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12/11/2019 | FRANCE | N°17BX03103

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 12 novembre 2019, 17BX03103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 mai 2014 de la société Orange refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'il a subi le 15 octobre 2013, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à la société Orange de le rétablir sans délai dans ses droits au régime de l'accident de service à compter du 15 octobre 2013.

Par un jugement n° 1403833 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif d

e Toulouse a annulé les décisions contestées et a enjoint à la société Orange de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 15 mai 2014 de la société Orange refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident qu'il a subi le 15 octobre 2013, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et d'enjoindre à la société Orange de le rétablir sans délai dans ses droits au régime de l'accident de service à compter du 15 octobre 2013.

Par un jugement n° 1403833 du 6 juillet 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les décisions contestées et a enjoint à la société Orange de reconnaître à M. F... le bénéfice du régime des accidents de service pour l'accident survenu le 15 octobre 2013, dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 septembre 2017 et 27 mars 2019, la société Orange, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 juillet 2017 ;

2°) à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle expertise.

Elle soutient que :

- l'entretien du 15 octobre 2013 n'a pas constitué un accident de service dès lors qu'aucune attestation ne démontre que M. F... aurait été ému par les propos tenus lors de cette réunion ; les faits ne peuvent être qualifiés d'évènement soudain et violent dès lors que l'intéressé n'a manifesté aucune émotion et que l'entretien a continué pendant 2 heures ;

- M. F... avait des antécédents de pathologie cardiaque et Orange a toujours veillé à le soutenir.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 novembre 2017, 8 mars 2019 et 9 avril 2019, M. F..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le rapport de l'expert désigné par ordonnance n°1403837 du 1er octobre 2014 du président du tribunal administratif de Toulouse.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., est fonctionnaire de la société Orange, employé depuis le 1er avril 2011 en qualité de Business Developper à l'unité agence entreprises Sud-Ouest Méditerranée Vente. Par courrier du 21 décembre 2013, il a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu, dans les locaux de l'entreprise, lors d'un entretien avec deux représentants de la " mission nationale de soutien et de médiation " de la société le 15 octobre 2013. Le 17 avril 2014, la commission de réforme a émis un avis favorable à la reconnaissance d'un accident de service. Cependant par une décision du 15 mai 2014, la société Orange a rejeté la demande de M. F... au motif que l'accident dont il s'estimait victime n'était pas matériellement établi. L'absence de réponse au recours gracieux de M. F... du 28 mai 2014, contre cette décision, a fait naître une décision implicite de rejet. Saisi par M. F..., le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 15 mai 2014 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux et a enjoint à la société Orange de le rétablir dans ses droits au régime de l'accident de service à compter du 15 octobre 2013. La société Orange relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions en annulation :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'état : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dument constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'a mise à la retraite(...) ".

3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel évènement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.

4. Il ressort des pièces du dossier, que M. F... a exercé les fonctions de directeur général adjoint puis directeur général de TVL (Telecom Vanuatu Limited) filiale d'Orange au Vanuatu au sein de la division Africa, Middle East and Asia de 2008 à 2011, période émaillée d'incidents professionnels mettant en cause M. F... et des collaborateurs. Lors de son retour en métropole, M. F... a saisi le défenseur des droits de faits de harcèlement moral en lien avec son état de santé. Dans le cadre d'une enquête, il a été reçu le 15 octobre 2013, sur son lieu et pendant le temps de travail, par un membre de la " mission nationale de soutien et de médiation " de la société Orange et un responsable " accompagnement et soutien " de la même société. A cette occasion, il a été fait lecture à M. F..., qui en ignorait l'existence, d'un courrier du proviseur du lycée français de Port Vila (Vanuatu) fréquenté par ses deux enfants, dans lequel il était dénoncé un harcèlement que M. F... aurait commis sur une enseignante. La société Orange soutient que cette lecture ne peut être regardée comme un " accident " dès lors que M. F... a nié cet évènement mais n'a pas manifesté de malaise ou de nervosité particulière. Toutefois, il ressort de l'expertise médicale et de l'attestation du représentant syndical qui l'accompagnait, que l'intéressé a été " abasourdi, écrasé " et s'est effondré en larmes. L'expert désigné par le tribunal, indique d'ailleurs que, compte tenu de l'attestation du médecin traitant qui l'a reçu en consultation le 17 octobre 2013 et l'a décrit comme " effondré, complètement brisé par un évènement survenu lors d'une réunion professionnelle le 15 octobre 2013 ", M. F... était le 15 octobre 2013 dans un état de sidération anxieuse liée à l'effraction traumatique des mots vecteurs d'émotions négatives déstructurantes. Le 17 octobre 2013, M. F... a alors été plongé dans un état confusionnel avec réactivité d'un stress aigu. Dans ces conditions, et ainsi que l'ont décidé les premiers juges, M. F... doit être regardé comme ayant été victime, le 15 octobre 2013, d'un accident survenu sur le lieu et dans le temps de service. Si la société Orange invoque un état antérieur de souffrance psychologique, qui a motivé le placement de M. F... en congé de maladie pour dépression nerveuse entre 2011 et 2012, ces allégations sont contredites par l'expert qui précise que l'intéressé ne présentait pas de troubles psychiatriques antérieurs et que le tableau clinique est typique du stress post-traumatique trouvant totalement ses origines dans un lien de causalité direct avec l'entretien du 15 octobre 2013. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner l'expertise sollicitée par la société Orange, M. F... a bien été victime d'un accident imputable au service et la société Orange n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 15 mai 2014 et la décision implicite de rejet du recours gracieux qui refusait l'imputabilité au service de l'accident subi par M. F....

Sur les frais d'instance :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Orange, une somme de 1 500 euros qu'elle versera à M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Orange est rejetée.

Article 2 : La société Orange versera la somme de 1 500 euros à M. F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Orange et à M. A... F....

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Dominique Naves, président,

Mme D... G..., présidente-assesseure,

Mme Déborah de Paz, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 novembre 2019.

La rapporteure,

Fabienne G... Le président,

Dominique NAVES Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03103
Date de la décision : 12/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Allocation temporaire d'invalidité. Notion d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. NAVES
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : KLOEPFER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-12;17bx03103 ?
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