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29/10/2019 | FRANCE | N°18BX02883

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 29 octobre 2019, 18BX02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée d'exploitation du Camping l'Hermitage et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 11 mai 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lacanau a approuvé son plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1702995 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 20 juillet 2018, le 24 janv

ier 2019 et le 24 juillet 2019, la société Camping l'Hermitage et M. C... D..., représentés par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée d'exploitation du Camping l'Hermitage et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 11 mai 2017 par laquelle le conseil municipal de la commune de Lacanau a approuvé son plan local d'urbanisme.

Par un jugement n° 1702995 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 20 juillet 2018, le 24 janvier 2019 et le 24 juillet 2019, la société Camping l'Hermitage et M. C... D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1702995 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler la délibération du 11 mai 2017 en tant qu'elle classe la parcelle n° 66 en zone naturelle ;

3°) d'enjoindre à la commune de Lacanau, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 60 euros par jour de retard, de reclasser la parcelle n° 66 en zone UK ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Lacanau la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de la délibération attaquée, que :

- les règles de publicité définies aux articles R. 153-20 et R. 153-21 du code de l'urbanisme n'ont pas été mises en oeuvre s'agissant de la délibération du 10 octobre 2003, prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme, et de la délibération du 11 mai 2017, approuvant ledit plan ;

- les élus n'ont pas été convoqués à la séance du 11 mai 2017 ; leur droit à information préalable n'a pas été respecté ; les dispositions des articles L. 2121-3 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées ;

- la commune de Lacanau n'a nullement pris en compte les réserves du commissaire-enquêteur.

Ils soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne de la délibération attaquée, que :

- le classement en zone naturelle du camping de l'Hermitage est entaché d'erreur manifeste d'appréciation car sa parcelle d'implantation se situe dans le prolongement d'une zone urbaine ; elle s'intègre dans le cadre urbanisé du lieu-dit du Moutchic ;

- le classement en zone naturelle du camping de l'Hermitage est incohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables visant notamment à développer dans la commune les activités économiques et touristiques ; ce classement va ainsi empêcher tout développement touristique du camping à l'avenir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 octobre 2018 et le 19 juillet 2019, la commune de Lacanau, représentée par Me H..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge de chacun des requérants le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement, à ce que la cour prononce un sursis à statuer afin de permettre la régularisation des éventuelles irrégularités du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que :

- la société Camping de l'Hermitage ne justifie pas de son intérêt à agir ;

- les moyens invoqués par les requérants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 novembre 2018, la date au-delà de laquelle aucun moyen nouveau ne peut être invoqué en application de l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative a été fixée au 28 janvier 2019 à 12h00.

Par ordonnance du 24 juin 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 26 juillet 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... B...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Camping l'Hermitage et M. C... D..., et de Me F..., représentant la commune de Lacanau.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 10 octobre 2003, le conseil municipal de Lacanau a prescrit la révision de son plan d'occupation des sols, sa transformation en plan local d'urbanisme et a défini les modalités de la concertation associée à cette procédure. Après l'enquête publique, qui s'est déroulée du 16 janvier au 1er mars 2017, le conseil municipal de Lacanau a approuvé le plan local d'urbanisme par une délibération du 11 mai 2017. La société Camping l'Hermitage, qui exploite à Lacanau un établissement de camping, et M. D..., propriétaire de la parcelle n° 66 contiguë au camping, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 11 mai 2017. Ils relèvent appel du jugement rendu le 24 mai 2018 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la légalité de la délibération du 11 mai 2017 :

En ce qui concerne l'absence de publicité de la délibération du 10 octobre 2003 :

2. A l'appui de leur moyen tiré de ce que la délibération du 10 octobre 2003, prescrivant l'élaboration du plan local d'urbanisme et fixant les objectifs et les modalités de la concertation, n'aurait pas fait l'objet des mesures de publicité prescrites par les articles R. 153-20 et R. 153-21 du code de l'urbanisme, les requérants ne se prévalent devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à leur argumentation devant les premiers juges. Par suite, leur moyen doit être écarté par adoption des motifs pertinents des premiers juges.

En ce qui concerne l'information des conseillers municipaux :

3. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, au domicile des conseillers municipaux ou, s'ils en font la demande, envoyée à une autre adresse ou transmise de manière dématérialisée ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la lettre de convocation à la séance du conseil municipal du 11 mai 2017 a été adressée aux conseillers municipaux par courriel du 5 mai 2017. Le courriel de convocation comporte une mention selon laquelle le dossier de la réunion est à la disposition des conseillers municipaux " dans leur casiers " ainsi qu'un lien permettant à ses destinataires de télécharger ledit dossier, la commune produisant en outre la note explicative de synthèse de 48 pages présentant le bilan de l'enquête publique et les modifications apportées au plan à l'issue de ladite enquête. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les éléments mis ainsi à la disposition des conseillers municipaux n'auraient pas assuré le droit à l'information de ces derniers dans des conditions satisfaisantes. Enfin, les mentions contenues dans l'extrait du registre de la délibération montrent que 23 des 27 conseillers municipaux en exercice étaient présents à la séance du 11 mai 2017, deux étaient excusés mais avaient donné procuration et deux seulement étaient absents.

5. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les conseillers municipaux n'ont pas été convoqués en temps utile pour la réunion du 11 mai 2017 ni qu'ils n'auraient pas été destinataires des éléments nécessaires à leur information. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.

En ce qui concerne les réserves du commissaire-enquêteur :

6. Aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ".

7. Il ne résulte ni de ces dispositions, ni d'aucun autre texte législatif ou réglementaire inclus notamment dans le code de l'environnement, que l'autorité approuvant le plan local d'urbanisme serait tenue de suivre l'avis du commissaire-enquêteur ou devrait indiquer les raisons pour lesquelles, le cas échéant, elle s'écarte de cet avis, en levant expressément les réserves dont il était assorti. Par suite, le moyen tiré de ce que le conseil municipal a adopté la délibération en litige sans lever au préalable les réserves du commissaire enquêteur ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne l'absence de publicité de la délibération du 11 mai 2017 :

8. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les conditions de publicité de la délibération attaquée sont sans incidence sur sa légalité.

En ce qui concerne le zonage retenu :

9. Aux termes de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. Il peut prendre en compte les spécificités des anciennes communes, notamment paysagères, architecturales, patrimoniales et environnementales, lorsqu'il existe une ou plusieurs communes nouvelles. ". Aux termes de l'article L.151-8 dudit code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

10. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

11. La parcelle n° 66, qui est contiguë au camping exploitée par la société requérante, a été classée par le plan local d'urbanisme approuvé en secteur Nk défini par le règlement comme " correspondant aux campings non contigus aux agglomérations de Lacanau Ville/Le Huga-Lacanau Océan et village du Moutchic (Nord de Marina de Talaris, Les Pellegrins) ". Un tel classement n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire la poursuite de l'exploitation du camping existant et la seule circonstance qu'il fasse obstacle à un projet d'extension de cet établissement sur la parcelle n° 66 ne révèle pas l'incohérence du zonage litigieux au regard de l'objectif du projet d'aménagement et de développement durables visant à soutenir les activités économiques et touristiques existantes. Il convient de souligner à cet égard que ce document poursuit d'autres objectifs tels que la préservation et la valorisation du patrimoine naturel, la remise en état des continuités écologiques à la réalisation desquels le classement litigieux contribue dès lors qu'il porte sur une parcelle qui s'ouvre sur une vaste zone naturelle et boisée. Par suite, le moyen tiré de l'incohérence du classement Nk de la parcelle n° 66 avec le projet d'aménagement et de développement durables doit être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme applicable en l'espèce, conformément à l'article 12 du décret n°2015-1783 du 28 décembre 2015 : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels. ". Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dans lesquelles les constructions peuvent être limitées ou interdites. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle se livrent les auteurs d'un plan local d'urbanisme lorsqu'ils entendent soustraire pour l'avenir des parcelles à l'urbanisation ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts ou si elle est entachée d'erreur manifeste.

13. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle n° 66 est boisée et s'ouvre côté nord sur un large massif forestier. Elle se situe à l'écart de la zone agglomérée du Moutchic. Compte tenu de ses caractéristiques et de sa localisation, la parcelle en cause pouvait, sans erreur manifeste d'appréciation des auteurs du plan local d'urbanisme, être classée en zone naturelle Nk.

14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dernières dispositions en mettant à la charge des requérants la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Lacanau et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX02883 présentée par la société du Camping de l'Hermitage et M. C... D... est rejetée.

Article 2 : La société du Camping de l'Hermitage et M. C... D..., pris ensemble, verseront à la commune de Lacanau la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation du Camping l'Hermitage, à M. C... D... et à la commune de Lacanau.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. G... B..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 octobre 2019.

Le rapporteur,

Frédéric B...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 18BX02883


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02883
Date de la décision : 29/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CAZAMAJOUR et URBANLAW

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-10-29;18bx02883 ?
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