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20/02/2020 | FRANCE | N°18BX01653

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 20 février 2020, 18BX01653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés des 31 juillet 2014 et 8 juillet 2015 par lesquels le maire de Lescure-d'Albigeois a délivré à M. A... un permis de construire et un permis de construire modificatif en vue de l'implantation d'une maison d'habitation et de ses annexes et la condamnation de la commune de Lescure-d'Albigeois à leur payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estimaient avoir subi du fait des indications

erronées données par les autorités municipales avant la vente de leur t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... et M. C... D... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés des 31 juillet 2014 et 8 juillet 2015 par lesquels le maire de Lescure-d'Albigeois a délivré à M. A... un permis de construire et un permis de construire modificatif en vue de l'implantation d'une maison d'habitation et de ses annexes et la condamnation de la commune de Lescure-d'Albigeois à leur payer la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estimaient avoir subi du fait des indications erronées données par les autorités municipales avant la vente de leur terrain.

Par un jugement n° 1505821 du 12 décembre 2017, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Lescure-d'Albigeois à verser la somme de 10 000 euros aux consorts D... et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril et 21 novembre 2018, les consorts D..., représentés par Me H..., demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1505821 du 12 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a limité à 10 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Lescure-d'Albigeois ;

2°) de porter à 100 000 euros le montant de l'indemnité ;

3°) de mettre à la charge de commune de Lescure-d'Albigeois le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne leurs sont pas opposables ; ils n'ont jamais entendu contester la régularité des autorisations d'urbanisme dont a bénéficié M. A... ;

- leurs écritures devant les premiers juges pouvaient aisément être interprétées dans le sens d'une demande de condamnation de la commune à les indemniser des préjudices subis ;

- la commune ne lui a pas opposé l'absence de réclamation préalable en première instance et a donc lié le contentieux ;

- la commune n'a jamais contesté la fausseté des informations qui leur ont été communiquées sur la constructibilité de leur terrain ;

- il n'y a eu aucune négligence fautive de leur part ; ils n'avaient pas à aller vérifier la véracité des informations transmises par la commune quant à l'existence d'une impossibilité de construire sur la majeure partie de la parcelle ; la commune n'a accepté qu'avec beaucoup de difficultés de délivrer un certificat d'urbanisme sur une partie limitée de la parcelle ;

- ils ne pouvaient se prévaloir du certificat d'urbanisme délivré le 14 août 2013 dès lors qu'il s'inscrit également dans la limite de constructibilité indiquée par la commune ; ce certificat est intervenu postérieurement au compromis de vente et donc à la fixation du prix ;

- le terrain a été mis en vente à un prix de 200 000 euros ; un prix de vente a été oralement arrêté à la somme de 170 000 euros puis à celle de 70 000 euros après la faute de la commune.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 septembre 2018 et 12 février 2019, la commune de Lescure d'Albigeois, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1505821 du 12 décembre 2018 en tant que le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser la somme de 10 000 euros aux consorts D... ;

2°) de rejeter les demandes indemnitaires présentées par ces derniers devant le tribunal administratif de Toulouse ;

3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge solidaire des consorts D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Il soutient que :

- les prescriptions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme n'ont pas été respectées ;

- le jugement est irrégulier dès lors que la demande de première instance ne comportait pas de conclusions au sens de l'article R. 411-1 du code de l'urbanisme ; les premiers juges ont interprété les écritures avec trop de libéralisme et ont identifié des conclusions qui n'y figuraient pas ;

- les conclusions indemnitaires n'ont pas été précédées d'une réclamation préalable ;

- aucun élément ne permet d'établir la réalité des fautes invoquées ; en informant les requérants de ce que le projet de révision du PLU prévoyait de classer la parcelle concernée en zone agricole, la commune a fait oeuvre de conseil avisé et a parfaitement informé les propriétaires du devenir de leur parcelle ; aucun refus n'a jamais été opposé ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces en estimant qu'un extrait de plan cadastral faisant apparaître la limite de constructibilité avait pu induire les requérants en erreur ; le plan communiqué le 2 avril 2016 devant le tribunal administratif ne comporte pas l'indication d'une limite de constructibilité ;

- à titre subsidiaire, la faute n'est pas prouvée ; les certificats d'urbanisme indiquent que toute la parcelle est constructible ;

- à titre infiniment subsidiaire, le montant de 100 000 euros n'est pas justifié ; aucun élément ne vient établir la réalité d'un projet de lotissement ou de division parcellaire ; M. A... atteste n'avoir jamais formulé d'offre à hauteur de 170 000 euros ; ce montant ne ressort d'aucune pièce et dépasse de loin le prix du marché ; le certificat d'urbanisme du 23 janvier 2013 cristallise les droits à construire pour dix-huit mois ; il n'y a aucune faute de la commune ;

- il y a faute de la victime qui n'ont pas tiré profit des informations figurant sur les certificats d'urbanisme ; il y a faute éventuelle du notaire qui les a accompagnés dans l'acte de cession.

Par ordonnance du 12 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 12 décembre 2019 à 12h00.

Mme G... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 1er mars 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F... E...,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de Me H..., représentant des consorts D....

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts D... relèvent appel du jugement n° 1505821 du 12 décembre 2017 en tant que le tribunal administratif de Toulouse a limité à 10 000 euros l'indemnité que la commune de Lescure-d'Albigeois a été condamnée à leur verser. Ils demandent que l'indemnité soit portée à 100 000 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune de Lescure-d'Albigeois demande à la cour d'annuler ce jugement et le rejet des conclusions à fin d'indemnisation.

2. Il résulte de l'instruction les consorts D... ont cédé un terrain de presque 4 496 m² à M. A... le 5 novembre 2013 au prix de 70 000 euros. Ils soutiennent que les conditions financières de cette vente leur ont été défavorables en raison des indications erronées qui leur auraient été délivrées par les responsables municipaux en ce qui concerne la constructibilité de ce terrain. Ils font valoir qu'assurés par plusieurs élus municipaux que seule la partie de leur terrain située le long du chemin de Gaillagués, pour une surface de 1 200 m², était constructible en raison du classement prévu de l'autre partie en zone agricole dans le projet de modification du plan local d'urbanisme, ils ont renoncé à leur projet initial de lotissement et ont dû accepter de minorer le prix de cession de ce terrain, initialement arrêté à la somme de 170 000 euros, à la somme de 70 000 euros. Ce n'est qu'après avoir constaté que M. A... avait obtenu un permis de construire une maison sur la partie du terrain qu'ils pensaient inconstructible qu'ils ont réalisés que la commune les avait induits en erreur.

3. Il résulte de l'instruction, qu'à la date à laquelle les consorts D... ont vendu leur parcelle, le plan d'occupation des sols applicable sur le territoire communal, qui avait été révisé en 2001 et modifié en 2007, classait l'ensemble de la parcelle en litige en zone constructible. Ce n'est qu'à compter de l'approbation du nouveau plan local d'urbanisme, le 9 octobre 2014, qu'une partie de cette parcelle a été classée en zone agricole. Le certificat d'urbanisme délivré le 23 janvier 2013, avant la signature du compromis de vente avec M. A... intervenue le 24 mai 2013, faisait d'ailleurs état du classement intégral de cette parcelle en zone UC et garantissait ainsi aux futurs acquéreurs des droits à construire durant dix-huit mois. Les requérants étaient donc informés, avant la signature de leur compromis de vente, que la totalité du terrain dont ils étaient propriétaires était constructible. Le caractère intégralement constructible de cette parcelle leur a encore été confirmé par la délivrance d'un nouveau certificat d'urbanisme le 9 août 2013, avant la conclusion de la transaction qui n'est intervenue que le 5 novembre suivant. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait fourni des informations erronées sur la constructibilité de leur parcelle.

4. Il résulte encore de l'instruction que les seules informations fournies par les responsables municipaux portaient sur les possibles incidences du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration en ce qui concernait la constructibilité future de la parcelle en litige.

5. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préjudice qu'ils estiment avoir subi est consécutif à une faute imputable à la commune.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement ou la recevabilité de la requête, que la commune de Lescure-d'Albigeois est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser la somme de 10 000 euros aux consorts D....

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de la commune de Lescure-d'Albigeois les frais que les consorts D... indiquent avoir exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des consorts D... le paiement à la commune de la somme qu'elle sollicite sur ce même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1505821 du 12 décembre 2017 est annulé en tant qu'il condamne la commune de Lescure-d'Albigeois à verser la somme de 10 000 euros aux consorts D....

Article 2 : Les conclusions à fin d'indemnisation présentées en première instance par les consorts D... sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la commune de Lescure-d'Albigeois est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à M. C... D... et à la commune de Lescure-d'Albigeois.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. F... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 février 2020.

Le rapporteur,

Stéphane E... Le président,

Philippe PouzouletLe greffier,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au préfet du Tarn en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 18BX01653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01653
Date de la décision : 20/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Causes exonératoires de responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Stéphane GUEGUEIN
Rapporteur public ?: Mme LADOIRE
Avocat(s) : GRAVELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-02-20;18bx01653 ?
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