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01/10/2019 | FRANCE | N°18BX04215

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 18BX04215


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Landes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et d'autre part d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802556 du 26 novembre 2018, le tribu

nal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Pau, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2018 par lequel le préfet des Landes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et d'autre part d'annuler l'arrêté du même jour l'assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1802556 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) avant-dire droit, d'adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'union européenne (CJUE) ;

2

°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 26 novembre 2018 ;

3°) d'annuler ces deux arrêtés du 13 novembre 2018 ;

4°) d'enjoindre au préfet des Landes de statuer sur son admission au séjour au titre de l'asile, sous astreinte ;

5°) d'enjoindre au préfet des Landes de procéder à la suppression de son nom du " fichier SIS " ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2° de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- il y a lieu de poser à titre préjudiciel, à la Cour de Justice de l'Union Européenne, la question de la compatibilité entre les articles 5 de la directive 2008/115, 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui déroge au principe de non-refoulement d'un étranger ayant exprimé des craintes en cas de retour dans son pays d'origine ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas motivée alors que l'article 6 de la directive 2008/115 CE l'exige ;

- il a clairement exprimé le souhait de déposer une demande d'asile en raison de ses engagements politiques et de son orientation sexuelle et le préfet ne pouvait pas légalement refuser d'admettre sa demande ;

- les conséquences de son renvoi dans son pays d'origine sont contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français a été prise alors que le préfet a méconnu son droit à être entendu sur les conséquences de son retour en Mauritanie ; par voie de conséquence son inscription au SIS doit être annulée ;

- la décision fixant le Mali comme pays de renvoi doit être annulée car il est de nationalité mauritanienne et n'est pas admissible au Mali ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas motivée ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale pour avoir été notifiée concomitamment à la décision d'obligation de quitter le territoire français et par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense du 14 février 2019 le préfet des Landes conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. B..., a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 février 2019.

Par ordonnance du 28 décembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 1er mars 2019 à 12 heures.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2018 fixant le pays à destination duquel il sera reconduit sont nouvelles en appel et, par suite irrecevables.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant mauritanien né le 31 décembre 1982, a été interpellé, le 12 novembre 2018 et n'a pas justifié de la régularité de son entrée et de son séjour en France. Par arrêté du 13 novembre 2018, le préfet des Landes l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai, à destination du pays dont il a la nationalité et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par arrêté du même jour, le préfet des Landes a assigné M. B... à résidence. M. B... relève appel du jugement du 26 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur le sol français et d'assignation à résidence.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ".

3. La décision contestée comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui la fonde. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions précitées de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors le moyen selon lequel la décision contestée ne serait pas suffisamment motivée au regard de l'article 6 de la directive 2008/115 CE doit, en tout état de cause, être écarté. En outre, il résulte de cette motivation que, contrairement à ce que soutient l'appelant, le préfet a procédé un examen particulier de sa situation personnelle pour prononcer à son encontre une mesure d'éloignement.

4. En deuxième lieu, M. B... soutient qu'il a été dans l'impossibilité matérielle de solliciter l'asile en France. Toutefois, l'intéressé, a déclaré lors de son audition par les services de la gendarmerie nationale le 12 novembre 2018, être marié et avoir deux enfants en Mauritanie. S'il a évoqué la circonstance que son départ de Mauritanie serait dû à des raisons politiques et personnelles, en raison de son orientation sexuelle, ces allégations n'ont été assorties d'aucun élément circonstancié à leur appui, et M. B... n'a pas manifesté l'intention d'effectuer des démarches en France. Dans ces conditions, M. B..., ne peut-être regardé comme ayant, même implicitement, sollicité le bénéfice de l'asile. Dès lors, il n'y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l'Union Européenne quant à la compatibilité entre l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 18 et 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que l'article 5 de la directive 2008/115, ces dernières dispositions ayant en outre été entièrement transposées en droit interne. Par suite, et en tout état de cause, M. B... n'est pas fondé à demander à la Cour d'annuler la décision d'obligation de quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, M. B... a été auditionné le 12 novembre 2018 et a été informé, préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, de la possibilité qu'une telle mesure soit prise à son encontre, et invité à présenter ses observations sur ce point. Il a ainsi pu être entendu sur l'irrégularité de son séjour et sur la perspective de son éloignement. Il n'est par suite, pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu, conformément au principe général du droit de l'Union européenne énoncé notamment à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

6. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux conditions d'entrée et de séjour en France de M. B..., que le préfet aurait entaché la décision l'obligeant à quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision de signalement au fichier SIS et d'interdiction de retour sur le territoire français :

7. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, dans l'hypothèse du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , ou dans son principe et dans sa durée, dans l'hypothèse du quatrième alinéa du III de cet article, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

9. En l'espèce, en visant le III de l'article L. 511-1 et en édictant dans ce même arrêté une obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet des Landes a indiqué qu'il se trouvait dans l'un des cas du premier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, l'arrêté précise que sa présence sur le territoire est récente, qu'il est marié et a deux enfants en Mauritanie. La décision contestée d'interdiction de retour sur le territoire français est ainsi suffisamment motivée au regard des critères prévus aux dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des termes de l'arrêté contesté du 13 novembre 2018 que M. B... ne justifie d'aucune circonstance humanitaire faisant obstacle au prononcé d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

10. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. (...) ".

11. Contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet des Landes, après avoir décidé d'interdire le territoire français à l'intéressé, n'a commis aucune erreur de droit en l'informant qu'il allait faire l'objet d'un signalement dans le système d'Information Schengen.

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :

12. La décision d'assignation à résidence, prise en application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est fondée sur le 5° du I, à savoir une obligation de quitter le territoire français prise sans qu'un délai pour quitter le territoire ait été accordé, qui est l'un des cas permettant cette assignation. Par suite, le moyen tiré de ce qu'une telle assignation ne peut être concomitante avec une obligation de quitter le territoire manque en droit.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :

13. Il ressort de la requête introductive d'instance de M. B... enregistrée le 14 novembre 2018 au greffe du tribunal administratif de Pau que ses conclusions à fin d'annulation étaient exclusivement dirigées contre les décisions d'obligation de quitter le territoire français, d'interdiction de retour sur celui-ci et contre la décision d'assignation à résidence. Les conclusions à fin d'annulation de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit constituent des conclusions nouvelles en appel. Par suite ces conclusions doivent être rejetées comme irrecevables.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Le présent arrêt, qui confirme le rejet des conclusions de la demande de M. B... dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français, l'assignation à résidence, et l'interdiction de retour sur le territoire français n'appelle pas de mesures d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce que de telles mesures soient prescrites sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

16. Il n'y a pas lieu, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le requérant demande sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet des Landes.

Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme C... E..., présidente-assesseure,

Mme Deborah De Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

La rapporteure,

Fabienne E... Le président,

Dominique Naves Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX04215


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX04215
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : HARDOUIN LAURENCE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-01;18bx04215 ?
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