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07/11/2019 | FRANCE | N°18BX00624

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 07 novembre 2019, 18BX00624


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme J... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du conseil municipal de Poitiers du 5 décembre 2016 et la décision du 14 février 2017 par laquelle le maire de Poitiers a rejeté leur recours gracieux exercé contre cette délibération.

Par un jugement n° 1701015 du 13 décembre 2017, le tribunal

administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme J... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du conseil municipal de Poitiers du 5 décembre 2016 et la décision du 14 février 2017 par laquelle le maire de Poitiers a rejeté leur recours gracieux exercé contre cette délibération.

Par un jugement n° 1701015 du 13 décembre 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 février 2018 et 4 juin 2019, l'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme J... et M. H... E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 décembre 2017 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Poitiers du 5 décembre 2016 et la décision du 14 février 2017 par laquelle le maire de Poitiers a rejeté leur recours gracieux exercé contre cette délibération ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Poitiers le paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à laquelle s'ajoute la somme de 1 560 euros.

Ils soutiennent que :

- la délibération litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article 2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles, en l'absence d'autorisation préalable du ministre de la culture, l'autorisation donnée le 14 février 2014, qui visait à régulariser une décision ultérieurement annulée, ne pouvant tenir lieu d'autorisation préalable à la délibération du 5 décembre 2016 ;

- la délibération litigieuse méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, dès lors que la note de synthèse adressée aux conseillers municipaux n'apportait pas une information suffisante, notamment en ne mentionnant pas la vente des deux commerces présents dans l'immeuble et le montant des recettes jusqu'alors perçues par la commune, l'avis défavorable rendu par la commission saisie par le ministre de la culture ainsi que le coût des aménagements à réaliser par la commune pour la partie des locaux conservés en vue de réaliser un espace public à vocation culturelle ;

- l'évaluation de la valeur vénale de l'immeuble qui présente un caractère spécifique est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2018, la commune de Poitiers, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce qu'il soit mis à la charge des appelants le paiement de la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête qui se borne à reprendre l'argumentation développée devant les premiers juges est irrecevable ;

- les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public,

- et les observations de Mme G..., représentant l'Association collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers, et les observations de Me C..., représentant la commune de Poitiers.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 5 décembre 2016, le conseil municipal de Poitiers (Vienne) a, d'une part, constaté la désaffectation de certaines parties de l'immeuble situé 1 place du maréchal Leclerc dont elle est propriétaire, ancien théâtre construit dans les années 1950, et prononcé leur déclassement, d'autre part, autorisé la cession de ces parties pour un montant de 510 000 euros et inscrit cette recette au budget principal de la ville et, enfin, autorisé le maire ou son représentant à signer le compromis de vente, l'état descriptif de division en volumes à réaliser ainsi que tout document à intervenir. L'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme J... et M. H... E... relèvent appel du jugement du 13 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de la décision de rejet du 14 février 2017 du recours gracieux qu'ils ont exercé à son encontre.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1, qui n'est plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ". L'article 2 de l'ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles prévoit que : " (...) Aucune salle de spectacles publics spécialement aménagée de façon permanente pour y donner des concerts, des spectacles de variétés ou des représentations d'art dramatique, lyrique ou chorégraphique ne peut recevoir une autre affectation ni être démolie sans que le propriétaire ou l'usager ait obtenu l'autorisation du ministre chargé de la culture. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que préalablement à la délibération litigieuse, laquelle autorise la cession de parties de l'immeuble à des conditions définies dans un avis d'appel à projet prévoyant un changement d'affectation du bien, le ministre de la culture a donné, le 14 février 2014, l'autorisation requise par les dispositions précitées de l'ordonnance du 13 octobre 1945. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne résulte d'aucune disposition légale que cette autorisation de désaffectation de l'ancienne salle de spectacles serait devenue caduque au 5 décembre 2016, date de la délibération litigieuse. Par ailleurs, les appelants ne se prévalent d'aucun changement dans les circonstances de droit ou de fait intervenu depuis la date d'obtention de cette autorisation qui aurait rendu nécessaire une nouvelle autorisation. Le moyen tiré du défaut d'une telle autorisation doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ".

5. Il résulte de ces dispositions que la convocation aux réunions d'un conseil municipal doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux conseillers municipaux d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et d'apprécier les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de solliciter des précisions ou explications conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

6. Il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée aux conseillers municipaux appelés à siéger le 5 décembre 2016 comportait un ordre du jour mentionnant la " cession de l'ancien théâtre " et comprenait une note de synthèse à laquelle étaient joints l'avis du service des domaines et l'autorisation de désaffectation du ministre de la culture. Cette note de synthèse rappelle notamment la consistance du projet de cession de parties du bâtiment pour la réalisation, sur appel à projet, d'un programme mixte de commerces, bureaux et logements ainsi que le prix de cette cession, précisant en particulier que la commune conserve les niveaux R-1 et R-2 de l'immeuble en vue de réaliser un projet culturel dans l'espace correspondant à l'ancienne salle de spectacle, ainsi que les éléments patrimoniaux du hall de l'immeuble. La note de synthèse reprend l'historique du projet, en particulier l'annulation contentieuse, au motif de deux vices de procédure, d'une précédente délibération ayant le même objet qu'il convenait de régulariser selon la " jurisprudence du Conseil d'État du 10 avril 2015 n° 370223 ". Contrairement à ce que soutiennent les appelants, et en tout état de cause, les conseillers municipaux ont pu prendre connaissance des " regrets " exprimés par les membres de la commission chargée d'émettre un avis préalablement à l'autorisation du ministre de la culture qui étaient mentionnés dans cette autorisation, alors au demeurant que cet avis ne liait pas le ministre. Il en a été de même du loyer perçu jusqu'alors par la commune du fait des deux commerces présents dans l'immeuble, mentionné dans l'avis du service des domaines évaluant la valeur vénale des parties cédées. Enfin, la note de synthèse n'avait pas à préciser le coût des travaux de réalisation du projet culturel envisagé par la commune dans les parties conservées de l'immeuble, distinct du projet de cession en cause. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les conseillers municipaux n'auraient pas reçu une information suffisante en méconnaissance des dispositions précitées. Par suite, le moyen doit être écarté comme manquant en fait.

7. En troisième lieu, si les appelants soutiennent que l'évaluation de la valeur vénale des parties cédées de l'immeuble établie par France Domaine le 9 septembre 2013 à la somme de 435 000 euros est sous-estimée au regard notamment du rapport établi le 7 mars 2017 par un expert immobilier ayant retenu une fourchette de prix comprise entre 540 000 et 740 000 euros, il ressort des pièces du dossier que le prix de la cession retenue par la délibération litigieuse est de 510 000 euros, montant supérieur à l'estimation de France Domaine et proche de la fourchette basse retenue par l'expert alors que, d'une part, ce dernier n'a pas visité les locaux dont l'état d'entretien pris en compte par France Domaine est décrit comme " passable voire médiocre " et, d'autre part, le contexte où seules deux candidatures à l'acquisition avaient été présentées, dont une seule conforme au cahier de charges, était peu favorable au vendeur, eu égard à la spécificité du projet à mettre en oeuvre pour réhabiliter le bien cédé, ainsi d'ailleurs que l'a indiqué l'expert sous forme de réserve à son évaluation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'évaluation du prix de la cession serait erronée doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Poitiers, que l'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme I... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Poitiers, qui n'est pas partie perdante à l'instance, la somme que demande les appelants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

10. Il y a lieu, en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", de l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, de Mme I... et de M. E..., parties perdantes à l'instance, la somme globale de 1 000 euros que demande la commune de Poitiers au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête est rejetée.

Article 2 : L'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", l'association pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, Mme I... et M. E... verseront à la commune de Poitiers la somme globale de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Collectif de défense de l'ancien théâtre de Poitiers ", représentant unique, pour l'ensemble des requérants et à la commune de Poitiers.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. D... B..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 novembre 2019.

Le rapporteur,

Didier B...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00624


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00624
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Arts et lettres - Théâtre.

Domaine - Domaine public - Régime - Déclassement.

Domaine - Domaine privé - Contentieux - Compétence de la juridiction administrative - Contentieux de l'aliénation.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP SEBAN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-07;18bx00624 ?
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