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07/03/2019 | FRANCE | N°17BX00541

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 17BX00541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 29 mai 2013 par laquelle le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse, ensemble la décision de rejet implicite née de l'absence de réponse à son recours gracieux formé le 29 juillet 2013 et, d'autre part, de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser les sommes de 6 438,92 euros et 643,89 euros au titre de rappels de salaires

et de congés payés pour la période d'octobre 2012 à août 2013, la somme de 1 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler la décision du 29 mai 2013 par laquelle le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse, ensemble la décision de rejet implicite née de l'absence de réponse à son recours gracieux formé le 29 juillet 2013 et, d'autre part, de condamner le département des Hauts-de-Seine à lui verser les sommes de 6 438,92 euros et 643,89 euros au titre de rappels de salaires et de congés payés pour la période d'octobre 2012 à août 2013, la somme de 1 477,55 euros en réparation du préjudice résultant du caractère irrégulier de la procédure de licenciement, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi, la somme de 5 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et la somme de 1 379,05 euros à titre d'indemnité de licenciement.

Par un jugement n° 1504332 du 14 décembre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés respectivement les 15 février 2017, 27 février 2018 et 25 mai 2018, MmeC..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 14 décembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 29 mai 2013 par laquelle le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse, ensemble la décision de rejet implicite née de l'absence de réponse à son recours gracieux formé le 29 juillet 2013 ;

3°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine les sommes de 4 529,32 euros et 452,93 euros au titre du rappel de salaires et des congés payés pour la période d'octobre 2012 à avril 2013, la somme de 808 26 euros à titre de rappel de l'indemnité de licenciement, la somme de 1 523,53 euros en réparation du préjudice résultant du caractère irrégulier de la procédure de licenciement, la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de son emploi et la somme de 5 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence ;

4°) de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- le département ne justifie pas de la compétence de Mme B...F...pour signer la décision de licenciement ;

- la lettre de convocation à l'entretien préalable est irrégulière dès lors qu'elle n'indique pas qu'elle pouvait se faire assister par une personne appartenant au personnel du conseil départemental ;

- son licenciement, fondé dans la lettre de licenciement sur son éloignement géographique, est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- si le département met en cause désormais son attitude et son comportement, cette substitution de motifs ne peut être admise puisque, sur le fondement de l'article L. 1232-6 du code du travail auquel renvoie le code de l'action sociale et des familles, la Cour de cassation juge que la lettre d'énonciation des motifs du licenciement fixe les limites du litige ;

- le département n'a jamais formulé le moindre reproche sur sa manière de servir et, si elle a refusé de signer un nouveau contrat, c'est parce qu'elle souhaitait bénéficier d'un délai de réflexion ;

- elle a droit à un rappel de salaires calculé sur la base du seul contrat valable, qui est celui du 30 avril 2011 prévoyant un accueil continu de l'enfant Dylan, le département ne pouvant lui opposer un contrat d'accueil intermittent qu'elle n'a jamais signé ;

- l'indemnité due en application de l'article L. 413-12 du code de l'action sociale et des familles, calculée en fonction des six meilleurs mois de salaires, est de 808, 26 euros bruts ;

- l'indemnité due en application de l'article 1235-2 du code du travail s'élève à 1 523,53 euros ;

- elle a droit à des dommages et intérêts d'un montant de 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; ce licenciement intervenu en 2013 alors qu'elle avait prévu de partir à la retraite le 1er janvier 2017 lui cause un grave préjudice en diminuant fortement ses droits à pension ;

- ses troubles dans les conditions d'existence doivent être évalués à 5 000 euros.

Par deux mémoires en défense enregistrés respectivement les 23 janvier 2018 et 28 juin 2018, le département des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête ainsi qu'à la mise à la charge de Mme C...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé et que son licenciement est justifié.

Par ordonnance du 28 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 juin 2018 à 12:00.

Postérieurement à cette clôture, deux mémoires ont été produits pour la requérante, le 29 janvier 2019 et le 5 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.G...,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant MmeC..., et de MeA..., représentant le département des Hauts-de-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...a été recrutée par le département des Hauts-de-Seine comme assistante familiale d'abord par un contrat à durée déterminée puis, à compter du 1er mai 2011, par un contrat à durée indéterminée assorti d'un contrat d'accueil prévoyant qu'elle accueillerait tous les week-ends l'enfant Dylan M. confié par la justice au service d'aide sociale à l'enfance du département. Elle relève appel du jugement du 14 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 29 mai 2013 par laquelle le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, à la réparation des préjudices subis du fait de cette mesure de licenciement.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal administratif, qui n'est pas tenu de répondre à tous les arguments formulés à l'appui des moyens, a suffisamment répondu, au point 1 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'incompétence de la signataire de la décision de licenciement. Le jugement n'est pas entaché de l'insuffisance de motivation alléguée.

Sur la légalité de la mesure de licenciement :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, rendu applicable aux assistants maternels et familiaux employés par des personnes morales de droit public par l'article L. 422-1 du même code : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier (...) un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier (...) un assistant familial (...) doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. (...) ". Enfin, l'article L. 1232-6 dudit code dispose que : " Lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur. Elle ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué. ".

4. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondée sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 3 mai 2013, Mme C...a été, conformément à ce que prévoit l'article L. 1232-2 du code du travail, convoquée pour le 23 mai 2013 à un entretien préalable, cette lettre précisant que son licenciement pour cause réelle et sérieuse est envisagé " en raison de (son) éloignement ". La lettre de licenciement du 29 mai 2013, après avoir relevé que Mme C...ne s'était pas présentée à cet entretien, lui fait savoir que son licenciement pour cause réelle et sérieuse est prononcé " en raison de l'éloignement de (son) domicile ".

6. Pour justifier devant le juge la mesure de licenciement prononcée à l'égard de Mme C..., le département des Hauts-de-Seine invoque plusieurs motifs dont il demande expressément qu'ils soient substitués à celui indiqué dans la lettre de licenciement et rappelé ci-dessus. Le premier motif est tiré de ce que le service de l'aide sociale à l'enfance du département des Hauts-de-Seine n'était plus en charge de l'enfant Dylan à compter du 1er juillet 2013 en raison d'une décision du juge des enfants du 8 avril 2013. Le second motif est tiré de ce que le département a relevé plusieurs fois des " difficultés d'adaptation " de MmeC..., qui a fait preuve d'une " disponibilité limitée ". Le troisième motif est tiré de ce que Mme C...a fait preuve d'une " attitude non professionnelle " en refusant à plusieurs reprises les modifications du contrat d'accueil pourtant rendues nécessaires dans l'intérêt de l'enfant Dylan.

7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles L. 1232-2 et L. 1232-6 du code du travail, auxquelles renvoie l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, que le salarié doit être mis à même de s'expliquer, lors de l'entretien préalable, sur les motifs qui conduisent l'employeur à envisager son licenciement pour cause réelle et sérieuse et que, sauf à vider de sa portée la garantie liée à cet entretien préalable, les motifs sur lesquels se fonde la lettre de licenciement ne peuvent être différents de ceux sur lesquels le salarié doit être mis en mesure de débattre avant que le licenciement ne soit prononcé.

8. En l'espèce, comme il a déjà été dit, le seul motif figurant dans la lettre de licenciement du 29 mai 2013, comme d'ailleurs dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, est l'éloignement géographique de MmeC.... Admettre la substitution de motifs proposée par le département et rappelée au point 6, aboutirait à priver l'intéressée, même si elle ne s'est pas rendue à l'entretien préalable, de la garantie consistant à pouvoir discuter les motifs réels du licenciement avant que celui-ci ne soit prononcé. Cette substitution ne peut, dès lors, être accueillie. Par ailleurs, le département des Hauts-de-Seine ne défend pas la validité du motif tiré du simple " éloignement géographique " invoqué dans la lettre de licenciement, motif qui au demeurant ne saurait par lui-même justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse de l'intéressée alors que le département des Hauts-de-Seine recrute des assistants familiaux sur tout le territoire français, qu'il avait recruté Mme C...en parfaite connaissance de son implantation géographique et que le licenciement, même au regard des motifs invoqués devant le juge, n'est pas fondé sur l'absence d'enfant pouvant être confié à l'intéressée.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement du 29 mai 2013 et de la décision implicite rejetant le recours gracieux formé contre cette décision.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Mme C...demande que le département des Hauts-de-Seine soit condamné à lui verser des rappels de salaires et de congés payés pour la période ayant couru d'octobre 2012 à avril 2013, un rappel d'indemnité de licenciement, l'indemnité spécifique prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail, des dommages et intérêts s'élevant à 20 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité de 5 000 euros au titre de ses troubles dans ses conditions d'existence.

11. Il résulte de l'instruction que Dylan M. avait initialement été confié à Mme C...à compter du 1er mai 2011 pour les week-ends afin de soulager l'assistante familiale vivant à proximité qui, pour des motifs liés à sa santé, n'était plus en mesure d'accueillir l'enfant à temps plein. Au bout de quelques mois, l'état de santé de cette assistante familiale s'étant amélioré, et l'enfant ayant exprimé le souhait de stabiliser sa résidence chez cette dernière, chez laquelle il était accueilli depuis l'âge de deux ans, le département des Hauts-de-Seine a informé Mme C..., par courrier du 17 août 2012, qu'à compter du 3 septembre 2012 Dylan ne serait accueilli à son domicile qu'un week-end par mois et pendant certaines vacances scolaires. Ces nouvelles modalités d'accueil ont été mises en oeuvre mais Mme C...a refusé de signer le contrat d'accueil tenant compte de ces modifications malgré plusieurs entretiens avec les responsables du service et plusieurs relances par mail ou par courrier. Le juge des enfants a, par un jugement du 8 avril 2013, confié Dylan au service d'aide à l'enfance du département des Yvelines à compter du 1er juillet. Le département des Hauts-de-Seine a mis fin le 10 avril 2013 à l'accueil de l'enfant par Mme C...et a engagé la procédure de licenciement le 3 mai suivant.

En ce qui concerne les rappels de salaire et de congés payés :

12. Aux termes de l'article L. 423-30 du code de l'action sociale et des familles : " Sans préjudice des indemnités et fournitures qui leur sont remises pour l'entretien des enfants, les assistants familiaux relevant de la présente sous-section bénéficient d'une rémunération garantie correspondant à la durée mentionnée dans le contrat d'accueil. (...) / La rémunération cesse d'être versée lorsque l'enfant accueilli quitte définitivement le domicile de l'assistant familial. ".

13. Comme il a été dit, à compter du mois d'octobre 2012, Mme C...a accueilli Dylan un week-end par mois ainsi que pendant quelques périodes de vacances scolaires. L'intéressée ne conteste pas avoir perçu la rémunération convenue en contrepartie de ces périodes d'accueil. Si elle demande à être rémunérée, en sus, pour les périodes d'accueil prévues dans le contrat du 30 avril 2011, qui n'ont pas été effectivement réalisées compte tenu des nouvelles modalités d'accueil de l'enfant, elle ne peut toutefois y prétendre, en l'absence de service fait. Par suite, ses conclusions tendant au versement de sommes correspondant à la rémunération d'un accueil continu tous les week-ends à compter du mois d'octobre 2012 et aux congés payés correspondants ne peuvent être accueillies.

En ce qui concerne l'indemnité de licenciement :

14. Aux termes de l'article L. 423-12 du code de l'action sociale et des familles : " En cas de licenciement pour un motif autre qu'une faute grave, l'assistant maternel ou l'assistant familial relevant de la présente section justifiant d'une ancienneté d'au moins deux ans au service du même employeur a droit à une indemnité qui ne se confond pas avec l'indemnité compensatrice prévue à l'article L. 423-10. Le montant minimal de cette indemnité de licenciement est fixé par décret d'après la moyenne mensuelle des sommes perçues par l'intéressé au titre des six meilleurs mois consécutifs de salaire versés par l'employeur qui le licencie. (...) ". Aux termes de l'article D. 423-4 du même code : " Le montant minimum de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 423-12 est égal, par année d'ancienneté, à deux dixièmes de la moyenne mensuelle des sommes perçues par l'intéressé au titre des six meilleurs mois consécutifs de salaire versés par l'employeur qui le licencie. ".

15. Il résulte de l'instruction qu'antérieurement à l'introduction de sa requête, Mme C..., qui justifie d'une ancienneté de deux ans et quatre mois au sein du département des Hauts-de-Seine, a perçu, au mois d'août 2013, une somme de 519,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement. Cette somme a été à juste titre calculée en fonction des salaires des mois de janvier à juin 2012, qui constituent les six meilleurs mois consécutifs de salaire versés par le département. C'est en effet à tort que la requérante demande la prise en compte de la rémunération perçue au titre du mois de décembre 2011 qui comprend, en plus du salaire, des primes et indemnités de fin d'année.

En ce qui concerne les indemnités demandées en réparation des préjudices invoqués :

16. Irrégulièrement évincée, Mme C...a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressée, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par Mme C...et l'illégalité commise par l'administration, il convient de rechercher si, compte tenu des fautes commises par Mme C...et de la nature de l'illégalité entachant la mesure de licenciement, la même mesure aurait pu être légalement prise par l'administration.

17. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les nouvelles modalités de l'accueil de l'enfant Dylan par MmeC..., intervenues au cours de l'été 2012, ont été rendues nécessaires par l'intérêt de l'enfant qui souhaitait séjourner de manière stable et continue chez l'assistante familiale l'ayant accueilli depuis l'âge de deux ans, laquelle était désormais en mesure de le reprendre en charge de façon continue à l'exception d'un week-end par mois et de certaines périodes de vacances scolaires, ce qui impliquait nécessairement une réduction des périodes d'accueil par MmeC.... La requérante ne conteste d'ailleurs pas que ce changement correspondait à l'intérêt de l'enfant. Si elle soutient que son refus de signer le nouveau contrat d'accueil vient de ce qu'elle était mal informée sur les conséquences pécuniaires en résultant et qu'elle avait besoin de réflexion, les éléments versés au dossier par le département font apparaître qu'en dépit des précisions fournies par les services du département et des efforts constants de ce dernier, pendant plusieurs mois, pour obtenir le consentement de Mme C...aux nouvelles modalités d'accueil impliquées par l'évolution de la situation ont été vains. L'opposition systématique dont a ainsi fait preuve Mme C...dans la mise en oeuvre des modalités d'accueil de l'enfant qui lui était confié et qui avaient été rendues nécessaires par l'intérêt de ce dernier est de nature, à elle seule, à justifier la mesure de licenciement prise à son encontre. Dans ces conditions, la requérante ne saurait obtenir une indemnisation en réparation des préjudices subis au titre d'un licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse et des troubles dans ses conditions d'existence en résultant.

18. En second lieu, Mme C...demande que lui soit allouée l'indemnité prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail en cas de procédure de licenciement irrégulière. En l'absence de toute disposition prévoyant que cet article est applicable aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public, la requérante ne peut utilement l'invoquer.

19. En revanche, Mme C...est fondé à invoquer l'existence d'un préjudice résultant d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été mise en mesure, ainsi qu'il a été dit aux points 7 et 8, de discuter les motifs réels de son licenciement avant que cette mesure ne soit prise. Il sera fait une juste appréciation du préjudice subi de ce fait en lui allouant une indemnité de 1 000 euros.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement et de la décision de rejet de son recours gracieux et a rejeté intégralement ses conclusions indemnitaires, mais n'est fondée à demander à ce dernier titre qu'une indemnité de 1 000 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Mme C...n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions du département des Hauts-de-Seine présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Hauts-de-Seine la somme de 1 300 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 29 mai 2013 par laquelle le président du conseil général du département des Hauts-de-Seine a licencié Mme C...pour cause réelle et sérieuse et la décision de rejet implicite du recours gracieux formé contre cette décision sont annulées.

Article 2 : Le département des Hauts-de-Seine est condamné à verser à Mme C...une indemnité de 1 000 euros.

Article 3 : Le département des Hauts-de-Seine versera la somme de 1 300 euros à Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté, de même que les conclusions présentées par le département des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et au département des Hauts-de-Seine.

Délibéré après l'audience du 7 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 mars 2019.

Le président-assesseur,

Laurent POUGETLe président-rapporteur,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX00541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00541
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : ALJOUBAHI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-07;17bx00541 ?
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