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14/05/2019 | FRANCE | N°17BX01244

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 17BX01244


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 25 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1406245 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et laissé les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros à la charge de l'Etat.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril et 29 septembre 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à lui verser une indemnité de 25 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande préalable et avec capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1406245 du 23 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande et laissé les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros à la charge de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 avril et 29 septembre 2017, Mme H..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 février 2017 ;

2°) avant dire droit de désigner un expert pour évaluer ses préjudices subis ;

3°) de condamner le CHU de Toulouse à lui verser la somme totale de 26 288,40 euros en réparation des préjudices subis du fait de la faute commise lors de l'opération d'ostéotomie bi-maxillaire ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Toulouse la somme de 2 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la responsabilité du CHU de Toulouse est engagée du fait d'une faute commise par le chirurgien ainsi qu'il résulte du rapport du Dr D...qu'elle a consulté. Sur les préjudices, elle demande de condamner le CHU de Toulouse à lui verser la somme

de 13 630 euros au titre des dépenses de santé futures, la somme de 4 658,40 euros au titre

de son déficit fonctionnel temporaire, évalué à 15 % depuis le 16 mars 2014, la somme

de 4 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 1,5/7, et la même somme au titre

du préjudice esthétique temporaire subi, évalué à 1,5/7.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 18 octobre 2017, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par la SELARL Montazeau etA..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à la modération des demandes indemnitaires de Mme H...et, en tout état de cause, à ce que les frais d'expertise soient mis à la charge de MmeH....

Le CHU de Toulouse soutient que :

- les conclusions du DrD..., qui a rendu un rapport d'expertise non contradictoire, ne peuvent être prises en compte ;

- l'absence d'information manque en fait et la faute imputable au CHU n'est pas prouvée de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée ;

- à titre subsidiaire, la demande de Mme H...tendant à l'indemnisation de frais de santé futurs ne peut qu'être rejetée dès lors qu'ils correspondraient à la deuxième étape de son projet esthétique ; le déficit fonctionnel temporaire fixé à 15 % par l'expert n'est pas

justifié ; les souffrances endurées ne peuvent être indemnisées dès lors que la patiente n'est pas consolidée ; enfin, le préjudice esthétique temporaire n'est pas établi.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de

la Haute-Garonne, pour laquelle il n'a pas été produit d'observations.

Par ordonnance du 31 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée

au 19 septembre 2018.

Mme H...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeI..., représentant MmeH..., et

de MeA..., représentant le CHU de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G...H...a bénéficié, le 17 mars 2014, d'une double ostéotomie maxillo-mandibulaire sous anesthésie générale dans le service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique de la face de l'hôpital Purpan à Toulouse. Les contrôles post opératoires étant satisfaisants et les suites opératoires sans complication, elle a regagné son domicile après le retrait des drains aspiratifs, avec une prescription d'antalgiques et antibiotiques, des soins de bouches et de cicatrisation cutanée. Au sein du même établissement, le 20 avril 2015, il a été procédé à la dépose du matériel d'ostéosynthèse. Se plaignant depuis ces interventions d'une béance inter-molaire rendant la mastication impossible et entraînant des symptômes douloureux, que seule une réhabilitation prothétique pourrait selon elle réparer, Mme H...a présenté,

le 1er septembre 2014, une réclamation préalable indemnitaire au CHU de Toulouse et saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'expertise.

Par ordonnance du 15 janvier 2015, ce dernier a désigné M. C...en qualité d'expert, lequel a déposé son rapport le 10 décembre 2015. Estimant subir des préjudices en lien avec

l'état dento-maxillaire résultant de l'intervention pratiquée au CHU de Toulouse, Mme H...a recherché la condamnation de cet établissement. Elle relève appel du jugement

du 23 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité des opérations d'expertise et les conclusions tendant à la réalisation d'une nouvelle expertise :

2. Ainsi qu'il a été dit, une expertise médicale a été ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse et le rapport établi par M.C..., médecin stomatologiste, chirurgien maxillo-facial, à la suite d'un examen de l'appelante le 26 août 2015 et d'une réunion qui s'est tenue en présence de MmeH..., de son médecin conseil, d'un médecin représentant l'assurance du CHU de Toulouse ainsi que de MeA..., conseil du CHU de Toulouse. Si Mme H...soutient avoir ressenti un " parti pris évident pour le chirurgien

le Dr B...et sa confrérie en général " de la part de M.C..., elle n'apporte toutefois aucun élément de nature à susciter un doute légitime quant à l'impartialité de l'expert. De plus, si elle produit un rapport du 7 janvier 2017 émanant de M.D..., chirurgien dentiste, spécialiste qualifié en chirurgie orale et expert judiciaire près la cour d'appel de Bordeaux en odontologie générale et identification odontologique, qui l'a examinée à sa demande le 18 mai 2016, ce rapport amiable, qui n'a pas été rendu au contradictoire du CHU de Toulouse, ne présente pas des garanties suffisantes d'objectivité. En tout état de cause, eu égard à cet élément versé aux débats et au contenu du rapport remis par M. C...ainsi qu'aux conditions dans lesquelles cette expertise judiciaire a été menée, la cour disposant des informations nécessaires à la solution du litige, il ne résulte pas de l'instruction qu'une nouvelle mesure d'expertise présenterait un caractère utile. Dès lors, la demande d'expertise médicale formulée par Mme H...ne peut qu'être rejetée.

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse :

En ce qui concerne la faute médicale :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

4. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de M.C..., expert désigné par les premiers juges, que les conditions de prise en charge de Mme H...au CHU de Toulouse pour ses interventions du 17 mars 2014 et du 20 avril 2015 ont été conformes aux règles de l'art de la science chirurgicale aussi bien dans l'examen clinique, le bilan pré-opératoire, l'information de la patiente que dans la réalisation et dans le suivi. Il est constant que l'objet de la chirurgie dont Mme H...a bénéficié était d'améliorer son sourire en dévoilant notamment son bloc incisif maxillaire, et, pour ce faire, de reprendre l'articulé transversal en l'abaissant légèrement pour faire apparaître ses incisives. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'un traitement combiné prothétique et chirurgical avait été évoqué, Mme H...ayant eu l'intention de refaire l'ensemble de sa denture une fois que le décalage des bases dans le sens transversal antéropostérieur et vertical aurait été obtenu. L'expert désigné par le juge des référés constate que " l'occlusion est équivalente à l'occlusion préopératoire (...) avec une très nette amélioration de la dimension verticale où le recouvrement du bloc incisif maxillaire sur le bloc mandibulaire est tout à fait physiologique ", que les résultats sont " favorables du point de vue de l'esthétique du visage (...) " sans asymétrie disgracieuse ni dissymétrie du menton et que

la fonction manducatrice est normale par rapport à l'état antérieur, voire même

améliorée. Si Mme H...se prévaut du rapport amiable précité du 7 janvier 2017 de

M.D..., selon lequel la chirurgie aurait provoqué un " désordre occlusal qui ne relève pas d'un état antérieur " et se plaint de l'absence de coordination pluridisciplinaire notamment avec un spécialiste en orthopédie dento-faciale (ODF), elle n'établit pas que le chirurgien qui a pratiqué l'ostéotomie maxillo-mandibulaire qu'elle sollicitait, ni l'équipe médicale du CHU de Toulouse qui l'a prise en charge, aurait commis une faute préopératoire, dans le geste chirurgical ou son suivi post opératoire. La seule circonstance qu'il n'y ait pas eu de préparation ODF, que l'occlusion n'aurait pas été conservée à l'identique et que le chirurgien a décidé de ménager, selon le compte rendu opératoire, " une béance molaire pour pouvoir réaliser la réhabilitation prothétique " que la patiente reconnait avoir envisagée, n'est pas de nature à révéler l'existence d'une faute. L'expert indique, du reste, à cet égard que " les réhabilitations prothétiques proposées pour des coûts élevés relèvent tous d'un état antérieur ". Mme H...n'est, par suite, pas fondée à rechercher la responsabilité pour faute du CHU de Toulouse.

En ce qui concerne le défaut d'information :

5. Aux termes de l'article L. 6332-2 du code de la santé publique : " Pour toute prestation de chirurgie esthétique, la personne concernée, et, s'il y a lieu, son représentant légal, doivent être informés par le praticien responsable des conditions de l'intervention, des risques et des éventuelles conséquences et complications (...) ".

6. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que Mme H...a été examinée par deux chirurgiens du CHU de Toulouse avec lesquels elle a discuté pendant neuf mois avant d'envisager l'intervention du 17 mars 2014, s'est vu remettre une fiche d'information et que de multiples courriers échangés entre le service de CMF du CHU de Toulouse et son médecin traitant ont précédé le geste chirurgical. Si l'appelante se prévaut du rapport précité

de M. D...selon lequel elle n'aurait pas été informée des risques pouvant apparaître au niveau de l'occlusion en post opératoire et des futurs travaux prothétiques, il résulte de ce qui précède que la réhabilitation prothétique en litige avait été envisagée dans un second temps de la chirurgie et est sans lien avec cette dernière. La patiente a ainsi été mise à même de donner en connaissance de cause un consentement éclairé à l'acte de soins auquel elle s'est volontairement soumise. Le moyen tiré de la méconnaissance par le CHU de Toulouse de son obligation d'information doit en conséquence être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'aucun défaut d'information, ni aucune faute médicale ne peuvent être retenus à l'encontre du CHU de Toulouse. Mme H...n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

8. Il résulte de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article R. 761-1 du code de justice administrative que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'État.

9. Il y a lieu de maintenir les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Toulouse, liquidés et taxés pour un montant de 1 800 euros par

une ordonnance de son président du 18 décembre 2015 à la charge de l'État au titre de l'aide juridictionnelle totale dont Mme H...est bénéficiaire.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le CHU de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à Mme H...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H..., au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 14 mai 2019.

Le rapporteur,

Aurélie F...

Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01244


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01244
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS BERREBI ET SIRGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-14;17bx01244 ?
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