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27/08/2019 | FRANCE | N°18BX04085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 août 2019, 18BX04085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801895 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2018, M. C..., r

eprésenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2018 par lequel le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801895 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2018, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 octobre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Deux-Sèvres du 10 juillet 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Deux-Sèvres de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le mémoire en défense du préfet des Deux-Sèvres n'a pas été communiqué alors que le jugement se fonde sur des éléments contenus dans ce mémoire.

Par ordonnance du 27 décembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Béatrice Molina-Andréo pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud, premier-conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 11 septembre 1984, déclare être entré irrégulièrement en France le 3 décembre 2016 afin de déposer une demande d'asile, qui a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 18 janvier 2018. Pendant l'instruction de cette demande d'asile, il a déposé, le 11 août 2017, une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 10 juillet 2018, le préfet des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 30 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'une ordonnance a fixé la clôture de l'instruction au 10 septembre 2018 à midi. Or un bordereau de production de pièces et un mémoire en défense du préfet des Deux-Sèvres ont été enregistrés au greffe du tribunal respectivement le 25 septembre 2018 et le 8 octobre 2018. Si le tribunal administratif était fondé, après avoir pris connaissance de ce bordereau et de ce mémoire et les avoir visés, à ne pas le communiquer dès lors qu'il ne se fondait pas sur les éléments qui y étaient contenus, il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal a pris en compte les observations et les pièces produites par le préfet des Deux-Sèvres, notamment l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dont le tribunal avait sollicité la production. Par suite, le jugement attaqué, qui n'a pas respecté les exigences du débat contradictoire, a été pris au terme d'une procédure irrégulière et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 10 juillet 2018 :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

5. M. C... se prévaut de ce que la faute dans le nom de Mme B..., directrice de cabinet du préfet des Deux-Sèvres, permet de douter de la véritable identité du signataire et par conséquence de sa compétence. Toutefois, une simple erreur de plume, pour regrettable qu'elle soit, ne saurait, à elle seule, de nature à remettre en doute sérieusement l'identité du signataire de cet arrêté. Dès lors qu'il est constant que Mme B... était habilité à signer l'arrêté litigieux, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, M. C... semble soutenir que le préfet des Deux-Sèvres n'a pas sérieusement examiné sa situation comme en atteste la mention de l'Arménie dans l'arrêté alors qu'il est originaire de Géorgie. Toutefois, l'arrêté litigieux détaille la situation de l'intéressé et rappelle qu'il est né en Géorgie et qu'il est de nationalité géorgienne. Dès lors, la mention isolée de l'Arménie comme pays où le traitement requis par l'état de santé de M. C... serait disponible alors qu'il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que la disponibilité du traitement a été examinée en Géorgie, relève manifestement de l'erreur de plume. En outre, il ressort de la motivation de l'arrêté, non stéréotypée, que le préfet des Deux-Sèvres a procédé à un examen sérieux de sa situation.

7. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'un refus de titre de séjour, cette décision n'impliquant pas par elle-même un éloignement vers un pays déterminé.

8. En troisième lieu, aux termes l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

9. Selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 2 juillet 2018, l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médical dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il est spécifié qu'un traitement approprié est disponible dans son pays d'origine et que son état de santé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour infirmer cet avis, M. C... produit deux fiches générales d'information sur le coût de ses médicaments en France, le PEGASYS et le TENOFOVIR DISOPROXIL ainsi qu' un rapport et un article de presse. Toutefois, aucun de ces documents ne traite de l'existence et de l'accès au traitement requis par l'état de santé de M. C.... Si M. C... se réfère à un rapport de visite de l'organisation Médecins du monde datant de 2012 sur le coût du traitement contre le virus de l'hépatite C alors qu'il est atteint par le virus de l'hépatite B, ce rapport ancien, qui n'est pas produit, ne peut être utilement invoqué en l'espèce puisqu'il ne concerne pas la pathologie dont souffre M. C.... Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant refus d'un titre de séjour sur laquelle elle se fonde.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

12. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 9 du présent arrêt que M. C... ne démontre pas qu'il ne pourra bénéficier de soins appropriés à son état de santé en Géorgie. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation doit être écarté pour ces mêmes motifs.

13. En troisième lieu, si le requérant se prévaut de ce que l'obligation de quitter le territoire français ne peut se justifier par la protection de l'intérêt public, il ne ressort nullement des termes de l'arrêté que le préfet se serait fondé sur un tel motif.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.

15. En second lieu, M. C... semble reprendre à l'encontre de cette décision, les moyens tirés de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du 10° de l'article L. 511-4 de ce code et de l'erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés pour les motifs énoncés précédemment.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant refus d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et fixant le pays de destination contenues dans l'arrêté du 10 juillet 2018 du préfet des Deux-Sèvres. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801895 du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Poitiers et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'Intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Pouget, président, M. Paul-André Braud, premier-conseiller,

M. David Katz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 août 2019

Le rapporteur,

Paul-André BraudLe président

Marianne Pouget

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 18BX04085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04085
Date de la décision : 27/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme POUGET M.
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : DEVRAINNE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-08-27;18bx04085 ?
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