La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/03/2020 | FRANCE | N°18BX01944

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 12 mars 2020, 18BX01944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1601977 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 10 941 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mai 2018 et les 30 j

uillet, 24 octobre et 4 novembre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1601977 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Pau a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 10 941 euros et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mai 2018 et les 30 juillet, 24 octobre et 4 novembre 2019, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Pau du 15 mars 2018;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il reste assujetti au titre des années 2011 et 2012 à hauteur de la somme de 22 633 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les pièces récupérées lors de l'exercice du droit de communication qui ont permis à l'administration de qualifier diverses sommes de recettes imposables à la TVA doivent lui être communiquées ; l'absence de communication de ces documents constitue une atteinte grave aux droits du redevable de présenter ses observations et une absence de justification des impositions ;

- les impositions sont infondées dès lors que l'évaluation des bénéfices de la SCCV présente un caractère exagéré ;

- l'administration n'est pas fondée à maintenir que l'année 2010 n'a pas été vérifiée et ses résultats validés par la vérificatrice ; au 31 décembre 2010, il existait un déficit reportable de 1 200 euros et un stock de 549 899 euros ; dans la mesure où la vérificatrice a reconnu et accepté les résultats de l'année 2010, l'administration ne peut ignorer l'existence du stock existant au 31 décembre 2010, élément qui doit être utilisé pour déterminer les résultats de l'année 2011 ;

- sa part du déficit reportable de l'année 2010 de 1 200 euros devait être imputée au titre de l'année 2011 sur les revenus tirés de la SCCV qui présentent un caractère non professionnel ;

- s'agissant des produits, dans la mesure où la méthode de reconstitution que l'administration indique avoir utilisée pour reconstituer les produits est constituée par les crédits bancaires, la somme de 50 000 euros qui ne figure pas au crédit du compte bancaire de la société ne saurait constituer un produit taxable ; la somme de 19 462 euros ne peut être considérée comme un produit imposable en présence d'une comptabilité tenue hors taxe ; les avances de trésorerie ainsi que les apports en compte courant d'un associé ne constituent pas des produits ; le montant à retenir pour les produits ne saurait être supérieur à 6 528, 75 euros ;

- il n'a pas été tenu compte d'un certain nombre de charges engagées par la société ; le montant des charges non déduites s'élève au total à 44 161, 22 euros ;

- la reconstitution du bénéfice aboutit à la constatation de déficits ayant pour conséquence des bases imposables à l'impôt sur le revenu égales à 0.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 26 novembre 2018, le 11 octobre 2019 et le 31 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement de 2 665 euros prononcé le 24 septembre 2018 et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- le déficit de 1 200 euros constaté à la clôture de l'exercice 2010, ne pouvait qu'être imputé sur le revenu global de la même année ;

- aucun document probant n'est produit pour justifier que les remises de chèques considérées par le service vérificateur comme des recettes, seraient en réalité des avances de trésorerie ou des dépôts en compte courant comme le prétend l'appelant ;

- aucune comptabilité n'ayant été produite, le requérant ne démontre pas l'existence d'une charge à déduire pour l'année 2011 par la seule existence d'un stock inscrit en comptabilité à la clôture de l'exercice précédent ;

- compte tenu des nouvelles factures jointes en appel, les charges d'un montant total HT de 39 753,14 euros sont admises en déduction du bénéfice de la SCCV ; le résultat corrigé s'élève dès lors à 67 815 euros justifiant un dégrèvement partiel des impositions en litige.

Par ordonnance du 14 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 novembre 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est associé, à hauteur de 15 % des parts, de la société civile de construction vente (SCCV) " le domaine de Saint Roch ", société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes relevant des dispositions de l'article 8 du code général des impôts. Il relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Pau a, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 10 941 euros, rejeté le surplus de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2012 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, évalués d'office par l'administration à l'issue de la vérification de comptabilité de la SCCV " le domaine de Saint Roch ".

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision en date du 24 septembre 2018, postérieure à l'introduction de la requête d'appel, l'administration a prononcé un dégrèvement partiel des impositions en litige, d'un montant de 2 665 euros en droits et pénalités, correspond à la prise en compte, au titre des charges déductibles, de certaines factures produites pour la première fois en appel. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée.

5. À défaut pour M. A... d'avoir pu présenter la comptabilité de l'entreprise, l'administration s'est trouvée contrainte d'en reconstituer le chiffre d'affaires en exploitant, par l'exercice du droit de communication, les renseignements obtenus de la Banque Populaire et de la société Innov'steel Europe. Le détail des opérations retenues a été annexé à la proposition de rectification. En l'absence de demande de la part de M. A..., l'administration n'était pas tenue de communiquer d'office les documents ainsi obtenus, dont l'origine était mentionnée dans la proposition de rectification et sur lesquels elle s'est fondée pour évaluer le chiffre d'affaires de l'entreprise. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. En vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, comme ce fut le cas de la détermination du montant des bénéfices industriels et commerciaux de la SCCV " le domaine de Saint Roch ", au titre des années 2011 et 2012, dont M. A... est le gérant et associé, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. M. A..., qui ne conteste pas le recours à la procédure de la taxation d'office, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré du montant du chiffre d'affaires reconstitué par l'administration.

En ce qui concerne le déficit et les stocks constatés au titre de l'exercice clos en 2010 :

7. M. A... reprend en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux ni de critiques utiles du jugement, les moyens tirés de ce qu'il était en droit d'imputer sur son revenu global dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sa part de déficit reportable de l'année 2010, d'un montant de 1 200 euros, et de ce qu'il existait un stock de 549 899 euros au 31 décembre 2010. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

En ce qui concerne le chiffre d'affaires reconstitué :

8. Aux termes des dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Par ailleurs, aux termes du 1 de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges : 1° Les frais généraux de toute nature (...) 4° (...) les impôts à la charge de l'entreprise, mis en recouvrement au cours de l'exercice (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Toutefois, pour être admis en déduction des bénéfices imposables, les frais et charges doivent être exposés dans l'intérêt direct de l'exploitation, se rattacher à la gestion normale de l'entreprise ou correspondre à une charge effective.

9. En outre, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, en particulier par la production d'une facture régulièrement émise par un tiers, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

10. En l'espèce, confrontée à l'absence de présentation de documents comptables, l'administration a déterminé le chiffre d'affaires de la SCCV sur la base des encaissements reconstitués à partir des relevés bancaires obtenus dans le cadre du droit de communication exercé auprès de la Banque Populaire de Biarritz et des seuls documents et justificatifs produits au cours du contrôle. Puis, elle a également accepté de retenir, en déduction des dépenses exposées dans l'intérêt direct de la société, les dépenses appuyées des justifications - qui n'avaient pas été produites avant la saisine du juge de l'impôt - de plusieurs factures de travaux, à l'origine des dégrèvements prononcés en cours d'instance devant le tribunal le 24 avril 2017 et devant la cour le 24 septembre 2018. En conséquence, le montant global des charges admises par l'administration dans la proposition de rectification et des charges supplémentaires admises en cours d'instance devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d'appel s'est élevé à 1 066 554 euros.

11. En premier lieu, pour justifier de charges supplémentaires, M. A... produit divers documents. Cependant, faute d'avoir présenté une comptabilité lors des opérations de vérification, l'appelant a mis l'administration dans l'impossibilité d'établir si les charges en cause avaient été exposées dans l'intérêt direct de la SCCV " le domaine de Saint Roch " ou correspondaient à une charge de celle-ci et seraient déductibles du bénéfice imposable qui, par suite, a été évalué d'office alors que le service a également constaté plusieurs anomalies et incohérences concernant ces documents qui, pour certains, ne correspondent pas à des factures ou ne sont pas libellés au nom de la SCCV " le domaine de Saint Roch ". En outre, s'agissant des factures produites, elles ne permettent pas d'établir si les frais et charges en résultant répondaient aux conditions requises et qui viennent d'être rappelées. En effet, M. A..., auquel incombe la charge de la preuve de justifier du montant des charges qu'il entend déduire de son bénéfice imposable, en s'abstenant de produire sa comptabilité, ainsi qu'il a été dit, ne fournit pas d'élément justifiant le caractère déductible de ces montants. Dès lors, il n'apporte pas la preuve que le bénéfice net de la société précitée arrêté d'office par le service est exagéré. En conséquence, il ne démontre pas l'exagération des suppléments d'impôt sur le revenu litigieux.

12. En second lieu, M. A... conteste la prise en compte par le service de certains produits en faisant valoir que la somme de 50 000 euros correspond à une transaction concernant les affaires personnelles d'un associé et que la somme de 19 462 euros correspond à un remboursement d'impôt qui ne peut être considérée comme un produit imposable en présence d'une comptabilité tenue hors taxe. Il n'apporte toutefois à l'appui de ses allégations aucun élément de nature à établir que les sommes en cause ne peuvent être regardées comme des produits se rapportant à l'activité de la société précitée. En outre, aucun document probant n'est produit pour justifier que les remises de chèques, considérées par le service vérificateur comme des recettes, seraient en réalité des avances de trésorerie ou des dépôts en compte courant comme le soutient M. A....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel n'est pas entaché d'omissions à statuer, le tribunal administratif a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions en décharge des suppléments d'imposition restant en litige doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme à verser à M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A..., à concurrence du dégrèvement prononcé le 24 septembre 2018.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme D... E..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

Le rapporteur,

Florence E...

Le président,

Eric Rey-Bèthbéder

Leagreffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 18BX01944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 18BX01944
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : BRUNNER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-12;18bx01944 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award