, en l'absence de signes alarmants dans son comportement et de tentatives de fugue, à établir que l'absence de mesure de surveillance particulière aurait été fautive ; les allégations selon lesquelles le centre hospitalier aurait réagi trop lentement et de manière désorganisée lorsque la fugue a été signalée sont dénuées de fondement ; ainsi, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur le lien de causalité entre une faute et le décès de FranckI..., la requête doit être rejetée.

Par ordonnance du 1er octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 25 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand ;

- et les observations de MeG..., représentant le centre hospitalier d'Arcachon.

Considérant ce qui suit :

1. Le 18 février 2013, FranckI..., alors âgé de 43 ans et domicilié... ". À la suite des examens pratiqués au service des urgences, il a été hospitalisé en médecine interne et gastro-entérologie en raison d'une septicémie à staphylocoque. Le 6 mars 2013, sa disparition a été signalée et son corps a été retrouvé le 3 avril suivant dans les bois à l'extérieur de l'enceinte du centre hospitalier. Estimant que celui-ci avait failli à son obligation de sécurité et de surveillance et qu'à sa disparition les recherches avaient été menées avec une lenteur fautive et de manière désorganisée, M. et Mme C...et AnnieI..., parents de FranckI..., Mme H...I..., sa soeur, et Mlle D...J..., sa nièce, ont, par lettre

du 18 août 2014, formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du directeur du centre hospitalier et, à la suite du refus de ce dernier, opposé par décision du 11 décembre 2014, ils ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation dudit centre à leur verser la somme totale de 92 401,70 euros en réparation des préjudices résultant de la faute de surveillance commise lors de l'hospitalisation de leur fils, frère et oncle. Ils relèvent appel du jugement du 8 novembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Franck I...a été admis aux urgences du centre hospitalier d'Arcachon pour une suspicion d'accident vasculaire cérébral avec déficit moteur et asthénie, et non au titre de troubles psychiatriques, puis après un examen clinique concluant à un surdosage en tranquillisants sans trouble neurologique et un avis spécialisé, a été transféré au sein du service de médecine interne et gastro-enrérologie du même centre hospitalier dans un état fébrile. Avant cette hospitalisation, il avait séjourné dans le service de neurologie du même hôpital où le diagnostic d'atrophie cérébrale frontale avait été posé le 10 décembre 2012 et avait donné lieu, au mois de janvier 2013, à la prescription d'un sevrage alcoolique du 24 au 29 janvier. Franck I...avait ensuite passé quelques jours dans une clinique privée pour l'ablation d'un kyste sacro-coccygien et, de nouveau, du

13 au 16 février, en raison d'une altération importante de son état général. S'il est constant que le patient présentait des antécédents d'hépatite C, de cirrhose et d'épilepsie mais aussi de psychose et de paranoïa, antécédents mentionnés dans sa fiche d'accueil aux urgences du centre hospitalier d'Arcachon, il n'est pas contesté que ces pathologies étaient équilibrées par un traitement et il résulte de l'instruction qu'il n'avait manifesté durant les jours précédents sa disparition, ni lors de ses précédents séjours dans des établissements de santé, aucun trouble du comportement, ni même exprimé une réticence à son hospitalisation ou son souhait de rentrer à son domicile. Si les appelants soutiennent que Frank I...avait effectué plusieurs tentatives de fugue avant sa disparition le 6 mars 2013, ils n'apportent toutefois aucune pièce probante pour en attester, ni d'éléments pouvant légitimement faire craindre que l'intéressé, lequel au demeurant était libre de ses mouvements, quitte l'enceinte du centre hospitalier d'Arcachon de manière impromptue comme il l'a fait. Il résulte également de l'instruction que son état de santé, particulièrement précaire à son admission, s'était amélioré progressivement, lui permettant de tenir sur ses jambes le 27 février, puis de marcher dans le couloir le 5 mars, enfin, plus longuement, le 6 mars. Il avait d'ailleurs le matin même de sa disparition fait librement une promenade, avant de rentrer pour le repas.

3. Il résulte de ce qui précède que ni l'état de santé, ni le comportement de FranckI..., nonobstant ses antécédents médicaux, ne laissaient présager un départ inopiné du service de médecine générale dans lequel il était hospitalisé pour des troubles non psychologiques et n'imposaient au centre hospitalier d'Arcachon de prendre des mesures spécifiques de surveillance et de protection à son égard. Dès lors, il ne peut être reproché à ce dernier un manquement à l'obligation de surveillance qui incombe à tout établissement hospitalier, de nature à engager sa responsabilité.

4. En second lieu, il est constant qu'à la suite de l'appel téléphonique passé par une standardiste à 14h10 signalant la présence de Franck I...marchant près du bâtiment de l'AURAD, une aide soignante a été envoyée pour le ramener à sa chambre. Il résulte de l'instruction et notamment des différents rapports et témoignages rédigés par le personnel soignant du centre hospitalier d'Arcachon que les recherches afin de le retrouver étant restées vaines, le " protocole de fugue " pour les personnes sorties sans autorisation a immédiatement été mis en oeuvre, l'administrateur de garde alerté à 14h45 et la police prévenue par une infirmière, vers 15 h, de la disparition du patient. Il résulte de ces différents rapports qu'une infirmière a recontacté en début de soirée le commissariat, lequel a indiqué la poursuite des recherches par des patrouilles autour de l'établissement et a sollicité des informations complémentaires sur l'état de l'intéressé avant d'engager des recherches plus intensives le lendemain à l'aide d'un maître-chien et, le 8 mars, d'un hélicoptère, sans succès. Il ne résulte pas de l'instruction que ces précisions aient été déterminantes dans la conduite des recherches par les forces de polices qui étaient averties depuis l'après-midi de la fragilité physiologique et psychologique de FranckI.... Par suite, le centre hospitalier d'Arcachon doit être regardé comme ayant procédé aux diligences nécessaires pour alerter les autorités de police, sans qu'une désorganisation au sein du service résulte de l'instruction, et les appelants ne sont donc pas fondés à rechercher sa responsabilité sur ce point.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...I..., Mme A...I...,

Mme H...I..., et Mlle D...J...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Arcachon à leur verser la somme totale

de 92 401,70 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts I...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...I..., au centre hospitalier d'Arcachon et à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 mars 2019.

Le rapporteur,

Aurélie F...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de la santé et des solidarités en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00060


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00060
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-01-01-01-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute. Surveillance.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP PENEAU-DESCOUBES PENEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-05;17bx00060 ?
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