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16/03/2020 | FRANCE | N°19BX03780

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 mars 2020, 19BX03780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté en date du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900143 du 9 mai 2019 le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2019, M. D... E..., r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté en date du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1900143 du 9 mai 2019 le tribunal administratif de Limoges a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2019, M. D... E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 9 mai 2019 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 21 janvier 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, et subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de vingt jours à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien dans la mesure où son médecin qu'un suivi régulier de son état de santé est vital et qu'il est préférable qu'il poursuivre son traitement par la Coumadine alors que ce traitement n'est pas commercialisé en Algérie ni, non plus, le Pantoprazole qui lui est également prescrit ; pour les mêmes motifs il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale au regard de l'illégalité entachant la décision portant refus de séjour qui la fonde ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de séjour ; le préfet n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation et a ainsi commis une erreur de droit ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'un défaut de motivation en fait ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale au regard de l'illégalité entachant la décision portant refus de séjour qui la fonde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 janvier 2020, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête de M. E....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2020 à midi.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 5 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien, né le 31 décembre 1956, est entré en France, le 22 décembre 2015, où il a bénéficié en raison de son état de santé d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " valable du 1er août 2016 au 31 juillet 2017, dont la demande de renouvellement a fait l'objet d'un arrêté en date du 17 juillet 2017 du préfet de la Haute-Vienne portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une mesure d'éloignement, dont la légalité a été confirmé par un arrêt de la cour n° 18BX01865 du 20 février 2019. Il relève appel du jugement en date du 9 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco- algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins mentionné à l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Il appartient au juge, pour contrôler si l'administration a correctement apprécié les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie, de se prononcer au vu de l'ensemble des éléments du dossier. Lorsque le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que les soins nécessaires étaient disponibles dans ce pays, il appartient à l'étranger d'apporter tous éléments probants de nature à contredire cette affirmation.

3. Selon l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 8 octobre 2018, l'état de santé de M. E... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque.

4. M. E... produit plusieurs certificats médicaux, et notamment ceux du docteur Darodes, praticien hospitalier à Limoges, en date des 30 avril 2018 et 29 avril 2019, et du docteur Latreche, exerçant au service de réanimation de Sidi Ali (Algérie), du 22 août 2017, desquels il ressort, d'une part, qu'il souffre d'une insuffisance aortique avec anévrisme de l'aorte ascendante, pathologie pour laquelle il a bénéficié de l'implantation d'une valve mécanique aortique et d'un tube sur l'aorte ascendante sans réimplantation des coronaires. Les suites de cette intervention ne présentent aucune anomalie. Le traitement qui lui est administré associe de la Coumadine, de l'Atenolol et du Pantoprazole et son état cardiaque nécessite une surveillance médicale régulière, et d'autre part, qu'il est préférable qu'il poursuive un traitement par Coumadine non substituable eu égard à la difficulté d'équilibrer son INR alors que la Coumandine et le Pantoprazole ne sont pas disponibles en Algérie actuellement.

5. Toutefois, le préfet de la Haute-Vienne, qui s'est notamment fondé sur l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le 8 octobre 2018 pour refuser de délivrer le titre séjour sollicité, a produit devant les premiers juges ainsi qu'en appel, des courriels en date des 8 août 2017, 30 novembre 2018 et 8 mars 2019 émanant du docteur Montagnon, conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France, qui indiquent, d'une part, que l'Acénocoumarol, anticoagulant de la catégorie des antivitamines K, équivalent de la Coumadine, est disponible en Algérie, que le contrôle du dosage de ce type de médicament fait partie des bases de la pratique médicale générale, cette surveillance s'opérant par le biais d'un examen courant réalisable par tout laboratoire d'analyses médicales en Algérie, et qu'une consultation cardiologique annuelle avec échographie est également facilement accessible en Algérie, d'autre part, que des travaux ont été réalisés pour déterminer les équivalences entre les principes actifs existants ainsi que le protocole permettant d'assurer la substitution entre les médicaments en toute sécurité pour le patient, et enfin que le Pantoprazole, qui n'est plus disponible en Algérie, est un inhibiteur de la pompe à protons comportant plusieurs principes actifs considérés comme équivalents par la Haute autorité de santé, notamment l'Omeprazole, l'Esomeprazole et le Lansoprazole, qui figurent pour leur part dans la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques disponibles en Algérie au 30 janvier 2019. Le préfet produit également la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage de la médecine humaine au 30 janvier 2019, publié par le ministère de la santé de la population et de la réforme hospitalière de la république algérienne démocratique et populaire, dont il ressort que l'Atenolol et l'Acénocoumarol sont disponibles. Dans ces conditions, le préfet de la Haute-Vienne en refusant de délivrer un certificat de résidence pour raison de santé à M. E..., n'a ni méconnu les stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ni commis d'erreur d'appréciation sur les possibilités d'accès effectif aux soins en Algérie au regard de son état de santé.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

6. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien n'est pas entachée d'illégalité, par suite, le moyen tiré de ce que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination seraient dépourvues de base légale doit être écarté.

7. En deuxième lieu, et contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ne ressort ni de la lecture de l'arrêté contesté ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne se serait cru, à tort, lié par le refus de titre de séjour pour faire obligation à M. E... de quitter le territoire français.

8. En troisième lieu, pour prendre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, le préfet de la Haute-Vienne, qui vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que l'intéressé fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le délai sans délai de départ volontaire, qu'il a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement non exécutée prise à son encontre le 17 juillet 2017, qu'il est entré en France le 22 décembre 2015 et qu'il ne démontre pas l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de ses liens personnels en France, ni être dépourvu de tels liens dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 59 ans. Par suite, le préfet de la Haute-Vienne a suffisamment motivé sa décision.

9. En dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 janvier 2019 par lequel le préfet de la Haute-Vienne lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 10 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre F..., président,

Mme C... B..., présidente assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2020.

La présidente assesseure,

Karine B...

Le président,

Pierre F...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX03780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03780
Date de la décision : 16/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : MARTY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-16;19bx03780 ?
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