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10/03/2020 | FRANCE | N°19BX00337

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 10 mars 2020, 19BX00337


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe le 3 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 janvier 2019, la commune de Petit-Canal, représentée par la SELARL Droits et territoires, demande :

1°) l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2018 par lequel le préfet de la Guadeloupe a autorisé la SAS Quadran à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur son territoire ;

2°) la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500

euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe le 3 janvier 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 24 janvier 2019, la commune de Petit-Canal, représentée par la SELARL Droits et territoires, demande :

1°) l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2018 par lequel le préfet de la Guadeloupe a autorisé la SAS Quadran à exploiter une installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent sur son territoire ;

2°) la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- l'arrêté attaqué ne tient pas compte de la circonstance que le permis de construire le parc en litige, accordé à la société Quadran, a été transféré à une autre société le 30 octobre 2017 ;

- la commune s'est toujours opposée au projet, le conseil municipal n'a pas été consulté et les avis du maire sont trop anciens par rapport à l'évolution du projet ;

- le projet est incompatible avec la volonté de l'Etat de classer le secteur dans lequel le projet est prévu en site remarquable ;

- l'étude d'impact est insuffisante concernant l'atteinte portée par le projet aux paysages ;

- le projet porte atteinte aux paysages ;

- les prescriptions prévues à l'article 7.2 de l'arrêté attaqué sont insuffisantes ;

- ajouté aux parcs existants, le projet crée un risque de saturation visuelle ;

- la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers n'a pas été consultée ;

- le commissaire-enquêteur a manqué d'objectivité ;

- le projet va porter atteinte à une zone à dominante agricole et touristique, en méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; l'arrêté est donc entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le projet va entraîner une dépréciation des maisons d'habitation existantes à proximité.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2019 au greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe, le préfet de la Guadeloupe conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête est irrecevable car elle est fondée sur les mêmes moyens que ceux écartés par le tribunal administratif de la Guadeloupe dans son jugement du 12 juin 2018.

Par une ordonnance n° 1900003 du 25 janvier 2019, enregistrée au greffe de la cour le 25 janvier 2019, le président du tribunal administratif de la Guadeloupe a transmis le dossier à la cour.

Par un mémoire, enregistré le 4 mars 2019, la société Quadran, représentée par LPA CGR avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Petit-Canal une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le maire ne justifie pas avoir été régulièrement habilité à agir en justice au nom de la commune ;

- la commune ne justifie pas de son intérêt à agir ;

- la commune ne peut plus invoquer les moyens qui ont été définitivement écartés par le tribunal administratif de la Guadeloupe en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement dans son jugement du 12 juin 2018 rendu à propos de l'arrêté préfectoral du 15 décembre 2016 que l'arrêté attaqué ne fait que régulariser ;

- les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que les moyens soulevés ont déjà été écartés par le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 12 juin 2018 qui a annulé l'arrêté du préfet du 15 décembre 2016 en tant que le préfet n'avait pas préalablement recueilli l'avis favorable du conseil régional ;

- les moyens soulevés par la commune requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 20 novembre 2019 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Romain Roussel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société Quadran.

Considérant ce qui suit :

1. La société Quadran a déposé, le 19 septembre 2014, une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent composée de 10 éoliennes sur le territoire de la commune de Petit-Canal (Guadeloupe). Par arrêté du 15 décembre 2016, le préfet de la Guadeloupe a accordé cette autorisation. Par jugement n° 1700403 du 12 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé la phase de décision de l'instruction ayant conduit à cet arrêté, en tant que le préfet n'a pas recueilli l'avis favorable du conseil régional, et a enjoint au préfet de reprendre l'instruction. La commune de Petit-Canal demande l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2018 par lequel le préfet de la Guadeloupe a accordé à la société Quadran l'autorisation qu'elle sollicitait.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

2. Aux termes du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

3. Aux termes de l'article L. 181-9 du code de l'environnement : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : 1° Une phase d'examen ; 2° Une phase d'enquête publique ; 3° Une phase de décision (...) ".

4. Les dispositions précitées de l'article L. 181-18 du code de l'environnement prévoient que le juge peut, après avoir constaté que les autres moyens dont il est saisi ne sont pas fondés, soit surseoir à statuer pour permettre la régularisation devant lui de l'autorisation environnementale attaquée lorsque le ou les vices dont elle est entachée sont susceptibles d'être régularisés par une décision modificative, soit limiter la portée ou les effets de l'annulation qu'il prononce si le ou les vices qu'il retient n'affectent qu'une partie de la décision ou une phase seulement de sa procédure d'instruction. En tant qu'il prévoit l'annulation d'une phase de l'instruction, le 1° du I de l'article L. 181-18 trouve à s'appliquer lorsque le juge constate un vice de procédure affectant la légalité de la décision et qui concerne une des trois phases de l'instruction de la demande définies à l'article L. 181-9 du code de l'environnement. Elles n'ont pas pour objet de dispenser le juge, s'il n'estime pas pouvoir surseoir à statuer en vue d'une régularisation de prononcer l'annulation, selon le cas, de l'autorisation dans son ensemble ou d'une partie divisible de celle-ci, mais elles l'invitent à indiquer expressément dans sa décision quelle phase doit être regardée comme viciée, afin de simplifier la reprise de la procédure administrative en permettant à l'administration de s'appuyer sur les éléments non viciés pour prendre une nouvelle décision. Dans les deux cas, le texte prévoit que le juge peut demander à l'administration de reprendre l'instruction. Cette nouvelle instruction devra déboucher sur une nouvelle décision portant, en cas d'annulation totale, sur l'ensemble de la demande d'autorisation environnementale et, en cas d'annulation d'un élément divisible, sur ce seul élément.

5. Lorsque, en application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le juge de l'autorisation environnementale a limité l'annulation qu'il prononce à une des phases de la procédure d'instruction, telles que prévues par l'article L. 181-9 du même code, un requérant ne peut, à l'appui de la contestation du nouvel acte pris à l'issue de la reprise de la procédure administrative, utilement invoquer que des moyens affectant sa légalité externe et contester la régularité de la reprise de la procédure administrative. Il ne peut utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision d'annulation partielle ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la reprise de la procédure administrative.

6. Par son jugement du 12 juin 2018, le tribunal administratif de la Guadeloupe, saisi par la commune de Petit-Canal, a, après avoir écarté les autres moyens, considéré que le préfet avait omis de recueillir l'avis favorable du conseil régional avant de prendre l'arrêté du 15 décembre 2016. Il a alors, en application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, prononcé l'annulation de la seule phase d'instruction de la demande de la société Quadran visée au 3° de l'article L. 181-9 du code de l'environnement et a enjoint au préfet de reprendre l'instruction de la demande à cette phase. Après avoir recueilli l'avis favorable du conseil régional, émis le 24 février 2017, le préfet a pris une nouvelle décision, par arrêté du 11 septembre 2018, qui ne porte que sur ce seul élément. La commune de Petit-Canal, qui n'a pas fait appel du jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 12 juin 2018, demande dans la présente instance, dont le dossier a été transmis à la cour en application de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, l'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 septembre 2018.

7. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 5 ci-dessus, la commune de Petit-Canal ne peut utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté du 11 septembre 2018 ni des moyens relatifs aux phases d'instruction visées au 1° et 2° de l'article L. 181-9 du code de l'environnement, ni des moyens de légalité interne définitivement écartés par le tribunal administratif de la Guadeloupe dans son jugement du 12 juin 2018.

8. En second lieu, la circonstance que le permis de construire délivré à la société Quadran pour la réalisation du projet en litige a été transféré à une autre société le 30 octobre 2017 est, par elle-même, sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué dans la présente instance.

9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la commune de Petit-Canal n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 11 septembre 2018.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Petit-Canal au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Petit-Canal une somme de 1 500 euros à verser à la société Quadran en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Petit-Canal est rejetée.

Article 2 : La commune de Petit-Canal versera à la société Quadran une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Petit-Canal, au ministre de la transition écologique et solidaire et à la SAS Quadran. Copie sera transmise au préfet de la Guadeloupe et au ministre des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Romain Roussel, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

Romain RousselLa présidente,

Elisabeth B...La greffière,

Virginie Marty

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX00337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00337
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENERGIE - AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE - ANNULATION D'UNE PHASE D'INSTRUCTION SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 181-18 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT (1) - MOYENS INVOCABLES À L'ENCONTRE DE L'ACTE PRIS À L'ISSUE DE LA REPRISE DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE (2).

29-035 Lorsque, en application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le juge de l'autorisation environnementale a limité l'annulation qu'il prononce à une des phases de la procédure d'instruction, telles que prévues par l'article L. 181-9 du même code, le requérant ne peut, à l'appui de la contestation du nouvel acte pris à l'issue de la reprise de la procédure administrative, utilement invoquer que des moyens affectant sa légalité externe et contester la régularité de la reprise de la procédure administrative. Il ne peut utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision d'annulation partielle ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la reprise de la procédure administrative.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSÉES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE - ANNULATION D'UNE PHASE D'INSTRUCTION SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE L - 181-18 DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT (1) - MOYENS INVOCABLES À L'ENCONTRE DE L'ACTE PRIS À L'ISSUE DE LA REPRISE DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE (2).

44-02 Lorsque, en application du 1° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, le juge de l'autorisation environnementale a limité l'annulation qu'il prononce à une des phases de la procédure d'instruction, telles que prévues par l'article L. 181-9 du même code, le requérant ne peut, à l'appui de la contestation du nouvel acte pris à l'issue de la reprise de la procédure administrative, utilement invoquer que des moyens affectant sa légalité externe et contester la régularité de la reprise de la procédure administrative. Il ne peut utilement soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision d'annulation partielle ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la reprise de la procédure administrative.


Références :

(1) CE Avis 22/03/2018 n°415852 A Association Novissen et autres, ,(2) Comp., sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, CE 18/06/2014 n° 376760 A Société Batimalo et autres et, sur le fondement de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, CE 29/06/2018 n°395963 A Commune de Sempy.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Romain ROUSSEL
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : DROITS ET TERRITOIRES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-10;19bx00337 ?
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