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02/04/2019 | FRANCE | N°16BX00774

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 02 avril 2019, 16BX00774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Bilski a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 juillet 2008.

Par un jugement n° 1203643 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité à hauteur d'une somme totale de 11 004 euros et a rejeté le surplus de la demande de

la société Bilski.

Procédure devant la cour :

Par une requête et cinq mémoires, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Bilski a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 juillet 2008.

Par un jugement n° 1203643 du 29 décembre 2015, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité à hauteur d'une somme totale de 11 004 euros et a rejeté le surplus de la demande de la société Bilski.

Procédure devant la cour :

Par une requête et cinq mémoires, enregistrés le 29 février 2016 et les 18 janvier, 28 mars, 26 avril, 29 mai 2017 et le 9 mars 2018, la société Bilski, représentée par la société civile professionnelle Lalanne - Derrien Lalanne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2015 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 juillet 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 1 157 euros au titre des es frais qu'elle a exposés au titre de la présente instance.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les prestations concernées ont été admises en déduction de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés ;

- c'est à tort que le tribunal n'a prononcé qu'une décharge très partielle du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ;

- en effet, si l'administration a remis en cause le caractère déductible de la taxe qui a grevé les prestations qui lui ont été facturées par certains sous-traitants, elle n'a pas pour autant nié la réalité de ces prestations, dont le coût a d'ailleurs été admis en déduction de ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés, ni même que l'émetteur des factures était le véritable prestataire de services ; dans une telle hypothèse, elle était en droit, comme elle l'a fait, de déduire la taxe qui a grevé les prestations concernées, y compris, contrairement à ce que prétend le service, en l'absence de certaines mentions sur les factures en cause ;

- elle n'avait pas, de plus, à vérifier si l'émetteur de la facture respectait ou non ses obligations fiscales ;

- par ailleurs, c'est à tort que les premiers juges ont limité la décharge en droits qu'ils ont prononcée à la somme de 6 991,04 euros, alors que la société Bâti Mod, dont ils ont reconnu qu'elle était bien l'auteur des prestations facturées, a émis des factures faisant apparaître un montant total de taxe sur la valeur ajoutée bien supérieur ; il y ainsi lieu de prononcer, s'agissant de la taxe ayant grevé les prestations effectuées par ce sous-traitant, la décharge d'un montant supplémentaire de taxe sur la valeur ajoutée de 66 348 euros ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées, en l'absence de contestation de la réalité des prestations rendues par les entreprises sous-traitantes concernées.

Par quatre mémoires en défense, enregistrés le 19 août 2016 et les 24 février, 25 avril, 23 mai 2017 et le 8 mars 2018, le ministre de l'économie et des finances conclut à ce qu'il soit constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête à hauteur du montant du dégrèvement conclu en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 9 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 mars 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Normand, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bilski, qui exerce son activité dans le bâtiment et les travaux publics dans le Tarn, a fait l'objet, du 23 septembre 2008 au 18 février 2009, d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 août 2007, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 juillet 2008 et à l'issue de laquelle le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur des factures de sous-traitants, qualifiées de factures de complaisance. Les rappels en découlant ont été notifiés à la société par deux propositions de rectification du 12 décembre 2008, au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 août 2005, et du 16 mars 2009 au titre de la période du 1er septembre 2005 au 31 juillet 2008. Le complément de taxe sur la valeur ajoutée qui a résulté de ces rappels a été mis en recouvrement le 29 décembre 2009, pour un montant total, en droits et pénalités, de 403 687 euros. À la suite du rejet, le 27 juin 2012, de ses deux réclamations, du 13 janvier 2010 et du 29 décembre 2011, la société Bilski a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée précité. Elle relève appel du jugement du 29 décembre 2015 par lequel ce tribunal a seulement prononcé la décharge dudit complément à hauteur d'une somme de 11 004 euros.

Sur l'étendue du litige :

2. Par décision du 8 février 2017, le directeur régional des finances publiques de la région Occitanie a prononcé le dégrèvement du complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société Bilski au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 août 2005 à hauteur, en droits et pénalités, de la somme de 315 euros. Dans cette mesure, les conclusions de la société Bilski à fin de décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux sont devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. II résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Toulouse a expressément répondu aux moyens soulevés par l'appelante et tendant à obtenir la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, qui trouve son origine dans la remise en cause de son droit à déduire la taxe qui a grevé le prix des prestations que lui ont facturées huit entreprises. S'il ne s'est pas expressément prononcé sur l'argument tiré de ce que l'administration a admis la déduction du prix des prestations précitées des résultats de la société Bilski soumis à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos au cours de la période d'imposition litigieuse, le tribunal n'étant du reste pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, cet argument était, en tout état de cause, sans influence sur le droit à déduction concerné, qui obéit à des règles distinctes de celles qui régissent l'admission des dépenses en charges déductibles des bénéfices imposables des entreprises.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

Quant aux prestations facturées par la société Bâti Mod :

5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société à responsabilité limitée Bâti Mod était régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 6 mai 2004 et se présentait de manière plausible comme redevable de la taxe sur la valeur ajoutée pour une activité de " travaux de maçonnerie générale, ravalement ". Le service, pour refuser à la société Bilski le droit de déduire la taxe mentionnée sur les factures de la société Bâti Mod, a estimé que ces derniers documents devaient être qualifiés de factures de complaisance, aux motifs que les documents remis lors du contrôle concernant cette dernière société étaient signés non par la gérante, MmeC..., mais par M.F..., que le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire était invalide, qu'elle n'avait pas rempli ses obligations fiscales et sociales en 2005, qu'elle n'existait pas à l'adresse indiquée comme étant celle de son siège social, 35, cité Lafont à Bordeaux, l'adresse mentionnée sur l'attestation ASSEDIC correspondant à l'adresse personnelle de MM. A...et E...F...au 12, rue des Augustins dans cette même ville, qu'elle n'avait présenté aucune comptabilité au liquidateur, qu'il s'agissait d'une société éphémère constituée le 6 mai 2004, placée en redressement judiciaire le 29 novembre 2006 et en liquidation judiciaire, le 31 janvier 2007, qu'elle avait établi une seule déclaration CA12 concernant l'année 2004, signée en février 2006 et déposée le 30 mars 2006 avec un numéro de taxe sur la valeur ajoutée différent de celui figurant sur certaines de ses factures des exercices 2004/2005 et 2005/2006, que le chiffre d'affaires déclaré s'élevait à 25 147 euros alors que celui réalisé avec la société Bilski pour la même période était de 90 986 euros, que la société ne disposait pas du personnel nécessaire pour réaliser les travaux mentionnés sur les factures, les bordereaux récapitulatifs pour l'URSSAF montrant l'emploi de huit salariés, employés par intermittence sur de courtes durées.

6. Cependant et à supposer même que l'ensemble de ces éléments seraient de nature à établir que la société Bâti Mod n'aurait pas été l'auteur réel des prestations facturées à l'appelante, il n'en découle pas que celle-ci savait ou ne pouvait ignorer cette fraude, alors, en tout état de cause, qu'elle a produit une série de documents attestant de la participation effective de la société Bâti Mod à plusieurs marchés publics, en tant que sous-traitant ainsi que du règlement direct d'une partie du prix de ses prestations par ses clients à cette société en 2005 et 2006. Au demeurant et comme l'a estimé le tribunal, il résulte de l'instruction que c'est à tort que l'administration remet en cause la réalité des prestations de services exécutées par la société Bâti Mod.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'il y a lieu de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la remise en cause du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les factures émises au nom de l'appelante par la société Bâti Mod et qui demeure en litige.

Quant aux prestations facturées par M. E...sous l'enseigne " entrepriseE... " :

8. Il résulte de l'instruction que l'entrepriseE..., dont le gérant est M.E..., après avoir été mise en liquidation judiciaire le 22 septembre 2004 a été réinscrite au répertoire des métiers, le 14 août 2007. Cependant et, comme le relève l'administration, M. E...ne mentionnait pas de numéro de taxe sur la valeur ajoutée sur ses factures et n'apparaissait en conséquence pas d'évidence comme assujetti à cette imposition aux yeux de ses clients et, par suite, de la société appelante. Toutefois, celle-ci produit trois documents concernant la présentation, au cours de la période d'imposition litigieuse, de l'entreprise de M. E...à différents maîtres d'ouvrages publics, dont l'un est contre signé par M. E...lui-même. Par ailleurs la circonstance, constante, que ce dernier ne respectait pas ses obligations sociales et fiscales et qu'il ne possédait pas les qualifications Qualibat-Tp ou Qualifelec, n'est pas en elle-même de nature à démontrer qu'il ne pouvait avoir lui-même exécuté les prestations facturées à la société Bilski et que celle-ci lui a réglées. De plus, les prestations en cause ne nécessitaient aucune compétence particulière. Dès lors, la réalité de ces prestations étant constante et aucun élément au dossier ne permettant de regarder l'entreprise de M. E...comme n'en étant pas l'auteur, c'est à tort que le tribunal a confirmé la remise en cause par le service de la déduction par la société Bilski de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur les factures de l'entrepriseE....

Quant aux prestations facturées par la société H...Construction :

9. Il est constant que la société à responsabilité limitée H...Construction a été régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés à compter du 22 février 2006 et a débuté son activité en décembre 2005. Il résulte en outre de l'instruction que figurait, au moins sur la plupart de ses factures, un numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire. Par conséquent et même si, selon l'administration, il existerait une incohérence entre le nombre de salariés déclarés par la société H...Construction et le nombre de salariés nécessaires pour la réalisation des deux chantiers, le " Domaine de Cazelles " à Cajarc (Lot) et la résidence " Le secret de Marie " à Aucamville (Haute-Garonne) sous traités par la société appelante pour les périodes d'intervention, respectivement du 22 juin au 30 novembre 2006 et du 25 septembre au 30 décembre 2006, et si la société H...Construction a été placée en redressement judiciaire dès le 18 juillet 2007 et ne remplissait pas ses obligations fiscales et sociales, il n'est pas démontré que la société Bilski savait ou ne pouvait ignorer que la société H...Construction n'aurait pas été le véritable auteur des prestations concernées, à supposer même que tel aurait été le cas, ce qui n'est pas établi, du reste.

10. Il en découle que c'est à tort que les premiers juges ont confirmé le refus de l'administration à la société Bilski du droit de déduire la taxe qui a grevé les travaux de sous-traitance réalisés par la société H...Construction.

Quant aux prestations facturées par l'entreprise Al Jazira :

11. Pour dénier à la société appelante le droit de déduire la taxe qui a grevé les prestations qui lui ont été facturées par l'entreprise Al Jazira, l'administration s'est appuyée sur les circonstances que l'adresse de celle-ci était inexacte, le 70 rue des Faures à Bordeaux étant le siège d'une pâtisserie orientale portant le nom de " I... " depuis le 15 juillet 2005, que l'entreprise Al Jazira n'existe ni à cette adresse, ni sous le n° 380 528 455 au registre du commerce et des sociétés, qu'elle est considérée comme ayant fiscalement cessé son exploitation depuis le 1er juin 2005, que son directeur, M. H..., est inconnu des services fiscaux à l'adresse précitée, que celui-ci a constitué une nouvelle société le 22 février 2006, la SARL H...Construction, en redressement judiciaire, le 18 juillet 2007, puis en liquidation judiciaire, le 18 juillet 2008, à une nouvelle adresse 116, Cours Aristide Briand à Bordeaux, que le contrat de sous-traitance de pose est signé avec M. D... H..., " société Al Jazira ", que l'acte spécial mentionne la SARL Al Jazira avec le n° SIRET de M. D...H..., que le numéro de téléphone porté sur les factures à en-tête Al Jazira ou SARL H...Construction est identique, que, sous couvert de l'enseigne Al Jazira, M. H...a émis des factures sans que l'entreprise Al Jazira ait une existence juridique autonome.

12. Toutefois, il n'est pas contesté que l'entreprise Al Jazira, qui était exploitée par M. H..., se présentait à la société Bilski comme inscrite au registre du commerce et des sociétés et comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Par ailleurs, il ne résulte pas des éléments sur lesquels se fondent l'administration, cités au point précédent, que la société appelante savait ou n'aurait pas pu ignorer que l'entreprise Al Jazira n'était pas le véritable auteur des prestations qu'elle facturait, à supposer que tel n'aurait pas été le cas. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal a regardé l'administration comme rapportant la preuve que les factures que cette entreprise a établies présentent le caractère de factures de complaisance. La société Bilski est, par voie de conséquence, fondée à déduire la taxe portée sur les factures émanant de l'entreprise Al Jazira.

Quant aux prestations facturées par l'entreprise de M.G... :

13. Le service a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé le prix des prestations facturées par l'entreprise individuelle de M. G...en relevant qu'elle n'était pas immatriculée au répertoire des métiers au 31 décembre 2004, que les factures présentées étaient sans numéro de taxe sur la valeur ajoutée, que les attestations fiscales et du Trésor public n'étaient pas valides, que durant sa brève existence, du 15 septembre 2005 au 27 novembre 2006, cette entreprise n'avait déposé aucune déclaration fiscale, qu'elle employait un nombre de salariés inférieur à celui déclaré, insuffisant pour la réalisation des chantiers de sous-traitance, que les déclarations à l'URSSAF étaient incohérentes par rapport aux contrats signés avec la société Bilski et comprenaient des salariés ayant le même numéro de sécurité sociale, que l'entreprise Laredj G...était inconnue en qualité d'employeur et qu'à compter du 30 avril 2007, la société Bilski avait continué à travailler, de facto, avec M.G..., mais sous l'enseigne de la société Atlas Construction.

14. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'entreprise G...était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 20 septembre 2005 et, en dépit de l'absence de numéro de taxe sur la valeur ajoutée sur certaines factures, pouvait apparaître aux yeux de l'appelante comme assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions et alors, au demeurant, que la société Bilski produit plusieurs documents attestant de ce que cette entreprise est matériellement intervenue sur les chantiers qui lui ont été confiés, notamment le plus important d'entre eux, soit celui du Domaine des Cazelles à Cajarc, il ne résulte pas de l'instruction, en tout état de cause, que la société appelante savait ou ne pouvait ignorer que les prestations facturées par l'entreprise G...n'auraient pas été réalisées par celle-ci. Est inopérante à cet égard la circonstance que ces prestations n'auraient pu être réalisées qu'en méconnaissance des obligations fiscales et sociales qui incombaient à cette entreprise. Par conséquent c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'administration rapportait la preuve que ces factures auraient eu un caractère de complaisance et ont confirmé le refus de la déduction de la taxe qui y figurait.

Quant aux prestations facturées par la société Atlas Construction :

15. Il est constant que la société à responsabilité limitée Atlas Construction était régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés pour une activité de " travaux de maçonnerie générale ". Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'elle n'est intervenue en tant que sous-traitante de la société Bilski qu'au cours de l'année 2007, pour trois chantiers, et qu'elle émettait des factures faisant apparaître la taxe sur la valeur ajoutée, même si n'y figurait pas le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire. En outre, sa participation à trois opérations confiées à la société Bilski n'est pas contestée par le service. Par conséquent, les seules circonstances qu'elle ne respectait pas ses obligations fiscales et sociales, qu'elle n'a été en activité que du 15 janvier au 31 octobre 2007 et que ses trois associés étaient M. E..., M. F... et M.G..., soit trois personnes étant intervenues, sous diverses enseignes, dans d'autres chantiers confiés à l'appelante, ne sont en rien de nature à établir que celle-ci savait ou ne pouvait ignorer que les prestations facturées par cette société n'auraient pas été réalisées par elle. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le service rapportait la preuve que les factures que la société Atlas Construction a établies présentaient le caractère de factures de complaisance et ont confirmé le refus de la déduction de la taxe qui y figurait.

Quant aux prestations facturées par la société Harzi Ingénierie Construction (HIC) :

16. Il est constant que la société à responsabilité limitée Harzi Ingénierie Construction (HIC) était immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour une activité de " travaux de maçonnerie générale ". Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'elle n'est intervenue en tant que sous-traitante de la société Bilski qu'au cours de l'année 2006 et qu'elle émettait des factures faisant apparaître la taxe sur la valeur ajoutée, même si n'y figurait pas le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire. En outre, sa participation à trois opérations confiées à la société Bilski n'est pas contestée par le service. Par conséquent, les seules circonstances qu'elle n'a pas rempli, pendant sa durée d'existence, inférieure à deux ans, ses obligations fiscales et sociales et qu'elle était inconnue à l'adresse déclarée n'étaient pas de nature, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, à établir que les factures que cette société a émises présentaient le caractère de factures de complaisance. Par suite, c'est à tort que le tribunal a confirmé la remise en cause par le service de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur les factures émanant de cette société.

Quant aux prestations facturées par l'entreprise de M.B... :

17. D'une part et en application des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts un assujetti n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations, la taxe portée sur des factures correspondant à des biens ou à des prestations de services qui ne lui ont pas été effectivement fournis.

18. D'autre part, dans l'arrêt du 27 juin 2018 par lequel elle s'est prononcée sur la question dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires-Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que, pour refuser à l'assujetti destinataire d'une facture le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur cette facture, il suffit que l'administration établisse que les opérations auxquelles cette facture correspond n'ont pas été réalisées effectivement.

19 S'il est constant que l'entreprise individuelle de M. B...était immatriculée au registre du commerce et des sociétés pour une activité de " travaux de maçonnerie générale " lorsqu'elle a émis des factures au nom de la société appelante, soit au cours de l'année 2006, le numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire n'y figurait pas et le service conteste en outre l'existence même des prestations effectuées par cette entreprise. Il relève à cet égard qu'elle n'avait déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée, qu'elle n'avait pas rempli ses obligations fiscales et sociales, qu'elle ne déclarait pas de salariés, que les factures présentées sont imprécises et font référence à des chantiers pour lesquels aucun contrat de sous-traitance n'a été produit, le seul présenté, celui de la résidence " Le secret de Marie " à Aucamville (Haute-Garonne), n'étant pas signé.

20. Ainsi et dans la mesure où la société Bilski n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des prestations en cause, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les factures que cette société a établies présentaient le caractère de factures fictives et, en conséquence, qu'ils ont confirmé la remise en cause du droit de déduire la taxe qui a grevé les travaux de sous-traitance facturés par l'entreprise de M.B....

Sur les pénalités :

21. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : (...) a. 40 % en cas de manquement délibéré. ".

22. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 19 et 20 que la société Bilski a sollicité la déduction de la taxe qui a grevé les factures émises par l'entreprise B...alors que celles-ci ne correspondaient à aucune prestation effective. Il suit nécessairement de là qu'elle a sciemment cherché à minorer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée à verser au Trésor. En conséquence, c'est à juste titre que le service a majoré le rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la taxe déduite sur les prestations facturées par l'entreprise précitée des pénalités de 40 % pour manquement délibéré prévues par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bilski est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a limité à la somme de 11 004 euros le montant de la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée litigieux et à demander la décharge, en droits et pénalités, de ce complément à hauteur de la réduction d'imposition qui découle du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les prestations qui lui ont été facturées au titre de la période d'imposition litigieuse par les entreprises Bâti Mod, E..., H...construction, Al Jazira, G..., Atlas construction et Harzi ingénierie construction.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 157 euros que demande la société Bilski au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société Bilski au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 juillet 2008 à hauteur du montant d'imposition dégrevé en cours d'instance.

Article 2 : Il est accordé à la société Bilski la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui est réclamé au titre de la période du 1er septembre 2004 au 31 juillet 2008 à hauteur de la réduction d'imposition qui découle du caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les prestations qui lui ont été facturées au titre de cette période par les entreprises Bâti Mod, E..., H...construction, Al Jazira, G..., Atlas construction et Harzi ingénierie construction.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à la société Bilski la somme de 1 157 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Bilski et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2019.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 16BX00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX00774
Date de la décision : 02/04/2019
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP LALANNE - DERRIEN-LALANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-04-02;16bx00774 ?
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