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22/03/2019 | FRANCE | N°18BX03703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 22 mars 2019, 18BX03703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1804606 du 2 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

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r une requête enregistrée le 22 octobre 2018, M.A..., représenté par MeF..., demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de renvoi et la décision du même jour ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1804606 du 2 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 octobre 2018, M.A..., représenté par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 septembre 2018 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 27 septembre 2018 pris à son encontre ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente car le signataire ne justifie pas d'une délégation de signature régulière et publiée du préfet ;

- le refus de titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français sont insuffisamment motivés ;

- le refus de titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français sont entachés d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dans la mesure où ni sa présence en France depuis 1990 ni sa promesse d'embauche n'ont été prises en compte ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il justifie vivre en France depuis vingt-huit ans et qu'il y a tissé des liens amicaux alors qu'il n'a plus de contact avec son épouse en Turquie et que ses enfants sont tous majeurs ; il est titulaire d'une promesse d'embauche pour un contrat de travail à durée indéterminée ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant à l'annulation du refus de titre de séjour sont irrecevables dès lors qu'aucune décision de refus de séjour n'a été prise ;

- les moyens invoqués par M. A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Cécile Cabanne pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E...a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant turc né le 10 mai 1961, est entré en France en 2005, selon ses déclarations, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de vingt jours délivré par les autorités consulaires grecques. Le 2 avril 2013, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 juin 2014, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite d'un contrôle de police, il a été interpellé le 26 septembre 2018 et s'est vu notifier, le 27 septembre 2018, un arrêté par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 2 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. M. A...est entré irrégulièrement en France en 2005 et a fait l'objet d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours le 19 juin 2014, régulièrement notifiée le 26 juin 2014. Par suite, il se trouvait dans le cas où le préfet de la Haute-Garonne pouvait l'obliger à quitter le territoire français en application du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permette à l'autorité préfectorale de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans refus de titre de séjour préalable. L'arrêté attaqué du 26 septembre 2018 ne comporte aucune décision refusant à l'intéressé la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation d'un refus de titre de séjour inexistante sont irrecevables.

4. L'arrêté contesté a été signé par Mme D...C..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture de la Haute-Garonne, qui disposait d'une délégation de signature suffisamment précise en date du 18 mai 2018 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Garonne du même jour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait.

5. La décision contestée comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle vise ainsi la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8, ainsi que ceux du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la situation de M.A..., en particulier les articles L. 211-1 2°, L. 511-1 à L. 511-3. La décision précise les conditions de son entrée et de son séjour en France, le fait qu'il s'est vu opposer un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français en 2014, laquelle n'a pas été exécutée et qu'il existe un risque qu'il se soustrait à son éloignement. Par ailleurs, le préfet de la Haute-Garonne précise que l'intéressé ne dispose pas d'attaches privées et familiales sur le territoire français et qu'il ne démontre pas être dans l'impossibilité de poursuivre sa vie dans son pays d'origine où réside toute sa famille. Dès lors, le préfet de la Haute-Garonne, qui n'avait pas à mentionner l'ensemble des circonstances de fait caractérisant la situation de l'appelant a suffisamment motivé en droit et en fait la décision du 27 septembre 2018 obligeant M. A...à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

6. Il ressort de la motivation de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de M.A....

7. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant au soutien des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français comparées à celles dont il dispose dans son pays d'origine, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise.

9. M. A...se prévaut de sa présence en France depuis 1990 et de ce qu'il est titulaire d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée à temps complet. Toutefois, il ressort de ses écritures qu'il a quitté le territoire national en 2005. De plus, il ne justifie pas d'une présence habituelle et ancienne en France à la date de la décision attaquée en l'absence de pièces probantes pour les années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011. Au surplus, les pièces produites au titre des années 2012 et 2018 sont, par la plupart, des factures qui peuvent attester d'une présence ponctuelle sur le territoire français mais sont insuffisantes pour établir que M. A...demeure habituellement en France depuis vingt-huit ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait tissé des liens d'une particulière intensité et stabilité sur le territoire français alors qu'il n'est pas isolé en Turquie où vivent sa femme et ses trois enfants. Enfin, la seule circonstance que M. A...est titulaire d'une promesse d'embauche n'est pas de nature à lui conférer un droit au séjour. Dès lors, eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision contestée n'a pas portée une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit. Par suite, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision obligeant M. A...à quitter le territoire français n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M.A....

10. M. A...n'établit ni même n'allègue encourir un risque pour sa vie ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent également être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêté sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'Intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 20 février 2019, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, présidente,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 mars 2019

Le rapporteur,

Nathalie Gay-Sabourdy

La présidente,

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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18BX03703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX03703
Date de la décision : 22/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-03-22;18bx03703 ?
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