La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2020 | FRANCE | N°19BX04047

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 16 mars 2020, 19BX04047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902703 du 24 juin 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregist

rés le 25 octobre 2019 et le 10 février 2020 à 11h49, M. A... D..., représenté par Me E..., demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté en date du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902703 du 24 juin 2019 le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 25 octobre 2019 et le 10 février 2020 à 11h49, M. A... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en date du 24 juin 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 5 février 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à son édiction ; cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; elle méconnaît son droit à être entendu, principe général du droit de l'Union européenne, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entré en France le 20 mars 2015 pour solliciter son admission au bénéfice de l'asile, il entretient une relation amoureuse avec une compatriote titulaire d'une carte de résident valable dix ans, avec laquelle il a eu une fille née le 28 octobre 2017, sa compagne est titulaire de l'allocation adulte handicapée et d'une carte de mobilité inclusion, dans ces conditions cette décision méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; pour les mêmes motifs cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la motivation de la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours démontre que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dans la mesure où il n'a pas été mis à même de présenter ses observations préalablement à son édiction ; cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- cette décision méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation concernant les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ;

- cette décision est privée de base légale au regard de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français qui la fonde ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen particulier ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 10 décembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2020 à midi.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 21 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. F... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant algérien, né le 12 décembre 1976 à Oran, est entré en France, selon ses déclarations, le 20 mars 2015, où il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile dont il s'est vu débouté par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 9 octobre 2017, qui a également déclaré irrecevable sa demande tendant au réexamen de son admission au bénéfice de l'asile par une décision en date du 18 mai 2018, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 11 décembre 2018. Il relève appel du jugement en date du 24 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. D... soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, par les moyens qu'il invoque, il se borne à critiquer le bien-fondé et non la régularité du jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 février 2019 :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. D..., dont la demande d'asile a été en dernier lieu et de manière définitive par une décision de la CNDA en date du 11 décembre 2018 entrait dans le champ d'application du 6° du I de l'article L. 511-1 où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français.

4. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté contesté, contrairement à ce que soutient le requérant, que le préfet a examiné la situation personnelle de M. D... en vérifiant, au vu des éléments dont il avait alors connaissance, qu'aucune circonstance ne faisait obstacle à une mesure d'éloignement. En particulier, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier, que M. D... aurait informé le préfet, avant l'édiction de la décision contestée, d'éléments relatifs à sa vie personnelle et familiale en France. Par suite, la circonstance que cet arrêté ne fasse pas mention de sa compagne et de leur enfant née le 28 octobre 2017 n'est pas de nature à l'entacher d'une insuffisance de motivation ni à révéler un défaut d'examen de sa situation.

5. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". L'intéressé soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire telle que prévue par les dispositions des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration. Toutefois, le législateur ayant entendu déterminer à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français, les dispositions précitées ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

6. D'autre part, si l'intéressé soutient que la décision contestée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance de son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne, il a toutefois été mis à même, dans le cadre de sa demande d'asile, de porter à la connaissance de l'administration et des instances chargées de l'asile l'ensemble des informations relatives à sa situation personnelle dont il souhaitait se prévaloir. Par ailleurs, il n'est ni établi ni même soutenu qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration des informations utiles avant que soit prise à son encontre la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

7. En dernier lieu, M. D... fait valoir qu'il est entré en France le 20 mars 2015 pour solliciter son admission au bénéfice de l'asile, qu'il a rencontré sa compagne en 2016 avec laquelle il a eu une fille née le 28 octobre 2017, sa compagne, qui bénéficie d'une carte de résident valable dix ans, est titulaire de l'allocation adulte handicapée et d'une carte de mobilité inclusion. Toutefois, M. D... n'établit pas par les pièces qu'il produit, notamment des témoignages peu circonstanciés, ni la continuité de son séjour en France depuis 2015, ni l'ancienneté et l'intensité de sa relation avec la mère de sa fille née le 28 octobre 2017, ni non plus qu'il participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant. Par ailleurs, M. D... ne se prévaut d'aucun élément particulier permettant d'évaluer son intégration sur le territoire français alors qu'il est constant qu'il a conservé des attaches en Algérie où demeurent notamment ses deux autres enfants mineurs, et où il a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de sa compagne, également de nationalité algérienne, rendrait indispensable sa présence à ses côtés, ni qu'il ferait obstacle à la poursuite de leur vie familiale dans leur pays d'origine. Enfin, si M. D... soutient qu'il souffre de troubles psychiatriques, il n'établit pas que son état de santé ferait obstacle à son éloignement. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision lui accordant un délai de départ volontaire :

8. En premier lieu, il ne ressort pas de la lecture de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D....

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, M. D... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, lequel a remplacé l'article 24 de la loi du 12 avril 2000.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, les moyens tirés de ce que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours aurait méconnu les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, il résulte de qui a été dit précédemment que la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas entachée d'illégalité, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire serait dépourvue de base légale doit être écarté.

12. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination de M. D... vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre il relève que l'intéressé est un ressortissant de nationalité algérienne faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas de la lecture de la décision contestée ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D....

14. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché la décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par voie de conséquence il y a lieu de rejeter ses conclusions à fins d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 10 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre F..., président,

Mme C... B..., présidente assesseure,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2020.

La présidente assesseure,

Karine B...

Le président,

Pierre F...

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04047
Date de la décision : 16/03/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre LARROUMEC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : DERKAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-03-16;19bx04047 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award