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21/03/2019 | FRANCE | N°17BX02770

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 17BX02770


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1500823 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2017, M. et MmeC..., représentés par Me B..., de

mandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2017 ;

2°) de leur accorder la décharge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1500823 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 août 2017, M. et MmeC..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2017 ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions litigieuses, pour un montant de 21 637 euros en droits et pénalités ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'exercice de l'activité de loueur de fonds de commerce s'opère sous trois entités revêtant l'apparence d'un groupe familial informel : Mme C...est loueur de fonds, la société du Plan de Pugnères (SPP) loue les murs et la SARL SEHF exploite l'établissement hôtelier ;

- Mme C...n'est qu'un simple intermédiaire transparent au titre du loyer des murs ;

- les loyers facturés par la société mère SPP ont également fait l'objet d'un abandon de créance par la société SPP à la société SEHF ; or le vérificateur n'a pas remis en cause cet abandon de créance ;

- Mme C...ne pouvait intenter une action judiciaire en justice pour recouvrer les loyers impayés puisque cela aurait conduit à la liquidation judiciaire de la société SEHF, et donc à la disparition pure et simple du fonds de commerce donné en gérance et à la dépréciation de la valeur du foncier et de l'immeuble, qui aurait été impossible à relouer ; elle a agi en bon père de famille et les abandons de créance ont été consentis à seule fin d'assurer la sauvegarde du groupe familial ;

- l'entreprise loueur de fonds ne dispose pas de locaux ou matériels spécifiques ; conformément à la doctrine, les charges de l'habitation sont alors partiellement déductibles ; la clé de répartition utilisée est tout à fait raisonnable et réaliste ; seules ont été retenues les dépenses liées à l'exercice propre à l'entreprise ; il appartient à l'administration d'établir qu'il n'en irait pas ainsi, ce qu'elle ne fait pas ; si des factures de téléphone et d'électricité ont été établies au nom de M. C... à deux adresses différentes, c'est parce que le foyer fiscal s'est déplacé entre 2010 et 2011 ;

- s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la procédure suivie est viciée dans la mesure où le vérificateur n'a pas adressé d'avis de vérification ni contrôlé la comptabilité mais décidé sans contrôle que le crédit d'impôt constaté au 1er jour du 1er exercice non prescrit devait être annulé ;

- la taxe relative à la quote-part des dépenses professionnelles doit également être admise en déduction ; elle a été acquittée par l'exploitante, mentionnée en comptabilité et sur les déclarations ;

- dans la mesure où aucun remboursement de crédit d'impôt n'a été obtenu, la seule conséquence de la vérification doit être la suppression du crédit d'impôt existant au dernier jour de la période vérifiée ;

- Mme C...n'a pas perçu de recettes durant toute la période vérifiée et la taxe sur la valeur ajoutée brute est donc nulle ; dans ces conditions, la taxe nette à acquitter reste également nulle.

Par un mémoire enregistré le 5 mars 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le foyer fiscal composé de M. et Mme C...n'a pas qualité pour contester les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ; la requête est dans cette mesure irrecevable ;

- les provisions correspondant aux loyers impayés ne sont si isolées, ni transcrites en comptabilité, ni justifiées ;

- aucune action n'a été intentée pour tenter de recouvrer les loyers impayés et il n'est pas établi que les abandons ont été consentis à la SARL SEHF dans son intérêt commercial et ont présenté une contrepartie suffisante ;

- les trois sociétés étant juridiquement indépendantes, la jurisprudence et la doctrine sur les aides à caractère financier consenties par une société mère à une filiale ne sont pas transposables ;

- les conclusions du contrôle engagé à l'encontre de la SARL SPP, dont les conditions ne sont pas similaires, ne peuvent être utilement invoquées ;

- il appartient au contribuable de justifier la nature et le montant des sommes qu'il entend déduire ; les pièces produites en l'espèce ne permettent pas d'établir le caractère professionnel des charges.

Par une ordonnance en date du 6 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er février 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- et les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...exploite à Castillon-de-Larboust (Haute-Garonne) un ensemble hôtelier en la forme d'une location gérance consentie à la SARL Société du Plan de Pugnère (SPP), dont elle est la gérante, laquelle loue les murs à la SARL Exploitation Hôtel Fondère (SEPH), qui exploite le fonds commercial et dont elle est également la gérante. L'activité de loueur de fonds de Mme C... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011, à l'issue de laquelle le vérificateur a rejeté la comptabilité présentée, remis en cause un abandon de créance consenti par la contribuable à la société SEHF, ainsi que le caractère déductible de certaines charges. Il en est résulté des rehaussements d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2009, 2010 et 2011, que M. et Mme C...ont contesté en vain. Ils relèvent désormais appel du jugement du 13 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions issues de ces rehaussements.

Sur les conclusions relatives à la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Les conclusions par lesquelles M. et Mme C...demandent à la cour de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à Mme C...en sa qualité de loueur de fonds sont nouvelles en appel, le jugement n° 1500823 du tribunal administratif de Toulouse, seul visé par la requête, ne s'étant prononcé, conformément à la demande sur laquelle il a statué, que sur les rappels d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales auxquels les requérants ont été assujettis au titre des années 2009 à 2011. Ces conclusions sont, par suite, irrecevables et ne peuvent être accueillies.

Sur les rappels en matière d'impôt sur le revenu :

3. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. ".

4. Les requérants ne contestent plus en appel que la comptabilité de Mme C...comportait de graves irrégularités justifiant que le vérificateur la regarde comme non probante et l'écarte. Il est par ailleurs constant que les impositions litigieuses ont été établies conformément à l'avis émis le 18 mars 2014 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Par suite, M. et Mme C...supportent la charge de la preuve, en application des dispositions qui précèdent.

En ce qui concerne les provisions pour créances douteuses et les abandons de créances :

5. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la société SPP, propriétaire de l'hôtel Fondère depuis 1993, en loue les murs à Mme C...qui, à son tour, loue le fonds commercial à la société SEHF, qui l'exploite. Le vérificateur a constaté que chaque année depuis 1993, et notamment au titre de chacune des années contrôlées, Mme C...a enregistré en fin d'exercice une provision pour créances douteuses correspondant à la part du montant des loyers versés par la société SEHF excédant le montant de la redevance qu'elle versait à la société SPP. Ces provisions pour créances douteuses donnaient lieu à la comptabilisation simultanée d'abandons de créances. L'administration a remis en cause la déduction des provisions constatées au motif qu'elles n'étaient pas régulièrement comptabilisées et qu'elles correspondaient à des charges ne présentant qu'un caractère d'éventualité, en l'absence de toute tentative avérée de Mme C...pour recouvrer les fractions de loyers impayées. Les requérants font valoir que la société SEHF connaissait des difficultés financières récurrentes ne lui permettant de régler ni le loyer des murs, refacturé à la société SPP par Mme C..., ni le loyer du fonds dû à cette dernière, et que, compte tenu des liens familiaux et capitalistiques unissant les trois entités, celle-ci a logiquement agi conformément à l'intérêt du " groupe " en ne cherchant pas le recouvrement forcé des sommes dues par la société SEHF. Toutefois, Mme C...et les sociétés SPP et SEHF constituent des entités juridiquement indépendantes, liées par des contrats de baux et entre lesquelles ne s'exercent pas de relations de société mère à filiales. Ainsi, à supposer même que la société SEHF ait présenté un déficit d'exploitation chronique, ce qui n'est au demeurant établi de manière certaine par aucune des pièces produites, cette circonstance ne saurait à elle seule justifier la constatation des provisions sans que Mme C...ait entrepris la moindre action visant à recouvrer les sommes dues par l'exploitant, et ne permet pas aux requérants, qui ne peuvent utilement se prévaloir à cet égard des suites données à la vérification de comptabilité de la société SPP, d'établir que les abandons de créances en cause relevaient d'une gestion commerciale normale. Il est par ailleurs constant, ainsi que l'a relevé le tribunal, que le montage mis en oeuvre a permis à Mme C...de déclarer des résultats d'activité individuelle systématiquement déficitaires, diminuant à due concurrence les revenus du foyer fiscal imposables à l'impôt sur le revenu. Enfin, et alors que, eu égard aux chiffres d'affaires annuels déclarés par Mme C...pour son activité de loueur de fonds, celle-ci relevait de plein droit du régime du réel simplifié d'imposition, ainsi que l'a confirmé la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, et qu'elle ne pouvait, dès lors, s'exonérer des obligations comptables afférentes à ce régime, les provisions pour créances douteuses n'étaient pas régulièrement enregistrées mois par mois en comptabilité par la contribuable, mais constatées en fin d'exercice, au moment des abandons de créances. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, c'est à juste titre que l'administration a remis en cause la déductibilité de ces provisions.

En ce qui concerne les charges d'exploitation :

7. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Et aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que Mme C...a déduit de son résultat imposable, pour chaque année vérifiée, une quote-part de frais de déplacement, de taxe foncière, de taxe professionnelle et de diverses autres dépenses courantes, qu'elle a estimé à 25 % du montant des charges. Elle a expliqué ce ratio comme correspondant à un coefficient moyen de son temps d'intervention pour les tâches administratives et de gestion afférentes à son activité de loueur de fonds sur l'ensemble de son temps professionnel, indiquant que toutes ces tâches étaient accomplies à son domicile, où étaient entreposés la comptabilité et les documents sociaux. La contribuable a présenté, pour en justifier, des factures " France Télécom Orange ", " EDF ", d'assurances et de taxe foncière, mais le vérificateur a constaté que, dans une large mesure, il n'était pas justifié du lien entre ces dépenses et l'activité de loueur de fonds. Les requérants se bornent devant la cour à soutenir, de manière erronée, que l'administration supporte la charge de la preuve et, s'agissant des factures de téléphones et d'électricité, à expliquer que si certaines factures ont été établies au nom de M. C...et à deux adresses différentes, c'est en raison de leur domiciliation commune à deux adresses successives. Ce faisant, ils ne démontrent pas le caractère professionnel des dépenses correspondantes et leur engagement dans l'intérêt de l'activité de loueur de fonds ni, en conséquence, que c'est à tort que l'administration a remis en cause leur déductibilité.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. et Mme C...de la somme qu'ils sollicitent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience publique du 21 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2019.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 17BX02770


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX02770
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : BRUNNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-21;17bx02770 ?
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