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06/06/2019 | FRANCE | N°17BX03703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 17BX03703


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1503964 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2017, M.A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du 27 septembre 2017 ;

2°) de faire droit à sa demande de décharge des impositions lit...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2007 à 2009, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1503964 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2017, M.A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2017 ;

2°) de faire droit à sa demande de décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'existence d'un détournement de fonds, ce qui n'est pas fait en l'espèce ; l'administration n'apporte pas une telle preuve, ni celle d'un préjudice subi par les sociétés ;

- il n'appartient pas à l'administration de qualifier pénalement des faits ou une pratique pour fonder un redressement, en l'absence de toute instance pénale parallèle ; seul le ministère public peut mettre à jour un détournement (abus de confiance) et en tirer les conséquences fiscales ; le recours à la procédure de vérification est donc abusif ;

- la seule preuve que des sommes ont été encaissées par le contribuable ne suffit pas à démontrer l'exercice d'une activité occulte ou illicite ;

- il était salarié d'une société qui lui versait en sus de son salaire des sommes visant à rembourser les nombreux frais engagés dans le cadre de son emploi ; les chèques correspondaient ainsi à des remboursements de frais professionnels ; son employeur aurait remarqué un détournement, or, il n'a pas déposé plainte à son encontre ; les clients ont reçu les marchandises commandées, ce qui implique que les chèques ont bien été remis à la société Uni-stock ; il a fourni à l'administration fiscale des factures adressées aux clients et correspondant aux chèques encaissés ; il remettait l'intégralité des chèques clients aux sociétés, sans jamais les conserver ; il n'a jamais acheté des produits pour les revendre ; il n'avait aucun moyen d'accès aux paiements ;

- le détournement de fonds allégué n'est pas démontré ;

- la vérification de comptabilité diligentée sur une période étendue conformément aux dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est irrégulière ;

- les sommes ne peuvent être intégralement imposées en bénéfices non commerciaux ; à tout le moins, il convient de tenir compte de ses frais professionnels déductibles.

Par un mémoire enregistré le 24 mai 2018, le ministre de l'action et des comptes publics (direction de contrôle fiscal sud-ouest) conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient l'appelant, les contrôles diligentés à son encontre ont établi qu'il avait procédé à des détournements de fonds au détriment des sociétés Uni-stock, CPK et CVF ; il incombe à l'administration d'apporter la preuve de l'existence d'un détournement de fonds, or, en l'espèce, elle a clairement démontré que le requérant avait endossé et encaissé personnellement de nombreux chèques, émis par des particuliers en règlement de divers achats de biens effectués auprès des sociétés ;

- ces achats n'ont pas donné lieu à la délivrance d'une facture mais uniquement d'un bon de commande sur lequel apparaît le nom du conseiller commercial qui a contracté la vente, qui n'était ni le nom du requérant, ni celui de sa compagne, MmeB... ; par conséquent, les sommes considérées comme ayant été détournées sont celles relevées sur les comptes bancaires du requérant à la vue des copies de chèques obtenues par le service et/ou des réponses aux demandes de renseignements adressées par les émetteurs de chèques sur leurs achats de biens ;

- l'administration a donc, contrairement à ce qu'affirme le requérant, précisément déterminé la pratique illicite des détournements de fonds ; elle a également établi les liens existants entre les chèques litigieux et les sociétés citées au regard des réponses obtenues des particuliers ; l'administration a détaillé en annexe de la proposition de rectification du 16 septembre 2013, tous les chèques objets du détournement de fonds, par compte bancaire, et pour chacun d'entre eux, le nom du client ainsi que le produit acheté par ce dernier et le nom de la société concernée ;

- au demeurant, le requérant avait une parfaite connaissance des informations détenues par l'administration ayant conduit aux rehaussements opérés ; à ce titre, il a attesté le 10 décembre 2013 avoir consulté l'ensemble des pièces recueillies par l'administration suite aux droits de communications et demandes d'informations et indiqué sur l'attestation ne pas souhaiter en prendre copie ;

- les faits recueillis démontrent que le requérant, qui a varié dans ses explications, a indûment appréhendé des sommes qui manifestement étaient destinées à des sociétés dans lesquelles sa compagne et lui-même étaient salariés ;

- de fait, ces sociétés ont été lésées par ces détournements de recettes, peu importe que leurs dirigeants aient eu connaissance ou non de ces pratiques illicites ;

- l'administration a pu qualifier ces faits de détournement de fonds eu égard à la définition donnée par 1'article 314-1 du code pénal ; la procédure pénale concerne le délit d'abus de confiance, alors que la procédure fiscale concerne la taxation à 1'impôt sur le revenu des bénéfices non commerciaux provenant de l'exercice d'une activité occulte illicite ; les deux procédures sont indépendantes l'une de l'autre ;

- la procédure suivie par l'administration est donc régulière au regard de la législation applicable ; en effet, ces détournements de fonds établissent bien une activité occulte au sens du 2ème alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; lorsque le contribuable exerce une activité occulte, le délai de reprise de l'administration est porté de trois à dix ans, c'est ainsi que la vérification de comptabilité, s'agissant d'une activité occulte à caractère illicite, a concerné la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011, conformément aux dispositions de l'article L. 169 précité ; .

- les constatations opérées ne sont pas compatibles avec les explications de M. A...selon lesquelles les sommes en cause correspondraient à des remboursements de frais ;

- le détournement de fonds constitue, au plan fiscal, une activité occulte taxable à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux.

Par ordonnance du 26 mars 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2019 à 12h00.

Un mémoire a été présenté pour M. A...le 25 avril 2019 et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., qui a exercé les fonctions de directeur commercial, successivement, des sociétés CPK Distribution et Uni-stock, spécialisées dans la vente d'articles ménagers et culinaires, a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2011, au terme duquel le service a constaté qu'il avait perçu des revenus non déclarés correspondant à l'encaissement sur ses comptes bancaires personnels de chèques émis par des clients des sociétés l'employant ou par des clients de la société " Comptoir des Vignobles de France " (CVF), dont sa compagne était salariée. Estimant que cette pratique correspondait à l'exercice d'une activité occulte et illicite de détournement de fonds, l'administration a engagé une vérification de comptabilité portant sur la période considérée, à l'issue de laquelle des rappels d'impôt sur le revenu au titre des années 2007 à 2009, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ont été notifiés à M. A...selon la procédure d'imposition d'office. Ce dernier relève appel du jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces suppléments d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le délai de reprise de l'administration :

2. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

3. Il résulte de l'instruction que M. A...a encaissé sur ses comptes bancaires, pour des montants de 67 961 euros en 2007, 88 854 euros en 2008 et 88 217 euros en 2009, des chèques établis par des particuliers et correspondant aux paiements d'articles commandés auprès des sociétés CPK Distribution, Uni-Stock et CVF. Le requérant fait valoir que les clients contactés par l'administration ont confirmé que les commandes avaient été honorées, ce qui supposerait selon lui que les sociétés avaient bien préalablement encaissé elles-mêmes les paiements. Après avoir dans un premier temps expliqué les encaissements sur ses comptes par la vente de grands vins, d'objets d'art ou de véhicules, sans toutefois pouvoir en justifier, M. A...soutient désormais qu'ils correspondent à des remboursements de frais professionnels exposés dans le cadre de ses déplacements pour le compte de ses employeurs. Cette affirmation, qui ne saurait en tout état de cause valoir s'agissant des encaissements correspondant à des commandes de clients de la société CVF, dont il n'était pas salarié, n'est pas davantage établie par le requérant devant la cour que devant le tribunal. Il n'a en effet pas été en mesure de présenter le moindre justificatif de dépenses professionnelles dont il aurait fait l'avance, alors que les montants considérés sont bien plus importants que les salaires qu'il a déclarés au titre des années considérées, et il n'explique pas pour quelle raison il aurait été remboursé de ces frais en la forme d'encaissements de chèques établis par les clients des sociétés. Au demeurant, les dépenses annotées par ses soins " frais de route " sur ses comptes bancaires à la demande de l'administration diffèrent notablement des montants encaissés. Par ailleurs, le droit de communication exercé par le service auprès du comptable de la société Uni-stock a permis de constater que les écritures comptables de cette société ne mentionnent aucun remboursement de frais au bénéfice de M.A.... Les informations recueillies auprès des clients des trois sociétés ayant émis les chèques ont révélé qu'en dépit de leurs demandes, ceux-ci n'ont pu obtenir de factures correspondant à leurs commandes. A cet égard, si le contribuable a produit quelques factures Uni-stock dans le cadre de son recours hiérarchique, il n'a pas été en mesure d'établir que celles-ci avaient été régulièrement émises et adressées aux clients. Enfin, une vérification de comptabilité de la société CVF a mis à jour des manquants dans les stocks ainsi que des ventes non déclarées susceptibles de correspondre à des détournements à son préjudice. Dans ces conditions, et sans que M. A...puisse utilement faire valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune plainte de la part des trois sociétés lésées, ni se prévaloir de l'absence de poursuites pénales engagées à son encontre, l'administration doit être regardée comme établissant que les agissements de l'intéressé caractérisent une activité illicite de détournement de fonds. Le service était par suite fondé à faire application du délai spécial de reprise de dix ans prévu par le troisième alinéa précité de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

4. L'instruction administrative référencée BOI-CF-PGR-10-70 § 20 et 40 ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il est fait application dans le présent arrêt et dont M. A...serait fondé à se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

5. Aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ". Aux termes de l'article 93 du même code : " 1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur les sociétés est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...) ".

6. Les bénéfices non commerciaux tirés par M. A...de son activité occulte de détournement de fonds ayant été évalués d'office, le requérant supporte, en application des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération des impositions mises à sa charge. Ainsi qu'il a été dit au point 3, le requérant ne justifie pas que les chèques de clientèle encaissés sur ses comptes bancaires personnels et dont l'administration a établi qu'ils correspondent à des ventes non facturées constitueraient des remboursements de dépenses professionnelles et devraient, fut-ce pour partie, être exclus des profits imposables en application de l'article 92 précité du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant à qu'une somme soit mise à sa charge en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 6 juin 2019.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 17BX03703


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX03703
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SARROUILHE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-06;17bx03703 ?
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