La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2019 | FRANCE | N°19BX00944

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre bis - (formation à 3), 28 juin 2019, 19BX00944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et a prescrit son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays où il sera légalement admissible.

Par un jugement n° 1900154 du 13 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

P

rocédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, M.B..., représenté pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 7 février 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande d'entrée en France au titre de l'asile et a prescrit son réacheminement vers le territoire du Sri Lanka ou, le cas échéant, vers tout autre pays où il sera légalement admissible.

Par un jugement n° 1900154 du 13 février 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 mars 2019, M.B..., représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion du 13 février 2019 ;

2°) d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 7 février 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il a été éloigné le 14 février 2019, le lendemain du jugement attaqué. Ce jugement n'a été notifié que le 26 février 2019, soit postérieurement à son éloignement. Il n'a donc pas été en mesure de former appel en méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'organisation du réacheminement s'est effectuée avant même l'audience ;

- le premier juge n'a pas statué sur la méconnaissance des règles de confidentialité ;

- le premier juge n'a pas statué sur la méconnaissance de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'entretien avec l'officier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'a pas eu lieu dans des conditions permettant d'en assurer la confidentialité dès lors que des personnes extérieures ont pu entendre les propos tenus lors de cet entretien. L'officier n'a pas veillé aux bonnes conditions d'audition et de visionnage. Il y a donc méconnaissance de l'alinéa 7 de l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il n'a pas été fait droit à sa demande tendant à l'assistance d'un avocat au cours de son entretien avec les services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en méconnaissance de l'alinéa 8 de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entré en France en se rendant à l'aéroport pour son entretien avec un officier de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et ce sans décision de transfert. Un refus d'entrée sur le territoire national ne pouvait donc plus lui être opposé ;

- il est d'origine tamoule. Il a été placé en détention provisoire pendant 6 mois et a été longuement interrogé par le département d'investigation criminelle (CID). Les risques dont il fait état sont corroborés par les rapports versés au dossier. Le réacheminement mettant en péril sa vie, sa demande d'asile relève ainsi de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2019, le ministre de l'intérieur, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut s'invoquer isolément. Le moyen tiré de sa seule méconnaissance est donc inopérant. En tout état de cause, le requérant a bénéficié de son droit à un recours effectif en bénéficiant de la suspension de son éloignement le temps que son recours contre le refus d'entrée soit examiné. Enfin, la circonstance que le départ de l'intéressé était préparé pendant la suspension ne saurait caractériser une méconnaissance du droit à un recours effectif ;

- le moyen tiré de l'atteinte à la confidentialité n'était pas soulevé en première instance ;

- le local de vidéoconférence a été agréé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et présente donc toutes les garanties de confidentialité requises par l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La seule attestation produite, dépourvue de formalisme et concernant une tierce personne, ne saurait établir le contraire ;

- le requérant n'établit pas avoir sollicité l'assistance d'un avocat lors de l'entretien. D'ailleurs, il a indiqué le contraire lors de l'entretien ;

- le déplacement jusqu'au local de vidéoconférence ne met pas un terme au maintien en zone d'attente comme le rappelle expressément l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La recevabilité de ce moyen est discutable dès lors qu'il est soulevé pour la première fois en appel ;

- le récit du requérant ne fait apparaître aucune menace réelle et actuelle, les faits invoqués étant anciens et incertains. Il n'a donc commis aucune erreur manifeste d'appréciation en suivant l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en vertu duquel cette demande d'asile est manifestement infondée.

Par une décision en date du 20 juin 2019 M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné M. Guillaume de La Taille Lolainville pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant sri-lankais, a sollicité le 5 février 2019 l'accès au territoire français en présentant une demande d'asile. Après consultation de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a émis un avis de non-admission le 7 février 2019, le ministre de l'intérieur a, le jour même, rejeté sa demande d'entrée en France et a prescrit son réacheminement vers le Sri Lanka ou tout autre pays où il sera légalement admissible. M. B...relève appel du jugement du 13 février 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B...soutient que la décision du 7 février 2019 a été exécutée le 14 février 2019, le lendemain du jugement attaqué, avant même la notification du jugement qui est intervenue le 26 février 2019 et que cette notification était donc tardive, faisant ainsi obstacle à l'exercice de son droit à un recours effectif reconnu par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, les conditions de notification d'un jugement sont sans influence sur sa régularité. En outre, le présent recours démontre que M. B...a pu valablement exercer son droit à un recours effectif.

3. En deuxième lieu, M. B...soutient que le tribunal a omis de statuer sur la méconnaissance des " règles de confidentialité ". Il ressort cependant des écritures de première instance de M. B...que le seul moyen invoqué susceptible d'être rattaché au respect des " règles de confidentialité " est le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu duquel notamment le recours à un moyen de communication audiovisuelle doit s'effectuer dans des conditions assurant la confidentialité de la transmission. Or le jugement attaqué a répondu à ce moyen dans son point 4. L'omission à statuer alléguée manque donc en fait.

4. En troisième lieu, le requérant soutient que le jugement attaqué a examiné l'appréciation du ministre de l'intérieur sur son droit d'entrée sur le territoire national uniquement au regard des dispositions de l'article 1er de la convention de Genève, et non, comme il le soutenait en première instance, au regard des dispositions de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vertu desquelles l'entrée en France peut être refusée notamment lorsque la demande d'asile est manifestement infondée. Toutefois, il ressort du jugement attaqué que le tribunal a expressément répondu à ce moyen en citant ce texte dans son point 11 et en indiquant dans le point suivant les motifs pour lesquels le ministre a pu valablement estimer que la demande d'asile du requérant était manifestement infondée. L'omission à statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écartée comme manquant en fait.

Sur la légalité de la décision du 7 février 2019 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)Le local destiné à recevoir les demandeurs d'asile entendus par un moyen de communication audiovisuelle doit avoir été préalablement agréé par le directeur général de l'office (...) L'intéressé entendu par un moyen de communication audiovisuelle doit, si besoin avec l'aide d'un interprète, être informé par l'office avant le commencement de l'entretien du déroulement des opérations, notamment des modalités permettant d'assurer le respect des règles de confidentialité ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, que l'entretien avec M. B...a été réalisé par visioconférence. Si ce dernier soutient que le local était précaire, il est constant que l'entretien s'est déroulé dans un local agréé par une décision du 14 décembre 2018 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. En outre, s'il soutient que la confidentialité n'était pas assurée en raison de la finesse des murs et de l'entrebâillement de la porte du local, il ne l'établit nullement par la seule production d'une attestation concernant une tierce personne. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 723-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur peut se présenter à l'entretien accompagné soit d'un avocat (...) L'absence d'un avocat (...) n'empêche pas l'office de mener un entretien avec le demandeur (...) ".

8. M. B...ne produit, pas plus en appel qu'en première instance, un quelconque document permettant d'établir qu'il aurait sollicité, pour son entretien avec l'office, l'assistance d'un avocat. S'il ressort du procès-verbal du 5 février 2019 afférent à la non-admission de 70 migrants que 38 d'entre-eux ont sollicité l'assistance d'un avocat, il ressort également des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal du 8 février 2019, qu'un avocat commis d'office a été désigné et que ce dernier ne s'est pas rendu aux entretiens au motif qu'il n'était pas en mesure de se déplacer avant le lendemain mais qu'il ne souhaitait pas pour autant se faire aider ou dessaisir au profit d'autres confrères. Dans ces circonstances, et à supposer que l'intéressé ait effectivement sollicité le concours d'un avocat, l'absence de ce dernier, nullement imputable à l'administration, ne faisait pas obstacle à ce que l'entretien soit valablement mené. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 723-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La zone d'attente est délimitée par l'autorité administrative compétente. Elle s'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes (...) La zone d'attente s'étend, sans qu'il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l'étranger doit se rendre soit dans le cadre de la procédure en cours (...) ".

10. Si M. B...soutient qu'il a dû quitter la zone d'attente pour se rendre au local où s'est déroulé l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sorte qu'il ne pouvait faire l'objet d'un refus d'entrée sur le territoire national, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 221-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ce local est situé dans la zone d'attente sans qu'il soit nécessaire d'édicter une décision particulière. En outre, M. B...ne peut utilement se prévaloir à ce titre des articles L. 221-3 et L. 224-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquels concernent respectivement la durée de validité d'une décision de maintien en zone d'attente et le délai dans lequel doit intervenir la décision de transfert.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de refuser l'entrée en France à un étranger qui se présente à la frontière et demande à bénéficier du droit d'asile ne peut être prise par le ministre chargé de l'immigration que si : (...) 3° Ou la demande d'asile est manifestement infondée. Constitue une demande d'asile manifestement infondée une demande qui, au regard des déclarations faites par l'étranger et des documents le cas échéant produits, est manifestement dénuée de pertinence au regard des conditions d'octroi de l'asile ou manifestement dépourvue de toute crédibilité en ce qui concerne le risque de persécutions ou d'atteintes graves (...) ".

12. M. B...semble contester le caractère manifestement infondé de sa demande d'asile. Cependant, d'une part, M. B...ne produit aucune pièce au soutien de son récit, au demeurant peu précis, des risques qu'il encourt suite à son placement en détention provisoire pendant 6 mois à cause d'une dénonciation mensongère de son ancien patron, et, d'autre part, les articles de presse produits afférents au retour des demandeurs d'asile au Sri Lanka ne font pas mention de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés recensent de tels traitements au cours des années 2015, 2016 et 2017, aucun élément ne permet de supposer que M. B...risque d'être personnellement exposé à de tels traitements. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 213-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation de M. B...ne peuvent être accueillis.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur du 7 février 2019. Par voie de conséquence, les conclusions de M. B...tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au ministre des Outre-mer et au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 24 juin 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 juin 2019.

Le rapporteur,

Paul-André A...

Le président,

Marianne Pouget Le greffier,

Florence Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

No1900944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre bis - (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 19BX00944
Date de la décision : 28/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-01-01


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SANDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-06-28;19bx00944 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award