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26/11/2019 | FRANCE | N°17BX03176

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 26 novembre 2019, 17BX03176


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, M. et Mme A... et M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 août 2011 par lequel le préfet de l'Ariège a autorisé la société Malet à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers aux lieux-dits " l'Alma " et " Sous Pégulier " sur le territoire de la commune de Montaut. Ils ont aussi demandé au tribunal administratif de Toulouse

d'annuler la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté leur demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, M. et Mme A... et M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 août 2011 par lequel le préfet de l'Ariège a autorisé la société Malet à exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers aux lieux-dits " l'Alma " et " Sous Pégulier " sur le territoire de la commune de Montaut. Ils ont aussi demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté leur demande tendant à ce que soit constatée la caducité de l'arrêté d'autorisation du 3 août 2011.

Par un jugement n° 1500412-1501748 du 21 juillet 2017, le tribunal a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2017 et le 11 avril 2019, l'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, représentées par Me H..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1500412-1501748 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté d'autorisation du 3 août 2011 ;

3°) subsidiairement, d'annuler la décision implicite de rejet de leur demande tendant à constater la caducité de l'arrêté d'autorisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Malet la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent, en ce qui concerne la légalité externe de l'autorisation du 3 août 2011, que :

- l'étude d'impact jointe à la demande d'autorisation est entachée d'insuffisances ; ainsi, elle ne comporte aucune étude sur les chiroptères dont la présence sur l'aire d'étude est favorisée par les caractéristiques des lieux ; l'étude du milieu naturel s'est résumée à une seule visite des lieux le 16 mai 2008 sans que les inventaires aient été davantage creusés ; l'étude d'impact étudie insuffisamment les incidences du projet sur la ripisylve du Crieu qui est une zone humide rare située dans une plaine dominée par les activités agricoles ; l'étude d'impact ne contient aucune information sur les sources pétrifiantes qui sont des habitats prioritaires, situées dans un site Natura 2000 et dont la plus proche est à 400 mètres de la carrière.

Elles soutiennent, en ce qui concerne la légalité interne de l'autorisation du 3 août 2011, que :

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions du schéma départemental des carrières approuvé le 24 septembre 2013 qui classent en zone rouge une superficie représentant les trois-quarts de l'espace occupé par la carrière ; ce classement est motivé par le fait que l'espace concerné est situé dans la zone de mobilité du Crieu ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 11.2.II de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 qui interdit les exploitations de carrières de granulats dans l'espace de mobilité d'un cours d'eau ; la présence de la carrière au sein de l'espace de mobilité du Crieu a été établie par des études menées par le syndicat mixte d'aménagement du Crieu ; de plus, le projet prévoit l'installation d'enrochements sur les berges et de merlons en limite d'extraction sans que les incidences de ces aménagements sur l'écoulement des eaux aient été étudiées ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 11-3 de l'arrêté ministériel du 22 septembre 1994 qui interdisent le pompage de la nappe phréatique sauf autorisation expresse accordée par l'arrêté d'autorisation après que l'étude d'impact en a montré la nécessité ; le projet prévoit un prélèvement conséquent d'eau dans la nappe phréatique, équivalent à 25 m3/heure (500 m3/an pour l'arrosage et 250 m3/an pour les sanitaires) sur une durée de trente ans ; il n'est pas indiqué que les volumes prélevés seront restitués dans le milieu impacté comme l'a relevé à tort le tribunal.

Elles soutiennent, à titre subsidiaire, en ce qui concerne la caducité de l'arrêté d'autorisation du 3 août 2011, que :

- en vertu de l'article R. 512-74 du code de l'environnement, l'arrêté d'autorisation cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l'installation n'a pas été mise en service dans un délai de trois ans ou lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives ;

- il est établi en l'espèce que l'installation autorisée n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans suivant l'arrêté du 3 août 2011 ; c'est à tort que le tribunal a refusé de constater la caducité de l'autorisation en se fondant sur la force majeure ; les retards pris par Réseau Ferré de France dans l'installation de l'embranchement de la voie ferrée ne constitue pas un tel cas ; il ne s'agit pas d'une condition nécessaire au début de l'exploitation car la voie à créer devait servir à acheminer une part prépondérante des matériaux à compter de la réalisation de l'embranchement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 14 septembre 2018 et le 6 mai 2019, la société Sablières Malet, représentée par Me F..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit mis à la charge des requérantes la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement, à ce que la cour sursoie à statuer pour permettre la régularisation de l'arrêté du 3 août 2011.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité, que :

- la cour est seulement saisie d'un appel contre le jugement du 21 juillet 2017, lequel est définitif en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'arrêté d'autorisation du 3 août 2011 ; en conséquence, les requérantes sont tardives à contester cet arrêté.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens de la requête doivent être écartés comme non fondés.

Par un mémoire enregistré le 3 mai 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 7 mai 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 22 septembre 1994 relatif aux exploitations de carrières et aux installations de premier traitement des matériaux de carrières ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G... B...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant l'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, et de Me F..., représentant la société Sablières Malet.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 août 2008, la société Sablières Malet a déposé en préfecture de l'Ariège une demande d'autorisation d'exploiter à ciel ouvert une carrière de sables et de graviers aux lieux-dits " l'Alma " et " Sous Péguier " sur le territoire de la commune de Montaut. Le site de la carrière présente une superficie de 76 hectares tandis sur la surface affectée à l'activité d'extraction est de 50 hectares. La quantité de graves brutes extraites doit s'élever en moyenne à 400 000 tonnes par an avec un maximum annuel de 600 000 tonnes. Le préfet de l'Ariège a accordé l'autorisation sollicitée par un arrêté du 3 août 2011 dont l'annulation a été demandée au tribunal administratif de Toulouse par l'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, M. et Mme E... A... et M. et Mme D.... Les demandeurs ont aussi sollicité du tribunal l'annulation de la décision par laquelle le préfet a implicitement rejeté leur demande tendant à la constatation de la caducité de l'arrêté du 3 août 2011. L'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois relèvent appel du jugement rendu le 21 juillet 2017 par lequel le tribunal a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions principales dirigées contre l'arrêté du 3 août 2011 :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

2. Aux termes de l'article R. 512-6 du code de l'environnement : " I. - A chaque exemplaire de la demande d'autorisation doivent être jointes les pièces suivantes : (...) 4° L'étude d'impact prévue à l'article L. 122-1 dont le contenu, par dérogation aux dispositions de l'article R. 122-3, est défini par les dispositions de l'article R. 512-8 (...) ". Aux termes de l'article R. 512-8 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact mentionnée à l'article R. 512-6 doit être en relation avec l'importance de l'installation projetée et avec ses incidences prévisibles sur l'environnement, au regard des intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. II.- Elle présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, ainsi que sur les biens matériels et le patrimoine culturel susceptibles d'être affectés par le projet ; 2° Une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents de l'installation sur l'environnement et, en particulier, sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'agriculture, l'hygiène, la santé, la salubrité et la sécurité publiques, sur la protection des biens matériels et du patrimoine culturel. Cette analyse précise notamment, en tant que de besoin, l'origine, la nature et la gravité des pollutions de l'air, de l'eau et des sols, les effets sur le climat le volume et le caractère polluant des déchets, le niveau acoustique des appareils qui seront employés ainsi que les vibrations qu'ils peuvent provoquer, le mode et les conditions d'approvisionnement en eau et d'utilisation de l'eau (...) 4° a) Les mesures envisagées par le demandeur pour supprimer, limiter et, si possible, compenser les inconvénients de l'installation ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes. (...) ".

3. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le site d'implantation de la carrière est constitué de champs dédiés à la culture céréalière. Côté Est du site se trouve le cours d'eau le Crieu et sa ripisylve qui constituent le seul milieu naturel concerné par le périmètre de l'exploitation dont les autres abords sont anthropisés du fait de la présence d'exploitations agricoles ou de voies de communication. Ainsi, exception faite de la ripisylve du Crieu, le site retenu pour l'exploitation de la carrière, qui n'est pas couvert par un site Natura 2000 ou une zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique, ne présente pas d'enjeux particuliers en termes faunistiques et floristiques. Il résulte du rapport établi par le cabinet Biotope que les espèces présentes dans la ripisylve du Crieu sont " communes ou très communes " et que, s'agissant par ailleurs du corridor boisé bordant la voie ferrée, peu d'espèces de faune ont été inventoriées et que celles observées sont également " communes ou très communes ". Il est vrai que l'étude Biotope a reconnu que la présence sur le site de l'oedicnème criard, espèce protégée, était " probable " mais il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact aurait minimisé les conséquences du projet sur cet animal eu égard notamment au fait que les opérations de défrichement et de déboisement seront réalisées en dehors des périodes de nidification de l'avifaune.

5. Si l'inventaire faunistique a été réalisé au cours d'une seule journée, soit le 16 mai 2008, il résulte de l'instruction que la période choisie était propice à l'observation des espèces faunistiques que le site, dont le caractère est essentiellement agricole, était susceptible d'abriter. Par ailleurs, si l'étude du cabinet Biotope a reconnu que les chiroptères étaient exclus de son inventaire, il ne résulte pas de l'instruction que le périmètre d'emprise de la carrière abriterait effectivement de telles espèces, lesquelles se trouvent dans le site Natura 2000 FR7301822 qui occupe un espace distinct du site choisi par le pétitionnaire.

6. De leur côté, les associations requérantes n'apportent pas d'éléments permettant d'estimer que la valeur écologique du site aurait été sous-estimée et que l'inventaire effectué sur place n'aurait pas permis d'identifier toutes les espèces existantes. Au demeurant, aucune activité d'extraction de matériaux n'est prévue au niveau de la limite Est de la carrière, où se trouve la ripisylve du Crieu.

7. En deuxième lieu, la ripisylve du Crieu a, ainsi qu'il vient d'être dit, été identifiée dans l'étude d'impact comme le seul élément naturel présent dans le périmètre d'implantation de la carrière. L'étude d'impact comporte une description précise de la ripisylve, présentée comme un boisement installé sur les hautes berges du ruisseau caractérisé par la diversité des espèces présentes avec des plantes herbacées typiques des milieux frais à humides. L'étude d'impact précise également que la ripisylve du Crieu constitue un important corridor de déplacement pour la faune présente (insectes, amphibiens, reptiles, mammifères). Reconnaissant l'enjeu majeur que présente la ripisylve du Crieu, l'étude d'impact indique qu'elle ne sera pas impactée par le projet, aucune activité d'extraction n'étant prévue dans le secteur concerné. S'agissant des conséquences de l'exploitation sur la nappe alluviale du Crieu, l'étude d'impact précise, données chiffrées à l'appui, et sans que cela soit sérieusement contesté, que l'alimentation de cette rivière est suffisante pour absorber l'appel d'eau créé par le fonctionnement de l'installation. Il est encore précisé que, pour tenir compte de la superficie exploitée, des mesures complémentaires seront prévues pour garantir la circulation de la nappe. Elles consistent dans la mise en place d'un réseau de drains disposés régulièrement à un niveau inférieur à celui des basses eaux.

8. En troisième lieu, l'étude d'impact comporte une cartographie des sources pétrifiantes issues des données fournies par le Bureau de Recherches et Géologiques et Minières, qui a été consulté sur ce point, ainsi que l'association des naturalistes de l'Ariège, par le cabinet auteur de l'étude. Il en ressort que ces sources sont localisées au Nord du bourg du Vernet et qu'au vu de la piézométrie et du sens d'écoulement de la nappe, elles ne semblent pas se trouver en aval immédiat de la zone concernée par le projet. L'étude d'impact conclut ainsi que les sources pétrifiantes ne devraient pas être impactées, sans que les requérantes ne produisent au dossier des éléments permettant d'estimer que cette conclusion, qui s'appuie sur des données observées, serait erronée.

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté en toutes ses branches.

En ce qui concerne la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées :

10. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment de l'étude d'impact, que la mise en service de la carrière aura pour conséquence la destruction d'espèces protégées ou de leurs habitats, notamment en ce qui concerne l'oedicnème criard. Par suite, le pétitionnaire n'était pas tenu de solliciter à l'appui de sa demande d'autorisation une dérogation à cette interdiction en application des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'arrêté du 22 septembre 1994 :

11. En premier lieu, aux termes de l'article 11.2 de l'arrêté : " I. - Les extractions de matériaux dans le lit mineur des cours d'eau et dans les plans d'eau traversés par des cours d'eau sont interdites. Le lit mineur d'un cours d'eau est l'espace d'écoulement des eaux formé d'un chenal unique ou de plusieurs bras et de bancs de sables ou galets, recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement. II. - Les exploitations de carrières en nappe alluviale dans le lit majeur ne doivent pas créer de risque de déplacement du lit mineur, faire obstacle à l'écoulement des eaux superficielles ou aggraver les inondations. Les exploitations de carrières de granulats sont interdites dans l'espace de mobilité du cours d'eau. L'espace de mobilité du cours d'eau est défini comme l'espace du lit majeur à l'intérieur duquel le lit mineur peut se déplacer. L'espace de mobilité est évalué par l'étude d'impact en tenant compte de la connaissance de l'évolution historique du cours d'eau et de la présence des ouvrages et aménagements significatifs, à l'exception des ouvrages et aménagements à caractère provisoire, faisant obstacle à la mobilité du lit mineur. Cette évaluation de l'espace de mobilité est conduite sur un secteur représentatif du fonctionnement géomorphologique du cours d'eau en amont et en aval du site de la carrière, sur une longueur minimale totale de 5 kilomètres. L'arrêté d'autorisation fixe la distance minimale séparant les limites de l'extraction des limites du lit mineur des cours d'eau ou des plans d'eau traversés par un cours d'eau. Cette distance doit garantir la stabilité des berges. Elle ne peut être inférieure à 50 mètres vis-à-vis des cours d'eau ayant un lit mineur d'au moins 7,50 mètres de largeur. Elle ne peut être inférieure à 10 mètres vis-à-vis des autres cours d'eau (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que sont interdites les extractions de matériaux dans le lit mineur des cours d'eau, lequel est défini comme l'espace d'écoulement des eaux formé d'un chenal unique ou de plusieurs bras et de bancs de sables ou galets, recouvert par les eaux coulant à pleins bords avant débordement. Les exploitations de carrières sont également interdites dans l'espace de mobilité du cours d'eau, lequel est défini comme l'espace du lit majeur à l'intérieur duquel le lit mineur peut se déplacer.

13. Il s'ensuit que les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation en litige méconnaît les dispositions précitées au motif que la carrière se situerait dans la zone d'expansion de la rivière lors d'un évènement de crue d'occurrence vingtennale. Leur moyen doit ainsi être écarté eu égard au fait qu'il ne résulte pas de l'instruction que la carrière serait autorisée dans un espace du lit majeur du Crieu dans lequel le lit mineur de la rivière peut se déplacer. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la distance de 50 mètres prévue par l'article 21 de l'arrêté d'autorisation entre le cours d'eau et le périmètre d'exploitation serait insuffisante pour pallier le risque de capture du Crieu par la carrière.

14. Il résulte de l'instruction, ainsi que l'a établi l'étude d'impact, que le Crieu se caractérise par des écoulements torrentiels en phase de crue. Si le projet est susceptible d'impacter le champ d'inondation exceptionnelle situé entre la voie ferrée et le lit mineur du Crieu, la cartographie des zones inondables établie par la direction régionale de l'environnement, selon laquelle ce secteur correspond à une zone d'écoulements lents voire d'étalement, ne mentionne pas la présence de chenaux de crue dans le secteur concerné. Par ailleurs, le projet prévoit l'aménagement d'une " pièce d'eau " d'un hectare destinée à absorber un volume équivalent ou même supérieur à celui s'infiltrant normalement, soit environ 40 000 m3, tandis qu'en phase d'extraction il est prévu la création d'un lac de 15 000 m² de superficie permettant de doubler la capacité de stockage. Il résulte par ailleurs du rapport d'expertise hydrologique réalisé à la demande de la société par un expert auprès du Centre national de la recherche scientifique que ces aménagements augmentent la disponibilité de stockage en situation de crue et que les merlons que la société entend installer n'auront pas d'incidences sur l'écoulement des eaux dès lors qu'ils seront segmentés dans une zone inondable qui s'étale sur plusieurs centaines de mètres de largeur. De plus, ce rapport préconise une série de mesures destinées à éviter tout impact significatif de la carrière sur le Crieu en crue qui ont été reprises dans les prescriptions de l'arrêté du 3 août 2011 en litige, notamment en ses articles 17-1,18, 21 et 29-V-II. Il ne résulte pas de l'instruction que les mesures prévues par le pétitionnaire, ajoutées aux prescriptions de l'arrêté, seraient insuffisantes pour assurer le respect des règles édictées par les dispositions précitées de l'article 11-2 de l'arrêté du 22 septembre 1994.

15. En second lieu, aux termes de l'article 11.3 de l'arrêté : " 11.3. Exploitation dans la nappe phréatique : Dans le cas où l'exploitation de la carrière est conduite dans la nappe phréatique, des mesures tendant au maintien de l'hydraulique et des caractéristiques écologiques du milieu sont prescrites. Le pompage de la nappe phréatique pour le décapage, l'exploitation et la remise en état des gisements de matériaux alluvionnaires est interdit, sauf autorisation expresse accordée par l'arrêté d'autorisation après que l'étude d'impact en a montré la nécessité. (...) ".

16. L'interdiction édictée par les dispositions précitées ne concerne que les prélèvements d'eau des nappes phréatiques pour le décapage, l'exploitation et la remise en état des gisements. Cette interdiction ne s'applique donc pas aux prélèvements nécessaires au nettoyage du gisement, à l'arrosage des pistes qu'autorise l'article 18.4 de l'arrêté en litige ni, au demeurant, au fonctionnement des installations sanitaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 11.3 précité de l'arrêté du 22 septembre 1994 est inopérant.

En ce qui concerne la compatibilité de l'autorisation avec le schéma départemental des carrières :

17. Le schéma départemental des carrières de l'Ariège approuvé le 24 septembre 2013 comporte une orientation n° 1 intitulée " Protéger les zones à enjeux environnementaux et mettre en oeuvre des mesures de réduction et de maîtrise des risques ". Aux termes de l'orientation n°1 : " Trois types de zones sont établis, dans lesquelles des contraintes particulières s'imposent lors d'un projet d'ouverture, de renouvellement ou d'extension de carrière : Les zones rouges d'interdiction, dans lesquelles tout nouveau projet de carrière est interdit. ".

18. Ces dispositions ne s'appliquent qu'aux nouveaux projets de carrières, ou de renouvellement ou d'extensions de celles-ci, et non aux exploitations déjà autorisées antérieurement à leur entrée en vigueur. Par suite, et en tout état de cause, les associations requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation en litige du 3 août 2011 a été délivrée en méconnaissance du schéma départemental des carrières.

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la constatation de la caducité de l'arrêté du 3 août 2011 :

19. Aux termes de l'article R. 181-48 du code de l'environnement, applicable en l'espèce : " I. - L'arrêté d'autorisation environnementale cesse de produire effet lorsque le projet n'a pas été mis en service ou réalisé soit dans le délai fixé par l'arrêté d'autorisation soit dans un délai de trois ans à compter du jour de la notification de l'autorisation, sauf cas de force majeure ou de demande justifiée et acceptée de prorogation de délai et sans préjudice des dispositions des articles R. 211-117 et R. 214-97. II. - Le délai mentionné au I est suspendu jusqu'à la notification au bénéficiaire de l'autorisation environnementale : 1° D'une décision devenue définitive en cas de recours devant la juridiction administrative contre l'arrêté d'autorisation environnementale ou ses arrêtés complémentaires ; 2° D'une décision devenue définitive en cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis de construire du projet ou la décision de non-opposition à déclaration préalable ; 3° D'une décision devenue irrévocable en cas de recours devant un tribunal de l'ordre judiciaire, en application de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, contre le permis de construire du projet. ". L'article 4 de l'arrêté du 3 août 2011 en litige fixe à trois ans le délai de caducité de l'autorisation.

20. Il résulte de ces dispositions que sauf le cas de force majeure, la société bénéficiaire d'une autorisation d'exploiter une installation classée pour la protection de l'environnement dispose d'un délai de trois ans pour mettre en service cette installation. Outre le cas où des travaux seraient entrepris dans le seul but d'échapper à l'application de la règle qu'elles édictent, seule une absence de fonctionnement effectif des activités faisant l'objet de l'autorisation d'exploiter une installation classée est de nature à emporter la caducité d'une telle autorisation.

21. Par ailleurs, les dispositions précitées de l'article R. 181-48 du code de l'environnement ne peuvent recevoir application que si l'absence de mise en service ou l'interruption de l'exploitation n'est pas imputable au fait de l'administration. Le fait de l'administration a pour effet, non de suspendre, mais d'interrompre le délai de caducité. Un nouveau délai de caducité commence à courir lorsque le fait de l'administration cesse de produire son effet interruptif.

22. L'article 9 de l'arrêté du 3 août 2011 en litige prévoit qu'un diagnostic archéologique doit être réalisé sur le terrain faisant l'objet des aménagements projetés et cela préalablement à la réalisation des travaux de l'installation. Il résulte de l'instruction que le préfet de l'Ariège a pris le 17 mars 2014 un arrêté, modifiant un précédent arrêté du 23 avril 2010, qui prescrit la réalisation d'un diagnostic archéologique par tranches successives sur l'emprise du projet porté par la société Sablières Malet. Après une autre décision du 26 juin 2014 désignant le responsable scientifique de la tranche n° 1 du diagnostic, le préfet de la région Midi-Pyrénées a finalement délivré une attestation de libération des terrains le 17 juillet 2014. Le délai de réalisation du diagnostic archéologique constitue un fait de l'administration faisant obstacle à l'application des dispositions précitées de l'article R. 181-48 du code de l'environnement relatives au déclenchement du délai de caducité. Par suite, et dès lors que le tribunal administratif a ensuite été saisi le 28 janvier 2015 d'un recours dirigé contre l'arrêté préfectoral d'autorisation et que son jugement fait l'objet du présent litige, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté du 3 août 2011 est devenu caduc.

23. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel, que les associations requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge des associations requérantes la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Sablières Malet non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 17BX03176 présentée par l'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois est rejetée.

Article 2 : L'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot et l'association le Comité écologique ariégeois, prises ensemble, verseront à la société Sablières Malet la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de protection des rivières ariégeoises le Chabot, à l'association le Comité écologique ariégeois, au ministre de la transition écologique et solidaire, à la société Sablières Malet, à M. et Mme E... A... et à M. et Mme D.... Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience 29 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. G... B..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2019.

Le rapporteur,

Frédéric B...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX03176


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17BX03176
Date de la décision : 26/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Carrières.

Mines et carrières - Carrières - Autorisation d'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : TERRASSE ALICE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-26;17bx03176 ?
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