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17/12/2019 | FRANCE | N°18BX01273

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 17 décembre 2019, 18BX01273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Larla a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 11 février 2016 par laquelle le conseil municipal d'Irouléguy a rejeté sa demande d'abrogation de la carte communale en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section D n° 633 lui appartenant en zone non constructible.

Par un jugement n° 1600725 du 27 février 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, prése

ntés le 29 mars 2018, le 9 mai 2018, le 11 juillet 2018, le 16 novembre 2018 et le 19 décembre 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) Larla a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la délibération du 11 février 2016 par laquelle le conseil municipal d'Irouléguy a rejeté sa demande d'abrogation de la carte communale en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section D n° 633 lui appartenant en zone non constructible.

Par un jugement n° 1600725 du 27 février 2018, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, présentés le 29 mars 2018, le 9 mai 2018, le 11 juillet 2018, le 16 novembre 2018 et le 19 décembre 2018, la SCI Larla, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 27 février 2018 ;

2°) d'annuler la délibération du conseil municipal d'Irouléguy du 11 février 2016 ainsi que la décision du maire du 19 novembre 2015 rejetant son premier recours gracieux ;

3°) de déclarer illégale la carte communale en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section D n° 633 en zone non constructible ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité de sa demande, que :

- sa qualité pour agir devant le tribunal a été régularisée par la présentation d'un mémoire signé par son gérant, habilité à la représenter en justice ;

- en appel, elle produit un mandat de son gérant habilitant la fille de ce dernier à représenter la société ; en tout état de cause, le gérant s'approprie les écritures de la société ;

- sa demande a été présentée dans le délai de recours contentieux de deux mois.

Elle soutient, au fond, que :

- le rapport de présentation de la carte communale n'expose pas le nouveau parti d'aménagement ayant justifié sa révision, contrairement aux exigences de l'article R. 124-2 du code de l'urbanisme ;

- le nouveau classement de sa parcelle n'est pas cohérent avec les objectifs de la carte communale qui consistent notamment, dans le but de favoriser le développement économique de la commune, à formaliser dans une zone d'activité constructible les entreprises existantes le long de la route départementale n° 15 ; en dépit de cela, sa parcelle sur laquelle est implantée une activité de menuiserie est la seule de toutes les parcelles accueillant une activité économique à ne pas avoir été classée constructible ;

- ce classement résulte d'une erreur matérielle commise par la commune qui a établi le document graphique de la carte communale sur la base d'un fonds cadastral ancien n'ayant pas pris en compte la présence d'un bâtiment sur la parcelle n°633 ;

- le classement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation car la parcelle n° 633 est en continuité avec la zone d'activité ; le risque d'inondation auquel elle est prétendument soumise résulte d'un atlas des zones inondables, document peu précis sur la nature réelle des risques (hauteur des eaux, vitesse d'écoulement) encourus ; la zone rouge reportée sur le plan ne signifie pas que la parcelle est soumise à un risque très fort mais identifie seulement, de manière générale, une possibilité d'inondation ; les parcelles voisines ont été classées constructibles alors même qu'elles se situent à une cote inférieure à la parcelle n° 633 ; en dehors de l'atlas des zones inondables, aucune étude précise n'est venue identifier le risque réel d'inondation qui justifie le classement litigieux.

Par un mémoire en intervention, présenté le 17 octobre 2018, la société Bethart, représentée par Me B..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif, à l'annulation des décisions du 19 novembre 2015 et du 11 avril 2016 et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le zonage de la carte communale a été établi sur la base d'un document cadastral ancien ne faisant pas apparaitre l'existence sur la parcelle n° 633 d'un bâtiment ;

- le nouveau classement de sa parcelle n'est pas cohérent avec les objectifs de la carte communale qui consistent notamment, dans le but de favoriser le développement économique de la commune, à formaliser dans une zone d'activité constructible les entreprises existantes le long de la route départementale n° 15 ; en dépit de cela, sa parcelle sur laquelle est implantée une activité de menuiserie est la seule de toutes les parcelles accueillant une activité économique à ne pas avoir été classée constructible.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 octobre 2018 et le 11 décembre 2018, la commune d'Irouléguy, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCI Larla la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la recevabilité, que :

- Mme C... n'avait pas qualité pour demander l'abrogation de la carte communale au nom de la SCI ; elle n'avait pas non plus qualité pour agir devant le tribunal administratif et pour faire appel ; le mandat que lui a délivré M. C... n'est pas conforme aux statuts de la société ;

- aucun moyen n'a été soulevé à l'encontre de la décision du 19 novembre 2015, laquelle ne constitue pas une décision susceptible d'être contestée devant le juge ;

- la demande d'annulation de la délibération du 11 avril 2016 est tardive.

Elle soutient, au fond, que :

- les moyens soulevés doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 13 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 27 février 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant la SCI Larla et la SARL Bethart, et de Me E..., représentant la commune d'Irouléguy.

Une note en délibéré présentée pour la SCI Larla et la SARL Bethart a été enregistrée le 29 novembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Larla est propriétaire de la parcelle cadastrée section D n° 633 située route départementale n°15 sur le territoire de la commune d'Irouléguy. Cette parcelle a été classée en zone inconstructible à la suite de la révision approuvée le 11 mars 2010 de la carte communale. Le 19 novembre 2015, le maire d'Irouléguy a rejeté une première demande de la société Larla tendant à ce que sa parcelle soit classée en zone constructible. La société Larla a ensuite saisi le maire le 4 janvier 2016 d'une demande d'abrogation de la carte communale en tant qu'elle avait classé sa parcelle en zone non constructible. Le conseil municipal à qui cette demande a été transmise, l'a rejetée par une délibération du 11 février 2016 que la société Larla a contestée devant le tribunal administratif de Pau. Elle relève appel du jugement rendu le 27 février 2018 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur l'intervention de la société Bethart :

2. Il ressort des pièces du dossier que la société Bethart exerce une activité professionnelle dans le bâtiment situé sur la parcelle cadastrée section D n° 633. Par suite, elle justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué qui a rejeté la demande dirigée contre la délibération maintenant en zone inconstructible la parcelle en cause. Son intervention est, dès lors, recevable.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, à l'appui de son moyen tiré de ce que le rapport de présentation de la carte communale n'explicite pas les choix retenus pour la délimitation des secteurs où les constructions sont autorisées, la société appelante ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de droit ou de fait nouveau par rapport à son argumentation devant les premiers juges. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents exposés au point 9 du jugement attaqué.

4. En second lieu, il appartient aux auteurs d'une carte communale de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par la carte communale, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas ou elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

5. Au cours de l'année 2008, la commune d'Irouléguy a décidé de réviser sa carte communale approuvée en 2003 sous l'empire de laquelle la parcelle cadastrée section D n° 633 avait été classée en zone constructible. Cette révision a porté sur les trois points suivants : la délimitation d'une zone d'activité le long de la route départementale n° 15, l'extension des zones où les constructions sont autorisées dans les espaces bâtis et le retrait de certains terrains des zones constructibles en raison notamment des risques naturels et des contraintes topographiques.

6. La mise en oeuvre des objectifs énoncés ci-dessus a conduit les auteurs de la carte communale révisée à étendre les secteurs inconstructibles qui représentent 96 % du territoire communal tandis que les secteurs où les constructions sont autorisées ou dédiés aux activités occupent respectivement 3,5 % et 0,5 % de ce territoire. S'agissant des zones d'activités, le rapport de présentation en a identifié trois, la première située au sud de la route départementale n° 15, la seconde dite " Eyhera-Buru " au sud-est du territoire communal, enfin la zone " Sorhoueta Est " à l'extrême est de ce territoire. Selon la requérante, la commune a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'intégrant pas sa parcelle dans la zone d'activité constructible située le long de la route départementale n° 15, qu'elle borde sur l'un de ses côtés.

7. D'une part, les auteurs de la carte communale révisée ont entendu étendre de façon très limitée la zone d'activité située le long de la route départementale n° 15 ainsi que l'exprime le rapport de présentation de ce document duquel il ne résulte pas que toute activité économique devrait bénéficier, du seul fait de son existence, d'un classement en zone constructible.

8. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier départemental des risques majeurs élaboré par les services de l'Etat en 2012, que la commune d'Irouléguy est exposée à un risque de crue rapide tandis que l'atlas des zones inondables établi par ces mêmes services en 1994 montre que la parcelle en litige est exposée à un risque d'inondation du fait de sa situation en contrebas de la route départementale à une dizaine de mètres du ruisseau Madalia qui traverse une partie du territoire communal. La circonstance que l'atlas des zones inondables soit dépourvu de caractère règlementaire et qu'il n'ait pas vocation à offrir une information détaillée sur la hauteur des eaux et leur vitesse d'écoulement lors de la survenance d'une crue ne fait pas obstacle à sa prise en compte pour déterminer le risque naturel auquel un terrain est exposé et par suite son classement par le document d'urbanisme. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents sur lesquels la commune s'est appuyée pour procéder à la délimitation des zones auraient contenu des erreurs susceptibles de fausser son appréciation. Enfin, et alors que la commune s'est fondée sur le dossier départemental des risques majeurs et l'atlas des zones inondables pour définir le classement en litige, la société Larla ne produit aucun élément, telle qu'une étude hydraulique, permettant d'invalider les données recueillies par les services de l'Etat lorsqu'ils ont élaboré les documents mentionnés ci-dessus. Dans ces conditions, la seule circonstance que des parcelles voisines de celle de la requérante aient été classées en zone constructible bien qu'elles soient situées à une cote de terrain inférieure ne constitue pas un indice suffisant pour permettre d'estimer que le risque naturel existant aurait été apprécié de façon erronée en ce qui concerne la parcelle n° 633.

9. Il résulte de ce qui précède que le classement de la parcelle cadastrée section D n° 633 est à la fois cohérent avec les objectifs poursuivis par la carte communale révisée, tels qu'exprimés dans le rapport de présentation de ce document, et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, la commune n'était pas tenue de procéder à son abrogation et n'a pas fait une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'espèce en refusant de procéder à cette abrogation. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir, la société Larla n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. En application de ces dispositions, les conclusions présentées par la SCI Larla, qui n'est pas la partie gagnante à l'instance d'appel, doivent être rejetées. Il y a lieu également de rejeter les conclusions présentées sur ce fondement par la société Bethart qui, en tant qu'intervenante à l'instance, n'a pas la qualité de partie au sens des dispositions de l'article L. 761-1. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI Larla la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Irouléguy et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Bethart est admise.

Article 2 : La requête n° 18BX01273 présentée par la société civile immobilière Larla est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Bethart au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La société civile immobilière Larla versera à la commune d'Irouléguy la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Larla, à la commune d'Irouléguy et à la société Bethart. Copie pour information en sera délivrée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. D... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.

Le rapporteur,

Frédéric A...Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 18BX01273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01273
Date de la décision : 17/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-02-02-005 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Application des règles fixées par les POS ou les PLU. Règles de fond. Zonage.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CAMBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-12-17;18bx01273 ?
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