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05/03/2019 | FRANCE | N°17BX01228

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 05 mars 2019, 17BX01228


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier d'Ussel à lui verser la somme de 61 242,48 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge au sein de cet établissement.

Par un jugement n° 1401942 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier d'Ussel à lui verser la somme de 3 802 euros ainsi que les sommes de 400 euros et 1 877,08 euros au titre des dépens, à verser à la caisse primaire d'as

surance maladie de la Corrèze la somme de 1 633,23 euros au titre des prestation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier d'Ussel à lui verser la somme de 61 242,48 euros en réparation des préjudices résultant de sa prise en charge au sein de cet établissement.

Par un jugement n° 1401942 du 16 mars 2017, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier d'Ussel à lui verser la somme de 3 802 euros ainsi que les sommes de 400 euros et 1 877,08 euros au titre des dépens, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze la somme de 1 633,23 euros au titre des prestations servies à son assurée et la somme de 544,41 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2017, MmeG..., représentée par

MeH..., demande à la cour :

1°) de porter à la somme de 61 242,48 euros l'indemnité que le centre hospitalier d'Ussel a été condamné à lui verser par ce jugement du tribunal administratif de Limoges

du 16 mars 2017 ;

2°) de réformer en ce sens ce jugement ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ussel la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier d'Ussel a commis des fautes lors de l'ostéotomie et dans le suivi de l'infection osseuse ;

- son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 614 euros, les souffrances endurées à hauteur de 2 000 euros, le déficit fonctionnel permanent à hauteur de 16 000 euros, le préjudice esthétique permanent à hauteur de 3 000 euros, le préjudice d'agrément à hauteur de 10 000 euros, le préjudice professionnel à hauteur de 14 284,9 euros,

la perte de chance d'être de nouveau opérée à hauteur de 10 000 euros, les frais de santé et de transport à hauteur de 343,58 euros et le préjudice moral à hauteur de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juillet 2017, l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par

MeD..., conclut à sa mise hors de cause.

Il soutient que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2018, le centre hospitalier d'Ussel, représenté par MeF..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2018, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, venant aux droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, demande à la cour de confirmer le jugement du 2 mars 2017, en ce qu'il a condamné le centre hospitalier d'Ussel à lui rembourser la somme de 1 633,23 euros au titre de ses débours ainsi que la somme de 544,41 euros en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par ordonnance du 24 septembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 25 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.A... ;

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeF..., représentant le centre hospitalier d'Ussel, et de MeE..., représentant l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Considérant ce qui suit :

1. MmeG..., qui présentait un hallux valgus bilatéral en raison d'une malformation congénitale des deux pieds, a subi une intervention chirurgicale le 11 juin 2010 au centre hospitalier d'Ussel ayant consisté en une ostéotomie basi-métatarsienne, une ostéotomie de raccourcissement de la phalange proximale et en une ostéotomie de Weil des deuxième, troisième et quatrième métatarsiens du pied droit. L'ablation du matériel d'ostéosynthèse, rendue nécessaire en raison de la saillie d'une broche sur le bord interne du pied, a été réalisée

le 10 août 2010. À la suite de cette seconde intervention, une infection causée par la présence d'un germe à staphylocoque doré s'est manifestée avant d'être éradiquée par une antibiothérapie de longue durée. Le tribunal administratif de Limoges a, par jugement du 16 mars 2017, condamné le centre hospitalier d'Ussel à verser à Mme G...une indemnité d'un montant

de 3 802 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze la somme

de 1 633,23 euros au titre des prestations servies à son assurée. Mme G...demande la réformation de ce jugement afin que soit portée à la somme de 61 242,48 euros l'indemnité que le centre hospitalier d'Ussel a été condamné à lui verser, tandis que la somme allouée à la caisse n'est contestée par aucune des parties au litige.

Sur la responsabilité du centre hospitalier d'Ussel :

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

3. Si le Pr Terver, désigné par le juge des référés du tribunal, ne retient pas l'existence d'un manquement commis lors de la première intervention après avoir considéré que l'aggravation du premier rayon relève plutôt de " l'ablation inopportune mais nécessaire des fils profonds maintenant la sangle en position " et que la majoration des douleurs et l'augmentation de la déformation esthétique sont dus à un aléa thérapeutique, le DrC..., expert également désigné par le juge des référés du tribunal, retient une " erreur technique dans la réalisation

du geste " au cours de l'intervention chirurgicale du 11 juin 2010 de sorte que l'ostéotomie du premier métatarsien au niveau de sa base n'a pas modifié l'angle intermétatarsien.

Le Pr Chassiroux, expert désigné par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, relève également une insuffisance technique lors de l'intervention initiale responsable d'un manque de correction au niveau de l'hallux valgus avec progressivement une aggravation de la déformation par rapport à l'état pré-opératoire et conclut que les dommages subis

par Mme G...sont la conséquence à la fois de l'infection nosocomiale et d'une insuffisance technique en rapport avec une méconnaissance des règles de l'art. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, Mme G...dont il résulte par ailleurs de l'instruction qu'elle a été préalablement informée de la nature et des risques de l'intervention et que la saillie de sa broche constitue un aléa thérapeutique, est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'échec de l'intervention initiale n'était pas la conséquence d'une faute commise par le centre hospitalier d'Ussel et ont retenu que l'intéressée était uniquement fondée à demander la condamnation de l'établissement public à l'indemniser des préjudices résultant de l'infection dont elle a souffert dans les suites de la seconde intervention, à l'exclusion des conséquences de l'échec de l'intervention chirurgicale

du 11 juin 2010.

Sur les préjudices de MmeG... :

4. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise, que la date de consolidation de Mme G...peut être fixée au 13 janvier 2011, date de sa dernière consultation avec le médecin ayant mené à bien la prise en charge de l'infection dont elle était atteinte.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise judiciaire, que l'infection dont a été victime Mme G...a majoré de trois mois la durée de son arrêt de travail. Elle est ainsi fondée à soutenir qu'elle a subi une perte temporaire de revenus qui peut être évaluée, au regard des pièces produites au dossier, à la somme de 1 693 euros dont il convient de déduire les indemnités journalières d'assurance maladie perçues au cours de cette période pour un montant global de 397 euros selon l'attestation produite par la CPAM devant le tribunal, soit un montant indemnisable de 1 296 euros. En revanche, Mme G...dont il résulte de l'instruction qu'elle a en définitive repris l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant l'intervention chirurgicale du 11 juin 2010, n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, avoir subi, eu égard notamment à son état antérieur, ni une perte de revenus postérieurement à sa date de consolidation, ni d'incidence professionnelle en lien de causalité direct et certain avec les manquements fautifs du centre hospitalier.

6. MmeG..., qui ne conteste pas la somme de 52 euros qui lui a été allouée au titre des dépenses de santé restées à sa charge, n'apporte pas davantage en appel qu'en première instance d'éléments susceptibles de justifier les frais de transport qu'elle aurait exposés pour se rendre en consultation auprès du chirurgien de la clinique du Colombier à Limoges.

Sa demande à ce titre doit donc également être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise judiciaire, qu'en raison de l'allongement de la durée de sa guérison dû aux complications infectieuses, Mme G... a subi un déficit fonctionnel temporaire de classe II entre le 15 septembre et

le 12 décembre 2010. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 400 euros.

8. Les souffrances endurées par Mme G...peuvent, au regard des différents rapports d'expertise être évaluées à 2 sur une échelle allant de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à l'appelante la somme de 2 000 euros qu'elle demande.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des constatations effectuées par les experts, que le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à 10 % . Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice, compte tenu de l'état antérieur de la patiente et du résultat escompté d'une intervention réussie, en allouant à MmeG..., âgée de 21 ans à la date de consolidation,

la somme de 10 000 euros.

10. Le préjudice esthétique évalué à 2 sur 7 par les experts, peut par une juste appréciation, au regard de l'état antérieur de l'intéressée et du résultat escompté d'une intervention réussie, être indemnisé à hauteur de 1 500 euros.

11. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise, que le préjudice d'agrément subi par MmeG..., adepte de promenades en forêt, peut, par une juste appréciation, être évalué à la somme de 1 500 euros.

12. Enfin, c'est par une juste évaluation du préjudice moral subi par Mme G...en lien avec les manquements fautifs dont elle a été victime, compte tenu des perspectives particulièrement faibles d'un traitement chirurgical futur de sa pathologie, que les premiers juges lui ont alloué à ce titre une somme de 2 000 euros.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G...est fondée à soutenir que l'indemnité que le centre hospitalier d'Ussel a été condamné à lui verser soit portée à la somme de 18 748 euros et à demander en ce sens la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Limoges du 16 mars 2017.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ussel, partie perdante à l'instance, une somme de 1 500 euros à verser

à Mme G...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier d'Ussel est condamné à payer à Mme G...une indemnité d'un montant de 18 748 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier d'Ussel versera à Mme G...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...G..., à la caisse primaire d'assurance maladie de la Corrèze, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, à l'Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier d'Ussel.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mars 2019.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 17BX01228


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01228
Date de la décision : 05/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

61-06-025 Santé publique. Établissements publics de santé. Responsabilité des établissements de santé (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET LABROUSSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-05;17bx01228 ?
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