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14/01/2020 | FRANCE | N°18BX00336

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 janvier 2020, 18BX00336


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion, en exécution du jugement nos 1400727, 1500633 et 1600473 du 5 décembre 2016, de lui verser son plein traitement à compter du mois de mars 2014, assorti des intérêts au taux légal, sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard à compter de l'enregistrement de sa requête.

Par un jugement n° 1700824 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la

Réunion a enjoint au CHU de la Réunion de lui verser, avec intérêts au taux léga...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... C... a demandé au tribunal administratif de la Réunion d'enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de la Réunion, en exécution du jugement nos 1400727, 1500633 et 1600473 du 5 décembre 2016, de lui verser son plein traitement à compter du mois de mars 2014, assorti des intérêts au taux légal, sous astreinte de 1 000 euros par mois de retard à compter de l'enregistrement de sa requête.

Par un jugement n° 1700824 du 23 novembre 2017, le tribunal administratif de la Réunion a enjoint au CHU de la Réunion de lui verser, avec intérêts au taux légal à compter du 21 avril 2017, des rappels de traitement sur la base d'un droit au plein traitement pour la période du 1er mars 2014 au 20 octobre 2015, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 janvier 2018 et un mémoire enregistré

le 21 novembre 2018, Mme C..., représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a limité le versement de son plein traitement à la période du 1er mars 2014 au 20 octobre 2015 ;

2°) de constater que ses arrêts de travail sont en lien avec l'accident de service

du 2 décembre 2013 et qu'elle bénéficie de la " protection des lanceurs d'alerte " ;

3°) de dire qu'elle a droit à son plein traitement au-delà du 20 octobre 2015 ;

4°) de mettre à la charge du CHU de la Réunion une somme de 4 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement du 5 décembre 2016 ne fixe aucune limite dans le temps à son droit au plein traitement, mais lui reconnaît ce droit pour l'accident de service du 2 décembre 2013

et ses suites ; elle a justifié que son dernier arrêt de travail de l'année 2017, comme les précédents, n'est qu'une prolongation de l'arrêt initial pour accident de service ; si le jugement n'a annulé que les décisions des 29 janvier 2014, 21 mai 2014 et 20 octobre 2015,

ses effets doivent s'appliquer aux arrêts de travail ultérieurs prolongeant l'arrêt initial ;

- le versement de son plein traitement au-delà du 20 octobre 2015 s'impose aussi en sa qualité de lanceur d'alerte eu égard à la protection prévue par les dispositions de

l'article L. 1351-1 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2018, le CHU de la Réunion, représenté par Me D..., conclut à la confirmation du jugement et au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- ainsi que l'a relevé le tribunal, Mme C... ne tient pas du jugement

du 5 décembre 2016 le droit d'être maintenue en congé de maladie imputable au service au-delà du 20 octobre 2015 ; en faisant obstacle à un examen par un médecin agréé en exigeant sans fondement d'être assistée par un médecin conseil, elle n'a pas permis à son employeur de statuer sur la poursuite de son droit au plein traitement ;

- la qualité de lanceur d'alerte n'ouvre pas droit à un maintien indéfini en congé

de maladie imputable au service.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de Mme Chauvin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". Aux termes de l'article L. 911-4 du même code : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. / (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...)".

2. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision,

il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des circonstances de droit et de fait existant à la date

de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambiguïté, en préciser la portée. Le cas échéant,

il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites, ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée.

3. Par une décision de l'Autorité de sûreté nucléaire du 27 mai 2013, le service de radiothérapie-curiethérapie du pôle cancérologie du groupe hospitalier Sud Réunion a été fermé durant plusieurs mois en raison de dysfonctionnements de nature à porter atteinte à la sécurité des patients, dont les autorités de contrôle avaient eu connaissance par un signalement de Mme C..., manipulatrice d'électroradiologie médicale de la fonction publique hospitalière alors affectée dans ce service. Le 2 décembre 2013, Mme C..., qui venait de reprendre son travail à l'issue d'un congé de maladie, a reçu notification d'une décision la mutant d'office dans un autre service à compter du lendemain, sans avoir été mise à même de discuter avec ses supérieurs hiérarchiques du bien-fondé de cette mesure, et a été placée en arrêt de travail pour un syndrome traumatique suite à une souffrance aiguë au travail. Par décisions des 29 janvier 2014 et 21 mai 2014, le directeur général du CHU de la Réunion a placé Mme C... en congé de maladie ordinaire à demi-traitement, et par décision du 20 octobre 2015, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 2 décembre 2013. Mme C... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de la Réunion et présenté des conclusions indemnitaires. Par un jugement nos 1400727, 1500633 et 1600473 du 5 décembre 2016, le tribunal a annulé ces décisions et condamné cet établissement à verser à Mme C... une indemnité de 20 000 euros en réparation des troubles dans ses conditions d'existence en lien avec les fautes commises en niant son droit à bénéficier du régime des accidents de service, et en prenant à son encontre des mesures discriminatoires portant atteinte aux droits qu'elle tient de sa qualité de lanceur d'alerte. Par un jugement n° 1700284 du 23 novembre 2017, le tribunal, saisi par Mme C... d'une demande d'exécution en raison de l'absence de versement des rappels de traitements à compter du 1er mars 2014, a enjoint à l'établissement hospitalier de lui verser dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des rappels sur la base d'un droit au plein traitement pour la période du 1er mars 2014 au 20 octobre 2015. Mme C... relève appel de ce jugement en tant que l'injonction est limitée à cette période.

4. La portée du jugement du 5 décembre 2016 est limitée au litige dont le tribunal était saisi. En l'espèce, le tribunal a annulé les décisions successives des 29 janvier 2014, 21 mai 2014 et 20 octobre 2015 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident

du 2 décembre 2013 et de ses suites, et précisé que cette annulation implique nécessairement que le CHU régularise la situation de l'intéressée par le versement de rappels de traitement à compter du 2 décembre 2013. Il n'est pas contesté que la décision du 20 octobre 2015 statuait sur des prolongations du congé de maladie imputable au service jusqu'à cette date. Quand bien même des prolongations ultérieures ne seraient que les suites du même accident de service,

elles relèvent d'un litige distinct de celui qui a été jugé le 5 décembre 2016.

5. La protection accordée aux " lanceurs d'alerte " par les dispositions de

l'article L. 1351-1 du code de la santé publique, puis par celles du a) de l'article 6 ter de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires issu de l'article 165 de la loi

du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, ne peut être utilement invoquée pour contester la position du CHU relativement aux congés de maladie postérieurs

au 20 octobre 2015, laquelle relève, ainsi qu'il a été dit, d'un litige distinct.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a limité à la période du 1er mars 2014

au 20 octobre 2015 les rappels de traitement auxquels elle a droit en exécution du jugement

du 5 décembre 2016. Par suite, les conclusions présentées au titre des frais liés au litige doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... C... et au centre hospitalier universitaire de la Réunion.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

Mme A... B..., présidente-assesseure,

M. Thierry Sorin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2020.

La rapporteure,

Anne B...

Le président,

Catherine GiraultLa greffière,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX00336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX00336
Date de la décision : 14/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Analyses

37-05 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme CHAUVIN
Avocat(s) : CABINET LACAILLE-LALLEMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-01-14;18bx00336 ?
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