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14/11/2019 | FRANCE | N°17BX00935,17BX01085

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 14 novembre 2019, 17BX00935,17BX01085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (SMAD) a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest à l'indemniser des conséquences dommageables de la dégradation des colonnes d'exhaure du dispositif de pompage du lac du site de " Cap Découverte " à hauteur d'une somme totale de 1 321 468,54 euros HT en réparation des divers préjudices subis, assortie des intérêts légaux à compter de l'enregistremen

t de la requête et d'ordonner la capitalisation des intérêts, et, à titre subsi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (SMAD) a demandé au tribunal administratif de Toulouse, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest à l'indemniser des conséquences dommageables de la dégradation des colonnes d'exhaure du dispositif de pompage du lac du site de " Cap Découverte " à hauteur d'une somme totale de 1 321 468,54 euros HT en réparation des divers préjudices subis, assortie des intérêts légaux à compter de l'enregistrement de la requête et d'ordonner la capitalisation des intérêts, et, à titre subsidiaire, de condamner son assureur, la société Allianz Iard, à lui verser ladite somme, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation des intérêts et de condamner la société Hydro assistance à lui payer la part non indemnisée par la société Allianz Iard.

Par un jugement n° 1303393 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, condamné les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest, solidairement, à verser au SMAD la somme de 1 183 019,10 euros HT au titre des désordres résultant de l'inondation le 8 novembre 2009 des bâtiments et équipements du site, majorée des intérêts légaux à compter du 18 juillet 2013, eux-mêmes capitalisés à compter du 18 juillet 2014 et à chaque échéance annuelle suivante, et d'autre part, condamné la société Hydro assistance à garantir la société Spie sud-ouest à hauteur de 40 % de la condamnation solidairement prononcée à leur encontre, mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 21 721,38 euros à leur charge définitive et solidaire, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 mars 2017 et le 24 septembre 2018, ainsi qu'une lettre enregistrée le 23 septembre 2019, sous le n° 17BX00935, la société Spie sud-ouest, devenue société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Spie Trindel, représentée par la SCP Salesse et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la condamnation de la société Hydro assistance et de condamner le SMAD et la société Hydro assistance à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, de dire le préjudice allégué par le SMAD infondé et de rejeter ses demandes ;

4°) d'ordonner, le cas échéant, une mesure d'expertise judiciaire pour l'examen des préjudices invoqués ;

5°) de mettre à la charge de tout succombant le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- par ses négligences et défaut d'entretien, le SMAD, doté de services techniques compétents, a commis une faute l'exonérant de toute responsabilité ;

- la société Hydro assistance, qui a assuré le rôle de maître d'oeuvre de l'opération en établissant le CCTP a commis des fautes résultant d'un défaut de suivi et d'un défaut d'information : Hydro assistance ne l'a pas informée de l'inondation du lac et des travaux de remplacement des ouvrages mis en oeuvre par la société Saur, ce qui justifie sa mise hors de cause ;

- les demandes du SMAD sont mal dirigées ; il lui appartient de demander la condamnation de la société Saur, son sous-traitant, chargée des travaux d'équipement du puits d'exhaure de la Grillatié, et responsable du sinistre, sur un fondement délictuel en considération de ses fautes ; elle-même n'est pas intervenue dans le choix des matériaux ni dans la conception de l'installation ;

- elle doit être relevée indemne et garantie de ses condamnations par le SMAD et la société Hydro assistance ;

- le préjudice est infondé : contrairement à l'analyse du tribunal, seul le coût de remplacement des colonnes d'exhaure d'une qualité équivalente aux colonnes existantes pouvait être pris en considération ;

- le SMAD ne démontre pas le lien de causalité entre la corrosion des colonnes d'exhaure et l'inondation du site ; l'inondation du site résulte de l'inertie du SMAD à gérer sa survenue, et à son défaut d'entretien et de surveillance ;

- le montant du préjudice invoqué n'a fait l'objet d'aucune discussion lors des réunions d'expertise ; seul un " tableau estimatif " a été produit au cours des réunions d'expertise ; les frais et factures sont injustifiés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (SMAD), représenté par le cabinet Noray-Espeig, demande à la cour :

À titre principal :

1°) de confirmer le jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest au titre des désordres couverts par la garantie décennale et résultant de l'inondation du 8 novembre 2009 des bâtiments et équipements du site ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest à lui payer la somme de 1 327 191,30 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge in solidum des sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens ;

À titre subsidiaire :

5°) de constater que les conditions de la garantie des désordres subis par le SMAD sont acquises au titre du contrat d'assurance multirisques souscrit auprès de la société Allianz Iard et de condamner cette compagnie à lui payer la somme de 1 327 191,30 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement du recours devant le tribunal administratif et capitalisation des intérêts ;

6°) de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expert a constaté que la dégradation des colonnes d'exhaure a été causée par leur corrosion, résultant d'une inadéquation entre la qualité de l'eau pompée dans le puits, particulièrement agressive, et la nature du métal constituant ces colonnes ;

- l'état de corrosion des colonnes rendait les pompes impropres à leur destination ;

- l'expert a clairement imputé la responsabilité des désordres à la société Hydro assistance, qui s'est vue confier une mission de maîtrise d'oeuvre et qui n'a jamais alerté sur la nécessité de choisir un matériau anticorrosion adapté, sur l'existence d'un risque de corrosion et la nécessité de surveiller l'état de corrosion des colonnes ni sur la nécessité d'installation de dispositifs de contrôle, et à la société Spie sud-ouest, entrepreneur principal, responsable des actions commises par son sous-traitant, la société Saur, au titre de la fourniture et de l'installation du dispositif de pompage ; ce sous-traitant aurait dû prendre en compte le risque de corrosion et alerter le SMAD en temps utile ;

- les préjudices subis sont justifiés par les factures ;

- le tribunal a à tort retenu un abattement de 20 % sur la somme de 419 747,10 euros HT réglée au titre du remplacement des colonnes d'exhaure alors qu'au regard des constats de l'expert, aucun abattement pour plus-value ne devait être appliqué ;

- le montant de 99 671,35 euros HT retenu par le tribunal pour la location de la pompe de surface pour accélérer la décrue doit être confirmé ;

- le coût de remise en état des bâtiments inondés admis par le tribunal à hauteur de la somme totale de 747 550,09 euros HT doit être confirmé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la demande de réparation du préjudice lié au coût des travaux de remise en état liés à des mouvements du sol à hauteur de la somme de 19 500 euros ;

- le coût des travaux de réparation du chauffage et du dispositif de liaisons électroniques s'élève à la somme de 34 645 euros HT pour le remplacement des convecteurs de sol et 6 078,99 euros HT pour le remplacement d'une partie du système de contrôle ;

- le préjudice dans son ensemble s'élève donc à 1 327 191,30 euros HT ;

- à titre subsidiaire, si les désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, la garantie d'Allianz devrait être mobilisée, eu égard à la police d'assurance applicable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 26 novembre 2018, la société Hydro assistance, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de statuer ce que de droit sur sa responsabilité solidaire et sur les demandes du SMAD au titre de la réparation des désordres affectant les colonnes d'exhaure et les frais relatifs au pompage de secours ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Spie sud-ouest à prendre en charge les préjudices liés au coût de remise en état des bâtiments inondés pour un montant de 747 550,07 euros HT ;

3°) de limiter sa responsabilité à hauteur de 10 % de la condamnation à intervenir et de condamner en conséquence la société Spie sud-ouest à la garantir à hauteur de 90 % ;

4°) de statuer selon les mêmes proportions sur la prise en charge des frais d'expertise.

Elle prend acte de la position de l'expert et du tribunal sur la qualité de son intervention (assimilable à de la maîtrise d'oeuvre) et en conséquence, sur l'engagement pour partie de sa responsabilité pour avoir insuffisamment prévenu les conséquences de la qualité physico-chimique de l'eau extraite.

Elle prend acte également de ce que, au titre des causes retenues et validées par l'expert et par le tribunal, du sinistre intervenu (percement par corrosion des colonnes d'exhaure), le droit à réparation du SMAD est entier à hauteur des montants retenus par le tribunal tant en ce qui concerne le remplacement du matériel (335 797,68 euros HT) qu'en ce qui concerne le coût du pompage de secours (99 671 ,35 euros HT).

Elle fait valoir toutefois que :

- compte tenu de la nature de sa prestation et de la répartition des missions entre elle et la société Spie sud-ouest, la part des dommages laissée à sa charge doit être limitée à 10 % ; si elle admet une insuffisante prévention sur la spécificité de la qualité des eaux, en revanche, cette insuffisance est limitée au regard de la responsabilité de la société Spie sud-ouest sur le choix des colonnes d'exhaure et au renvoi par le CCTP à une analyse du faciès physico-chimique des eaux ainsi qu'à la compétence particulière du sous-traitant qui avait déjà été confronté à l'agressivité des eaux d'exhaure ;

- de plus, sa mission était limitée au " suivi des travaux et installation des pompes " qui ne comprend pas directement une mission de surveillance ou de direction ; le suivi renvoie aux pompes et non aux colonnes qui relèvent davantage de la mission du sous-traitant ;

- il ne peut lui être imposé de prendre en charge les préjudices liés au coût de remise en état des bâtiments inondés pour un montant de 747 550,07 euros HT comme l'a fait le tribunal ; l'inondation des bâtiments a uniquement pour cause l'inertie du SMAD et le dysfonctionnement du dispositif de suivi ; c'est à tort que le tribunal a estimé que le temps de réaction du SMAD n'a pas eu d'incidence notable sur l'ampleur du sinistre ; jusqu'au 8 novembre 2009 date de début des inondations des bâtiments une simple information sur la montée anormale des eaux et le dysfonctionnement du système de pompage aurait permis d'empêcher tout préjudice consécutif aux bâtiments ; une solution palliative aurait pu être mise en place entre le 5 octobre 2009 et le 8 novembre suivant pour stopper la montée des eaux et ramener le niveau du lac à son niveau initial en sept jours soit par elle-même soit par une entreprise extérieure telle celle qu'elle a sollicitée à titre informatif et qui propose un devis pour une solution palliative d'un montant de 57 691,59 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2018, la société Allianz Iard, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation de la condamnation in solidum des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à indemniser le SMAD, à sa mise hors de cause et à ce que soient mis à la charge de tout succombant les dépens et le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la demande en garantie du SMAD au préjudice d'Allianz soit rejetée et à ce que soit fait application des conditions, des limitations et exclusions de garanties prévue par la police d'assurances ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet des prétentions indemnitaires du SMAD, à tout le moins à ce qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer le quantum du préjudice et à ce que soient ramenées à de plus justes proportions les demandes du SMAD, qui ne sauraient excéder la somme de 801 707 euros, à la condamnation in solidum des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à la garantir d'éventuelles condamnations et à ce que soient mis à leur charge in solidum les dépens de l'instance et le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le caractère décennal des désordres ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité exclusive des locateurs d'ouvrage et écarté toute responsabilité du SMAD ;

- le système de régulation et surveillance n'a pas eu d'incidence notable sur le sinistre selon l'expert ; le défaut d'entretien de l'installation n'est pas la cause du dommage et n'est pas une cause exonératoire ;

- la société Spie sud-ouest est responsable des manquements de son sous-traitant ;

- le temps de réaction du syndicat, même à le supposer fautif est étranger au sinistre ainsi que l'a estimé l'expert ;

- à titre subsidiaire, la position du SMAD, qui reconnaît que la garantie de son assureur multirisques n'a pas vocation à s'appliquer en raison d'un sinistre de nature décennale, consiste à rechercher en fait sa garantie en tant qu'assureur responsabilité civile, laquelle n'a pas vocation à s'appliquer ;

- le contrat n'a pas vocation à garantir les désordres de nature décennale ; la garantie est exclue pour une erreur de conception ou de spécification du matériel utilisé ;

- enfin, le sinistre n'est pas garanti au titre de la garantie " dégât des eaux " en l'absence d'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle ; le sinistre ne peut être garanti en l'absence d'un dégât des eaux au sens de la définition contractuelle ; il résulte de cette définition que le sinistre doit être la conséquence des fuites accidentelles d'eau ; la garantie " dommages en chaîne " ne peut être mobilisée, compte tenu de sa définition ; le sinistre n'est pas garanti au titre d'une garantie " pertes indirectes " compte tenu des exclusions de garantie qui exclut un événement " dû à l'usure naturelle ou normale " dès lors qu'en l'espèce, le sinistre est la conséquence de la corrosion des colonnes d'exhaure qui est un phénomène d'usure normal ;

- si, par extraordinaire, la cour retenait la mise en jeu des garanties de la compagnie Allianz il conviendrait d'ordonner une expertise ;

S'agissant de la réparation du préjudice :

- le tribunal aurait dû retenir un abattement en raison de la vétusté pour les travaux de remplacement des colonnes d'exhaure ;

- le coût du pompage de secours n'est pas un préjudice indemnisable car la prestation n'a eu pour objet que d'accélérer la décrue, sans empêcher le sinistre, ni en minimiser les conséquences ;

- le syndicat n'a pas justifié du bien-fondé de ses demandes de remise en état des bâtiments, ni de la matérialité et de l'étendue des désordres et c'est à tort que le tribunal a fait droit à ces demandes ; les factures Ineo ou Semer sont imprécises ; la demande revêt un caractère forfaitaire ; certaines factures de fournitures de matériaux, comme celle concernant la fourniture de sable, ne sont pas justifiées.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril 2017 et le 26 novembre 2018, sous le n° 17BX01085, la société à responsabilité limitée Hydro assistance, représentée par Me B..., demande à la cour:

1°) de statuer ce que de droit sur sa responsabilité solidaire et sur les demandes du SMAD au titre de la réparation des désordres affectant les colonnes d'exhaure et les frais relatifs au pompage de secours ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Spie sud-ouest à prendre en charge les préjudices liés au coût de remise en état des bâtiments inondés pour un montant de 747 550,07 euros HT ;

3°) de limiter sa responsabilité à hauteur de 10 % de la condamnation à intervenir et de condamner en conséquence la société Spie sud-ouest à la garantir à hauteur de 90 % ;

4°) de statuer selon les mêmes proportions sur la prise en charge des frais d'expertise.

Elle prend acte de la position de l'expert et du tribunal sur la qualité de son intervention (assimilable à de la maîtrise d'oeuvre) et en conséquence, sur l'engagement pour partie de sa responsabilité pour avoir insuffisamment prévenu les conséquences de la qualité physico-chimique de l'eau extraite.

Elle prend acte également de ce que, au titre des causes retenues et validées par l'expert et par le tribunal, du sinistre intervenu (percement par corrosion des colonnes d'exhaure), le droit à réparation du SMAD est entier à hauteur des montants retenus par le tribunal tant en ce qui concerne le remplacement du matériel (335 797,68 euros HT) qu'en ce qui concerne le coût du pompage de secours (99 671,35 euros HT).

Elle soutient que :

- compte tenu de la nature de sa prestation et de la répartition des missions entre elle et la société Spie sud-ouest, la part des dommages laissée à sa charge doit être limitée à 10 % ; si elle admet une insuffisante prévention sur la spécificité de la qualité des eaux, en revanche, cette insuffisance est limitée au regard de la responsabilité de Spie sud-ouest sur le choix des colonnes d'exhaure et au renvoi par le CCTP à une analyse du faciès physico-chimique des eaux ainsi qu'à la compétence particulière du sous-traitant qui avait en outre déjà été confronté à l'agressivité des eaux d'exhaure ;

- de plus, sa mission était limitée au " suivi des travaux et installation des pompes " qui ne comprend pas directement une mission de surveillance ou de direction ; le suivi renvoie aux pompes et non aux colonnes qui relèvent davantage de la mission du sous-traitant ;

- il ne peut lui être imposé de prendre en charge les préjudices liés au coût de remise en état des bâtiments inondés pour un montant de 747 550,07 euros HT comme l'a fait le tribunal ; l'inondation des bâtiments a uniquement pour cause l'inertie du SMAD et le dysfonctionnement du dispositif de suivi ; c'est à tort que le tribunal a estimé que le temps de réaction du SMAD n'a pas eu d'incidence notable sur l'ampleur du sinistre ; jusqu'au 8 novembre 2009 date de début des inondations des bâtiments une simple information sur la montée anormale des eaux et le dysfonctionnement du système de pompage aurait permis d'empêcher tout préjudice consécutif aux bâtiments ; une solution palliative aurait pu être mise en place entre le 5 octobre 2009 et le 8 novembre suivant pour stopper la montée des eaux et ramener le niveau du lac à son niveau initial en sept jours soit par elle-même soit par une entreprise extérieure telle celle qu'elle a sollicitée à titre informatif et qui propose un devis pour une solution palliative d'un montant de 57 691,59 euros HT.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2017, le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (SMAD) demande à la cour :

À titre principal :

1°) de confirmer le jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest au titre des désordres couverts par la garantie décennale et résultant de l'inondation du 8 novembre 2009 des bâtiments et équipements du site ;

2°) de condamner in solidum les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest à lui payer la somme de 1 327 191,30 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif ;

3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge in solidum des sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens ;

À titre subsidiaire :

5°) de constater que les conditions de la garantie des désordres subis par le SMAD sont acquises au titre du contrat d'assurance multirisques souscrit auprès de la société Allianz Iard et de condamner cette compagnie à lui payer la somme de 1 327 191,30 euros HT, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête devant le tribunal administratif et capitalisation des intérêts ;

6°) de mettre à la charge de la société Allianz Iard la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'expert a constaté que la dégradation des colonnes d'exhaure a été causée par leur corrosion, résultant d'une inadéquation entre la qualité de l'eau pompée dans le puits, particulièrement agressive et la nature du métal constituant ces colonnes ;

- l'état de corrosion des colonnes rendait les pompes impropres à leur destination ;

- l'expert a clairement imputé la responsabilité des désordres à la société Hydro assistance qui s'est vue confier une mission de maîtrise d'oeuvre et qui n'a jamais alerté sur la nécessité de choisir un matériau anticorrosion adapté, sur l'existence d'un risque de corrosion et la nécessité de surveiller l'état de corrosion des colonnes ni sur la nécessité d'installation de dispositifs de contrôle, et à la société Spie sud-ouest, entrepreneur principal, responsable des actions commises par son sous-traitant, la société Saur, au titre de la fourniture et de l'installation du dispositif de pompage ; ce sous-traitant aurait dû prendre en compte le risque de corrosion et alerter le SMAD en temps utile ;

- les préjudices subis sont justifiés par les factures ;

- le tribunal a, à tort, retenu un abattement de 20 % à la somme de 419 747,10 euros HT réglée au titre du remplacement des colonnes d'exhaure alors qu'au regard des constats de l'expert, aucun abattement pour plus-value ne devait être appliqué ;

- le montant de 99 671,35 euros HT retenu par le tribunal pour la location de la pompe de surface pour accélérer la décrue doit être confirmé ;

- le coût de remise en état des bâtiments inondés admis par le tribunal à hauteur de la somme totale de 747 550,09 euros HT doit être confirmé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la demande de réparation du préjudice lié au coût des travaux de remise en état liés à des mouvements du sol à hauteur de la somme de 19 500 euros ;

- le coût des travaux de réparation du chauffage et du dispositif de liaisons électroniques s'élève à la somme de 34 645 euros HT pour le remplacement des convecteurs de sol et 6 078,99 euros HT pour le remplacement d'une partie du système de contrôle ;

- le préjudice dans son ensemble s'élève donc à 1 327 191,30 euros HT ;

- à titre subsidiaire, si les désordres ne relevaient pas de la garantie décennale, la garantie d'Allianz devrait mobilisée, eu égard à la police d'assurance applicable.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2018, et une lettre, enregistrée le 23 septembre 2019, la société Spie sud-ouest, devenue société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Spie Trindel, représentée par la SCP Salesse et associés, demande à la cour :

1°) à titre principal, de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer la condamnation de la société Hydro assistance et de condamner le SMAD et la société Hydro assistance à la relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) en tout état de cause, de dire le préjudice allégué par le SMAD infondé et de rejeter ses demandes ;

4°) d'ordonner, le cas échéant, une mesure d'expertise judiciaire pour l'examen des préjudices invoqués ;

5°) de mettre à la charge de tout succombant le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- par ses négligences et défaut d'entretien, le SMAD, doté de services techniques compétents, a commis une faute l'exonérant de toute responsabilité ;

- la société Hydro assistance, qui a assuré le rôle de maître d'oeuvre de l'opération en établissant le CCTP, a commis des fautes résultant d'un défaut de suivi et d'un défaut d'information : elle ne l'a pas informée de l'inondation du lac et des travaux de remplacement des ouvrages mis en oeuvre par la société Saur, ce qui justifie sa mise hors de cause ;

- les demandes du SMAD sont mal dirigées ; il lui appartient de demander la condamnation de la société Saur, son sous-traitant, chargée des travaux d'équipement du puits d'exhaure de la Grillatié, et responsable du sinistre, sur un fondement délictuel en considération de ses fautes alors qu'elle-même n'est pas intervenue dans le choix des matériaux ni dans la conception de l'installation ;

- elle doit être relevée indemne et garantie de ses condamnations par le SMAD et la société Hydro assistance ;

- le préjudice est infondé : contrairement à l'analyse du tribunal, seul le coût de remplacement des colonnes d'exhaure d'une qualité équivalente aux colonnes existantes pouvait être pris en considération ; le SMAD ne démontre pas le lien de causalité entre la corrosion des colonnes d'exhaure et l'inondation du site ; l'inondation du site résulte de l'inertie du SMAD à gérer sa survenue, et à son défaut d'entretien et de surveillance ; le montant du préjudice invoqué n'a fait l'objet d'aucune discussion lors des réunions d'expertise ; seul un " tableau estimatif " a été produit au cours des réunions d'expertise ; les frais et factures sont injustifiés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2018, la société Allianz Iard, venant aux droits de la société Gan Eurocourtage, représentée par la SCP Raffin et associés, conclut :

1°) à titre principal, à la confirmation de la condamnation in solidum des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à indemniser le SMAD, à sa mise hors de cause et à ce que soient mis à la charge de tout succombant les dépens et le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, au rejet de la demande en garantie du SMAD au préjudice d'Allianz et à ce que soit fait application des conditions, des limitations et exclusions de garanties prévue par la police d'assurances ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, au rejet des prétentions indemnitaires du SMAD, à tout le moins à ce qu'une expertise soit ordonnée pour déterminer le quantum du préjudice et à ce que soient ramenées à de plus justes proportions les demandes du SMAD, qui ne sauraient excéder la somme de 801 707 euros, à la condamnation in solidum des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à la garantir d'éventuelles condamnations et à ce que soient mis à leur charge in solidum les dépens de l'instance et le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu le caractère décennal des désordres ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité exclusive des locateurs d'ouvrage et écarté toute responsabilité du SMAD ;

- le système de régulation et de surveillance n'a pas eu d'incidence notable sur le sinistre selon l'expert ; le défaut d'entretien de l'installation n'est pas la cause du dommage et n'est pas une cause exonératoire ;

- la société Spie sud-ouest est responsable des manquements de son sous-traitant ;

- le temps de réaction du syndicat, même à le supposer fautif, est étranger au sinistre ainsi que l'a estimé l'expert ;

- à titre subsidiaire, la position du SMAD qui reconnaît que la garantie de son assureur multirisques n'a pas vocation à s'appliquer en raison d'un sinistre de nature décennale, recherche en fait sa garantie en tant qu'assureur responsabilité civile qui n'a pas vocation à s'appliquer ;

- le contrat n'a pas vocation à garantir les désordres de nature décennale ; la garantie est exclue pour une erreur de conception ou de spécification du matériel utilisé ;

- enfin, le sinistre n'est pas garanti au titre de la garantie " dégât des eaux " en l'absence d'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle ; le sinistre ne peut être garanti en l'absence d'un dégât des eaux au sens de la définition contractuelle ; il résulte de cette définition que le sinistre doit être la conséquence des fuites accidentelles d'eau ; la garantie " dommages en chaîne " ne peut être mobilisée, compte tenu de sa définition ; le sinistre n'est pas garanti au titre d'une garantie " pertes indirectes " compte tenu des exclusions de garantie qui excluent un événement " dû à l'usure naturelle ou normale " dès lors qu'en l'espèce le sinistre est la conséquence de la corrosion des colonnes d'exhaure qui est un phénomène d'usure normal ;

- si, par extraordinaire, la cour retenait la mise en jeu des garanties de la compagnie Allianz, il conviendrait d'ordonner une expertise ;

S'agissant de la réparation du préjudice :

- le tribunal aurait dû retenir un abattement en raison de la vétusté pour les travaux de remplacement des colonnes d'exhaure ;

- le coût du pompage de secours n'est pas un préjudice indemnisable car la prestation n'a eu pour objet que d'accélérer la décrue, sans empêcher le sinistre, ni en minimiser les conséquences ;

- le syndicat n'a pas justifié du bien-fondé de ses demandes de remise en état des bâtiments, ni de la matérialité et de l'étendue des désordres et c'est à tort que le tribunal a fait droit à ces demandes ; les factures Ineo ou Semer sont imprécises ; la demande revêt un caractère forfaitaire ; certaines factures de fournitures de matériaux comme celle concernant la fourniture de sable ne sont pas justifiées.

Par ordonnances du 27 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 décembre 2018 à 12 heures dans les deux instances.

Vu les autres pièces de ces deux dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... G...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la société SPIE Sud-Ouest, et de Me C..., représentant le SMAD.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte pour l'aménagement de la Découverte (SMAD) regroupant les communes du bassin minier de Carmaux (81) est propriétaire d'un ensemble de terrains sur lesquels un parc de loisirs dénommé " Cap Découverte " a été créé sur l'emplacement désaffecté d'une ancienne mine de charbon à ciel ouvert. Le lac Sainte Marie, qui occupe le fond du cratère de ce site, est maintenu artificiellement au-dessous de sa cote naturelle par le biais d'un système de pompage placé dans un ancien puits de mine situé à environ trois kilomètres, à Blaye-les-Mines. Dans le cadre d'un marché public de travaux conclu le 8 janvier 2003, le SMAD, qui s'était adjoint les services de la société Hydro assistance, au titre notamment de la rédaction du cahier des charges et du suivi des travaux, a confié, par acte d'engagement du 7 janvier 2003 la fourniture et l'installation du nouveau dispositif de pompage à la société Spie Trindel, devenue Spie sud-ouest laquelle a fait appel, par un contrat de sous-traitance, à la société Saur pour la mise en place des pompes et colonnes d'exhaure. Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 21 juillet 2003. À la suite d'une grave corrosion des colonnes métalliques d'exhaure installées dans l'ancien puits de mine et au sein desquelles remonte l'eau pompée dans la nappe, le lac occupant le fond du site a débordé le 8 novembre 2009 et inondé les aménagements du pôle multi-loisirs de Cap Découverte. Le 19 novembre 2009, le SMAD a déclaré à sa compagnie d'assurance, Gan Eurocourtage, les dommages liés à ce débordement, mais celle-ci lui a opposé un refus de prise en charge des travaux de réfection des installations de pompage estimant que les désordres étaient imputables aux intervenants ayant participé à la conception et à la réalisation de ces installations et devaient, dès lors, être couverts par la garantie décennale. L'expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 2 mai 2011 a déposé son rapport le 25 mai 2013.

2. À la demande du SMAD, le tribunal administratif de Toulouse, par un jugement du 31 janvier 2017, a, d'une part, condamné les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest, solidairement, à lui verser la somme de 1 183 019,10 euros HT au titre des désordres résultant de l'inondation le 8 novembre 2009 des bâtiments et équipements du site, majorée des intérêts légaux à compter du 18 juillet 2013, eux-mêmes capitalisés à compter du 18 juillet 2014 et à chaque échéance annuelle suivante, d'autre part, condamné la société Hydro assistance à garantir la société Spie sud-ouest à hauteur de 40 % de la condamnation solidairement prononcée à leur encontre, mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 21 721,38 euros, à leur charge définitive et solidaire, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

3. Par une requête n° 17BX00935, la société Spie sud-ouest, devenue société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Spie Trindel, demande à la cour, à titre principal, de la mettre hors de cause, subsidiairement, de réformer le jugement du tribunal administratif en tant qu'il a considéré que la responsabilité du SMAD n'était pas engagée et en ce qui concerne l'évaluation du préjudice de ce dernier. Par une requête n° 17BX01085, la société Hydro assistance, demande à la cour, à titre principal, de réformer ce jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement avec la société Spie sud-ouest à réparer le préjudice du SMAD à hauteur de 40 % et en tant que le tribunal a retenu la prise en charge de préjudices liés au coût de remise en état des bâtiments inondés pour un montant de 747 550,07 euros HT.

4. Par la voie de l'appel incident le SMAD demande, dans chacune des deux instances précitées, également la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité la condamnation des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à la somme de 1 183 019,10 euros. La société Gan Eurocourtage aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Allianz, demande la confirmation de la condamnation in solidum des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance à indemniser le SMAD, et sa mise hors de cause et à titre subsidiaire, le rejet de la demande en garantie du SMAD et une diminution du montant de son préjudice indemnisable. Ces requêtes, relatives aux désordres affectant un même équipement, présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'appel principal des sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance :

En ce qui concerne la garantie décennale des constructeurs :

5. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient de quelque manière imputables.

6. Par ailleurs, il incombe au juge administratif, lorsqu'est recherchée devant lui la responsabilité décennale des constructeurs, d'apprécier, au vu de l'argumentation que lui soumettent les parties sur ce point, si les conditions d'engagement de cette responsabilité sont ou non réunies et d'en tirer les conséquences, le cas échéant d'office, pour l'ensemble des constructeurs.

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que les désordres constatés à la suite de l'inondation du 8 novembre 2009 ont pour origine l'état dégradé des colonnes d'exhaure du dispositif de pompage, qui présentaient des perforations, dues à une importante corrosion. Cette défaillance s'est traduite par l'incapacité des pompes de remonter l'eau en surface ce qui a eu pour conséquence la remontée naturelle de la nappe, identique dans le puits et dans le lac, puis l'inondation des berges du lac. La cause de cette corrosion réside, ainsi que cela ressort du rapport d'expertise, dans une inadéquation entre la qualité de l'eau pompée dans le puits et la qualité du métal constituant ces colonnes dont les perforations les rendent manifestement impropres à leur destination de support des pompes. Il n'est pas contesté que ces désordres, constatés dans le délai de garantie décennale n'étaient pas apparents au moment de la réception des travaux.

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les désordres trouvent leur origine dans l'absence de prise en compte dans le choix du matériau des colonnes d'exhaure du caractère agressif de l'eau, tant au stade de la conception qu'à celui de l'exécution et de la surveillance. Ainsi les intervenants dans l'installation du dispositif de pompage n'avaient pas clairement conscience du problème de variation de la qualité physicochimique de l'eau et en particulier la société Hydro assistance, spécialisée dans le domaine de l'eau, qui a étudié et réalisé le cahier des charges, et la société Saur (sous-traitant) compétente dans le domaine de l'eau et choisie pour son expérience du site. Dès lors, le SMAD est fondé à rechercher la responsabilité décennale de la société Hydro assistance qui s'était vu confier, par lettre de commande du 8 mars 2002, l'étude et la rédaction du cahier des charges, le suivi des travaux et d'installation des pompes, l'assistance technique pour la mise en route des pompes et la fourniture de documents comprenant les comptes-rendus des travaux et la définition des caractéristiques de fonctionnement, ainsi que la société Spie Trindel qui s'est vu confier la mise en oeuvre du dispositif de pompage par acte d'engagement du 8 janvier 2013 alors même qu'elle a fait appel, par un contrat de sous-traitance, à la société Saur pour la mise en place des pompes et colonnes d'exhaure. La circonstance, invoquée par la société Spie sud-ouest, qu'elle n'aurait pas personnellement commis de faute n'est pas de nature à l'exonérer en tout ou partie de la responsabilité encourue par elle à ce titre vis-à-vis du maître de l'ouvrage.

9. Les constructeurs font valoir que le SMAD, qui disposait de services techniques, par ses négligences et défaut d'entretien a commis des fautes de nature à les exonérer de leur responsabilité. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que ni le dysfonctionnement du système de régulation et l'absence de débitmètre, en panne lors du sinistre, ce qui obligeait à un suivi visuel du niveau du lac et à une mise en route manuelle des pompes, ni l'absence d'entretien des colonnes, ni le temps de réaction du syndicat entre le déclenchement de l'alerte et le débordement du lac, n'ont eu d'incidence notable sur la survenance du sinistre. Dès lors, d'une part, que les désordres trouvent leur origine dans des erreurs de conception et de surveillance, d'autre part, que le SMAD n'est pas intervenu dans la conception, ni dans la réalisation et la direction des travaux, aucune faute de nature à atténuer la responsabilité des constructeurs ne peut être imputée à son encontre.

10. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité décennale des constructeurs, soit la société Hydro assistance et la société Spie sud-ouest, lesquelles ne justifient d'aucune cause exonératoire de responsabilité, doit être engagée au titre des désordres consécutifs aux travaux d'installation des colonnes d'exhaure du dispositif de pompage.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les appels principaux des constructeurs :

11. En premier lieu, le tribunal administratif a condamné les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest, solidairement, à verser au SMAD une somme de 747 550,07 euros HT au titre de la remise en état des bâtiments et des équipements inondés au vu des factures produites par le syndicat. À l'appui de leurs requêtes d'appel les constructeurs soutiennent que le tribunal a estimé à tort que le temps de réaction du SMAD n'a pas eu d'incidence notable sur l'ampleur du sinistre dès lors qu'entre le 5 octobre 2009 date de l'alerte donnée au SMAD par la société Ikarie, exploitant de l'ouvrage, sur la montée anormale du niveau du lac, jusqu'au 11 novembre 2009, date de début des inondations des bâtiments, une simple information sur la montée anormale des eaux et le dysfonctionnement du système de pompage aurait permis d'empêcher tout préjudice consécutif aux bâtiments par la mise en place d'une solution palliative pour stopper la montée des eaux et ramener le niveau du lac à son niveau initial.

12. Il n'est pas contesté qu'entre le 5 octobre 2009 et le 11 novembre 2009 la montée régulière des eaux a atteint plus de 1,50 mètres par rapport à la cote normale. Cette montée correspond, à défaut de fonctionnement de pompage, à une montée approximative des eaux de 0,60 cm par quinzaine. En l'absence de toute contestation du maître d'ouvrage sur la capacité des constructeurs à stopper la montée anormale des eaux, en cas d'alerte en temps utile, en dehors même de l'identification de sa cause, par une solution de pompage de secours, afin d'éviter l'inondation des bâtiments, le lien de causalité entre le dommage et cette inondation n'est pas établi. C'est, dès lors, à tort que le tribunal a estimé que le temps de réaction du SMAD n'avait pas été à l'origine de l'ampleur du dommage et condamné solidairement les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest à verser une somme de 747 550,07 euros HT au titre de la remise en état des bâtiments et des équipements inondés.

13. En deuxième lieu, si la société Spie sud-ouest conteste la prise en compte du coût de pompage pour la réalisation des travaux de réparation, il résulte de l'instruction que le SMAD a été contraint de louer une pompe de surface afin d'accélérer la décrue, pour réaliser les travaux de réparation dès la remise en route de la première colonne de remplacement. C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont fixé, au vu des factures produites par le syndicat, le coût du pompage de secours à la somme justifiée de 99 671,35 euros HT.

14. Enfin, la société Spie sud-ouest reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, le moyen tiré de l'absence d'évaluation contradictoire des préjudices. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

En ce qui concerne l'appel incident du SMAD :

15. Il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'état gravement corrodé et même perforé des tubes en acier non allié utilisés au bout de six ans seulement, et conformément aux préconisations de l'expert, les colonnes endommagées ont été remplacées par des colonnes en acier inoxydable dont le coût est, selon l'expert, nettement plus élevé qu'un tube en acier non allié mais dont la durée de vie est beaucoup plus importante. Le tribunal a fait application aux factures de remplacement des colonnes d'exhaure et frais annexes d'un montant total de 419 747,10 euros HT, produites par le syndicat, d'un abattement de 20 % afin de tenir compte de la plus-value liée au coût supérieur de ce matériau non prévu par le marché initial. Toutefois, il résulte de l'instruction que le CCTP rédigé par la société Hydro assistance ne précisait pas le matériau qui devait être utilisé pour réaliser les colonnes d'exhaure et en laissait le choix au constructeur à condition qu'il rende l'ouvrage propre à sa destination. Compte tenu des caractéristiques attendues de l'ouvrage, la société Spie sud-ouest retenue pour l'exécution du marché a, en toute connaissance de cause, présenté une offre dont l'acceptation ne pouvait conduire à l'utilisation d'un acier non allié ne résistant pas à la corrosion de l'eau. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a appliqué un abattement de 20 % au remplacement de la colonne d'exhaure par un acier inoxydable afin de tenir compte d'une plus-value pour le maître de l'ouvrage. Par suite, l'indemnité due au SMAD en réparation des préjudices liés au remplacement des colonnes d'exhaure et frais annexes doit être fixée à la somme de 419 747,10 euros HT.

16. Si le SMAD réclame une somme de 19 500 euros au titre de travaux de remise en état liés à des mouvements du sol, qui n'ont été engagés qu'en 2012, en indiquant qu'il s'agit de travaux de reprise de pistes descendant en fond de fosse, de réparations des sanitaires au motif que les mouvements de terrain avaient provoqué des fissures dans certains tuyaux, de contrôle de câbles suite aux dysfonctionnements électriques " en raison de l'inondation ", il ne justifie pas davantage en appel que devant le tribunal du lien direct et certain entre ces travaux et le sinistre en litige. Il en est de même d'ailleurs, eu égard à ce qui a été exposé au point 12 des demandes d'indemnisation présentée en appel par le syndicat à l'appui d'un devis du 19 juillet 2013 de travaux de remplacement des convecteurs de sol pour un montant de 34 645 euros HT et du remplacement d'une partie du système de contrôle à l'appui d'un devis non daté de la société Spie sud-ouest pour un montant de 6 078,99 euros HT.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 16 que le montant total du préjudice subi par le SMAD et à l'indemnisation duquel il a droit s'établit à la somme de 519 418,45 euros HT.

18. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest sont seulement fondées à contester le montant de 1 183 019,10 euros HT qu'elles ont été condamnées à verser solidairement au SMAD au titre des désordres liés à la dégradation des colonnes d'exhaure du dispositif de pompage et à demander qu'il soit ramené à 519 418,45 euros HT.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

19. Le SMAD a droit aux intérêts légaux de la somme de 519 418,45 euros à compter du 18 juillet 2013, date d'enregistrement de sa requête. Il a demandé la capitalisation, dans sa requête. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter de la date du 18 juillet 2014 à laquelle était due une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.

Sur le partage des responsabilités :

20. La société Hydro assistance ne conteste pas détenir une part de responsabilité dans la survenance du dommage mais considère que cette part, estimée à 40 % par le tribunal, doit être ramenée à 10 %, compte tenu de la nature de sa mission et de celle de la société Spie sud-ouest titulaire du marché. La société Spie sud-ouest fait valoir que la faute de la société Hydro assistance, qui ne l'a pas informée de l'inondation du lac et des travaux de remplacement des ouvrages mis en oeuvre par la société Saur, l'exonère de toute responsabilité.

21. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 8, la société Hydro assistance spécialisée dans le domaine de l'eau et prise comme " assistant " par le maitre d'ouvrage a étudié et rédigé le cahier des charges. Elle s'est vu confier par lettre de commande du 8 mars 2002, notamment, le suivi des travaux qui vise l'ensemble de l'installation du dispositif de pompage incluant l'installation des colonnes d'exhaure et pas seulement la mise en route des pompes. Si le choix de la nature des colonnes d'exhaure a été laissé à l'entreprise Saur, sous-traitant de la société Spie sud-ouest, en raison notamment de sa compétence dans le domaine de l'eau et de son expérience du site, il lui incombait de s'assurer de la qualité des matériaux de ces colonnes. En se bornant à joindre un tableau d'analyse chimique des eaux d'exhaure au cahier des charges sans alerter l'entrepreneur du caractère agressif des eaux, la société Hydro assistance a commis une faute dans la conception du projet. Dans ces conditions, les premiers juges ont fait une juste appréciation de sa part de responsabilité en la fixant à 40 %.

22. D'autre part, la circonstance que la société Hydro assistance n'aurait pas informé la société Spie sud-ouest de l'inondation du lac et des travaux de remplacement des ouvrages mis en oeuvre par son sous-traitant, la société Saur, ne saurait l'exonérer de la part de responsabilité de 60 % fixée par le tribunal dès lors que le choix du matériau par son sous-traitant est à l'origine du sinistre.

Sur les dépens :

23. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé le 10 juin 2013 à la charge des constructeurs condamnés par le présent arrêt, à proportion de leurs parts respectives de responsabilité finale, soit 60 % à la charge de la société Spie sud-ouest et 40 % à la charge de la société Hydro assistance.

Sur l'appel provoqué :

24. Il résulte des conditions particulières du contrat d'assurances dommages aux biens n° 017128494 conclu entre le SMAD et la société Gan Eurocourtage que sont exclus : " les dommages dont la garantie est visée par la loi n°78.12 du 4 janvier 1978 et les textes subséquents relatifs à l'assurance construction et les assurances tous risques chantiers ". Par suite, compte tenu du caractère décennal du dommage, le recours en garantie du SMAD contre la société Allianz venant aux droits de la société Gan Eurocourtage doit être rejeté.

Sur les conclusions de la compagnie Allianz :

25. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de la société Allianz, qui n'a fait l'objet d'aucune condamnation, tendant à être garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre sont dépourvues d'objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sociétés Hydro assistance et Spie sud-ouest, qui ne sont pas à titre principal dans la présente instance la partie perdante, versent au SMAD et à la société Allianz la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du SMAD le versement d'une somme sur le fondement de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le montant des sommes que les sociétés Spie sud-ouest et Hydro assistance sont solidairement condamnées à verser au SMAD est ramené à 519 418,45 euros HT.

Article 2 : La somme de 519 418,45 euros portera intérêts au taux légal à compter du 18 juillet 2013. Les intérêts seront capitalisés au 18 juillet 2014 pour produire eux-mêmes intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge de la société Spie sud-ouest à hauteur de 60 %, et de la société Hydro assistance à hauteur de 40 %.

Article 4 : Le jugement n° 1303393 du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Hydro assistance, Spie sud-ouest devenue société Spie Industrie et Tertiaire, venant aux droits de la société Spie Trindel, au syndicat mixte pour l'aménagement de la découverte (SMAD), et à la compagnie Allianz.

Copie en sera adressée à M. A... E..., expert.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, président-assesseur,

Mme D... G..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.

Le rapporteur,

Florence G...

Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

16

N° 17BX00935 - 17BX01085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 17BX00935,17BX01085
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP RAFFIN et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-14;17bx00935.17bx01085 ?
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