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11/05/2020 | FRANCE | N°18BX02636

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 11 mai 2020, 18BX02636


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 10 septembre 2012 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prononcé la déchéance de ses droits aux primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes et aides à la surface pour la campagne 2012, ainsi que la décision du 8 janvier 2013 rejetant son recours gracieux et la décision implicite du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt rejetant son recours hiérarchique du 8 mars 2013.

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ar un jugement n° 1301173 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler la décision du 10 septembre 2012 par laquelle le préfet des Pyrénées-Atlantiques a prononcé la déchéance de ses droits aux primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes et aides à la surface pour la campagne 2012, ainsi que la décision du 8 janvier 2013 rejetant son recours gracieux et la décision implicite du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt rejetant son recours hiérarchique du 8 mars 2013.

Par un jugement n° 1301173 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 15BX00613 du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par Mme C... contre ce jugement.

Par une décision n° 407084 du 5 juillet 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme C..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 30 juin 2016 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 18 février 2015, 25 février 2016 et 8 janvier 2020, Mme C..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 18 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du 10 septembre 2012 du préfet des Pyrénées-Atlantiques ;

3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Atlantiques de lui accorder le maintien des primes et aides communautaires pour la campagne 2012 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, outre les entiers dépens, le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son recours devant le tribunal administratif n'était pas tardif, compte-tenu du recours hiérarchique qu'elle a formé auprès du ministre ;

- le tribunal a fondé sa décision sur une disposition inappropriée à savoir la circulaire n° 2011/3013 du 23 février 2011 alors que la circulaire du 12 juillet 2011 trouvait à s'appliquer ;

- les conditions requises par les articles 26 et 27 du règlement CE n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 en sa partie II, permettant de qualifier un refus de contrôle ne sont pas remplies ;

- ces dispositions permettent en outre de faire précéder les contrôles d'un préavis en l'absence de l'exploitant pour éviter le refus de contrôle ; elle n'a pas bénéficié d'une possibilité de report du contrôle ;

- les agents de l'agence de services et de paiement font état d'un refus de contrôle formalisé par M. A... dont ils n'apportent pas la preuve ;

- M. A... ne disposait d'aucun mandat de sa part établi préalablement au contrôle ; elle ne peut être sanctionnée pour des faits imputables à un tiers, qui n'était pas son mandataire ; l'existence d'un mandat ne se présume pas ; c'est en cela qu'elle sollicitait l'annulation de la décision du préfet sur le fondement de la violation des droits de la défense en première instance.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 25 janvier 2016 et 18 juin 2019, le ministre en charge de l'agriculture conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le recours de Mme C... devant le tribunal administratif était tardif ;

- en tout état de cause, les moyens qu'elle présente ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 8 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été reportée au 5 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) n° 1290/2005, (CE) n° 247/2006 et (CE) n° 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) n° 1782/2003 ;

- le règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant notamment les modalités d'application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., exploitante agricole dans la commune de Lagor (Pyrénées-Atlantiques) a déposé, au mois de mai 2012, une demande de prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et d'aide à la surface pour la campagne 2012. A la suite d'un contrôle sur place diligenté par les services de l'agence de services et de paiement et de la direction départementale de la protection des populations, effectué de manière inopinée le 18 juin 2012, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé, le 10 septembre 2012, de prononcer la déchéance des droits de Mme C... aux primes et aides communautaires, pour la campagne 2012, motivée par un refus de contrôle de l'exploitation. Par un arrêt du 30 juin 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel de Mme C... à l'encontre du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Pau avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 septembre 2012, ensemble la décision du 8 janvier 2013 de rejet de son recours gracieux et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique. A la suite du recours en cassation qu'elle a présenté, le Conseil d'Etat, par une décision du 5 juillet 2018, a annulé l'arrêt du 30 juin 2016, motif pris de ce que la cour avait commis une erreur de droit, et lui a renvoyé l'affaire. Il y a donc à nouveau lieu de statuer sur la requête de Mme C....

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Par ailleurs, sauf dans le cas où des dispositions législatives ou réglementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l'objet dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. Cependant, en vertu du principe du non-cumul, le délai de recours contentieux n'est susceptible que d'une seule prorogation par la formation d'un recours administratif facultatif.

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a formé, le 7 novembre 2012, soit dans le délai de recours contentieux, un recours gracieux contre la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 10 septembre 2012 portant déchéance de ses droits aux primes et aides communautaires au titre de la campagne 2012, qui comportait la mention des voies et délais de recours. Au vu de ces mentions, Mme C... a formé un recours gracieux, que le même préfet a rejeté par un courrier daté du 8 janvier 2013, qui comportait la mention suivante : " Cette décision peut être contestée dans les deux mois suivant sa notification : par recours gracieux auprès de l'auteur de la décision ou par recours hiérarchique formé auprès du ministre de l'agriculture. L'absence de réponse dans un délai de deux mois fait naître une décision implicite de rejet qui peut elle-même être déférée au tribunal administratif dans les deux mois suivant la date de la notification, par recours contentieux devant le tribunal administratif ". Ainsi, à la lecture des mentions portées tant sur la décision initiale que sur la décision de rejet du recours gracieux, Mme C... pouvait raisonnablement penser pouvoir introduire un recours hiérarchique prorogeant le délai du recours contentieux et donc sans compromettre la recevabilité de son recours contentieux. Cette ambiguïté dans le rappel des règles de computation des délais a donc fait obstacle à que ce que le délai de recours contentieux courre avant la date de notification de la décision de rejet du recours hiérarchique de Mme C.... En effet, cette dernière, qui n'est pas une professionnelle du droit, a suivi les indications concernant les voies et délais de recours contenues dans la lettre du 8 janvier 2013 portant rejet de son recours gracieux, en formulant dans le délai de deux mois, soit le 8 mars 2013, un recours hiérarchique devant le ministre de l'agriculture. L'administration n'établissant pas la date de réception dudit recours, comme le prévoyait pourtant l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations alors en vigueur, le délai de recours contentieux ouvert contre la décision implicite de rejet qu'a opposé le ministre à ce recours hiérarchique n'a pu courir. Ainsi, le recours introductif d'instance de Mme C... devant le tribunal administratif, enregistré le 10 juillet 2013, ne peut être regardé comme frappé de forclusion.

5. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'agriculture, tirée de la tardiveté du recours introductif d'instance de Mme C... doit être écartée.

Au fond :

6. Aux termes de l'article 26 du règlement (CE) n° 1122/2009 de la Commission du 30 novembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d'application du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d'aide prévu pour le secteur vitivinicole : " 1. Les contrôles administratifs et les contrôles sur place prévus par le présent règlement sont effectués de façon à assurer une vérification efficace du respect des conditions d'octroi des aides ainsi que des exigences et des normes applicables en matière de conditionnalité. / 2. Les demandes concernées sont rejetées si l'agriculteur ou son représentant empêche la réalisation d'un contrôle sur place ".

7. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, dans son arrêt du 16 juin 2011 Marija Omejc (C-536/09), que la notion de représentant constitue une notion autonome du droit de l'Union et recouvre, lors des contrôles sur place, toute personne adulte, dotée de la capacité d'exercice, qui réside dans l'exploitation agricole et à laquelle est confiée au moins une partie de la gestion de cette exploitation, pour autant que l'agriculteur a clairement exprimé sa volonté de lui donner mandat aux fins de le représenter et, partant, s'est engagé à assumer tous les actes et toutes les omissions de cette personne.

8. Après avoir relevé, d'une part, que M. B... A... avait répondu à l'appel téléphonique des services de contrôle sur le numéro de la ligne fixe communiqué par Mme C... auxdits services et que, d'autre part, le rapport établi le 22 juin 2012 dont l'intéressée a été rendue destinataire indiquait expressément que M. A... avait refusé, en son nom, la réalisation du contrôle sans que Mme C... conteste utilement la réalité et le bien-fondé de ces éléments de contrôle, les premiers juges en ont déduit que M. A... devait ainsi être regardé comme ayant refusé, au nom de Mme C..., le contrôle inopiné diligenté dans l'exploitation de celle-ci le 18 juin 2012.

9. Cependant, il ne ressort aucunement des pièces du dossier ni que Mme C... pouvait être regardée comme ayant exprimé sa volonté de donner mandat à M. A... préalablement au contrôle, ni que celui-ci pouvait être regardé comme résidant dans l'exploitation agricole de Mme C... dont il aurait eu une partie de la gestion.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté son recours et à demander l'annulation des décisions du préfet des Pyrénées-Atlantiques des 10 septembre 2012 et 8 janvier 2013, ainsi que de celle du ministre chargé de l'agriculture ayant implicitement rejeté son recours hiérarchique.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique seulement que le préfet des Pyrénées-Atlantiques réexamine, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la demande de Mme C..., au titre de la campagne 2012, de versement des primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes et des aides à la surface.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros que demande Mme C... sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1301173 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 10 septembre 2012, ensemble la décision du 8 janvier 2013 de rejet du recours gracieux formé par Mme C... et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique du 8 mars 2013, sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, le droit de Mme C... au versement des primes au maintien du troupeau de vaches allaitantes et des aides à la surface au titre de la campagne 2012.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... C... et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 24 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme Karine Butéri, président-assesseur,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mai 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02636
Date de la décision : 11/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides à l'exploitation.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : SCP BONNET LABORIE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-11;18bx02636 ?
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