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17/10/2019 | FRANCE | N°19BX01177

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 17 octobre 2019, 19BX01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801953 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enre

gistrée le 19 mars 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1801953 du 19 février 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté à cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 mars 2019, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 mars 2018 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour avec la mention " salarié " dès la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif est insuffisamment motivé s'agissant du rejet du moyen tiré de l'absence d'avis produit par les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ; les premiers juges ont par ailleurs omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle ; cette décision est entachée d'un vice de procédure en l'absence d'avis émis par les services de la DIRECCTE ; elle méconnaît l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation compte tenu de son insertion professionnelle ; le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juin 2019, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 2 mai 2019.

Par ordonnance du 15 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2019 à 12:00.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations conclu entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 16 juin 1981 à Tataouine (Tunisie), est entré régulièrement en France le 25 juin 2006, sous couvert d'un visa de douze jours, valable du 16 juin 2006 au 13 juillet 2006. A l'expiration de celui-ci, il s'est maintenu sur le territoire et a sollicité, le 18 juillet 2014, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 29 avril 2015, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Le recours qu'il a formé à l'encontre de cet arrêté a été rejeté le 30 septembre 2015 par le tribunal administratif de Toulouse. L'intéressé, qui a quitté le territoire français en exécution de ce jugement, est revenu en France le 2 novembre 2015, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de long séjour " vie privée et familiale " et valant titre de séjour du 22 octobre 2015 au 22 octobre 2016, en raison du mariage contracté en France le 17 juillet 2015 avec une ressortissante française. Il en a demandé le renouvellement le 6 novembre 2016. Toutefois, la communauté de vie avec son épouse ayant cessé, il a sollicité un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 29 mars 2018, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination d'une éventuelle mesure d'éloignement forcé. M. B... relève appel du jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges, en indiquant que, compte tenu de la situation irrégulière dans laquelle se trouvait M. B..., il n'incombait pas au préfet de la Haute-Garonne de saisir les services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, ont répondu de manière suffisamment motivée au moyen tiré du vice de procédure tenant à l'absence d'avis émis par les services de la DIRECCTE. Par ailleurs, le tribunal administratif, qui contrairement à ce que soutient M. B..., n'a pas fondé le rejet du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur la situation de l'emploi dans le département, a suffisamment répondu à ce moyen comme cela ressort des motifs développés au point 6 de son jugement. Enfin, il a, au point 4 du jugement, répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé du 17 mars 1988.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord./ Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention "salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ". Ces dispositions s'appliquent aux ressortissants tunisiens désireux d'obtenir le titre de séjour portant la mention " salarié " prévu par le premier alinéa de l'article 3 précité de l'accord du 17 mars 1988 modifié.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... ne remplissait pas l'un des critères imposés par les dispositions précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien et la législation française applicable à sa demande, dès lors, notamment, qu'il n'était pas en possession d'un visa de long séjour mais était au contraire en situation irrégulière au moment de sa demande. Par suite, d'une part il ne saurait utilement soutenir que c'est à tort que le préfet n'a pas suivi la procédure décrite aux articles R. 5221-3 et suivants du code du travail et n'a pas fait instruire sa demande d'autorisation de travail par les services compétents et, d'autre part, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ne peut être accueilli.

6. En troisième lieu, à la date de sa demande, M. B... n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et devait, par suite, être regardé comme sollicitant la délivrance d'un premier titre de séjour. Dans ces conditions, et dans la mesure où M. B... n'a pu produire, à l'appui de sa demande, le visa de long séjour exigé par les dispositions précitées de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, il ne peut se prévaloir des stipulations de l'Annexe 1 au Protocole d'accord du 28 avril 2008 susvisé.

7. Alors même qu'un étranger ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour, le préfet peut apprécier, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, l'opportunité d'une mesure de régularisation, ce qu'il a d'ailleurs fait. En refusant de régulariser la situation de M. B... à titre discrétionnaire, aux motifs que celui-ci s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français pendant huit ans avant de solliciter un titre de séjour, et exerce son activité, sans y être autorisé, dans un domaine où la situation de l'emploi ne le permettait pas compte tenu qu'il n'existait, au premier semestre 2017, que 110 offres d'emploi pour 253 demandeurs d'emploi, et lors que le requérant ne justifie pas ni même n'allègue que cette situation aurait évolué en sa faveur à la date du refus opposé, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.

8. En quatrième lieu, M. B... soutient que le préfet de la Haute-Garonne a méconnu l'étendue de sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser sa situation. Outre que le préfet n'est jamais tenu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour régulariser la situation d'un étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire national, il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet de la Haute-Garonne a effectivement, en l'espèce, examiné la possibilité de régulariser la situation de M. B... dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ainsi que le révèle aussi la motivation de l'arrêté en litige. Aussi, le moyen ne peut-il être accueilli.

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour serait entachée d'illégalité.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus du titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas de mention spécifique, dès lors que, comme c'est le cas en l'espèce, ainsi qu'exposé au point 3, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l'assortir d'une mesure d'éloignement ont été rappelées. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectiFranceFrance au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

12. La majeure partie du séjour en France s'est effectué dans des conditions irrégulières. Les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'il y disposerait d'attaches stables et solides. Il est à cet égard séparé de son épouse et sans enfants, et a vécu la plus grande partie de sa vie en Tunisie où il dispose encore d'attaches familiales. Par suite, et nonobstant l'exercice en France d'une activité de boulanger depuis le mois de décembre 2016, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas, en prenant la décision en litige, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'a, ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 29 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

Mme C... D..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2019.

Le rapporteur,

Sylvie D...Le président,

Philippe Pouzoulet La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX01177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01177
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : OUDDIZ-NAKACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-17;19bx01177 ?
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