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14/05/2020 | FRANCE | N°18BX02827

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 14 mai 2020, 18BX02827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Bussière Galant :

- à effectuer les travaux de remise en état préconisés par l'expert dans son rapport déposé le 24 décembre 2015 ainsi que des travaux complémentaires permettant de prévenir la pollution de son étang, pour faire cesser l'emprise irrégulière, sur sa propriété, d'une canalisation d'évacuation des eaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- à lui verser la somme de 15 00

0 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'emprise irréguliè...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Bussière Galant :

- à effectuer les travaux de remise en état préconisés par l'expert dans son rapport déposé le 24 décembre 2015 ainsi que des travaux complémentaires permettant de prévenir la pollution de son étang, pour faire cesser l'emprise irrégulière, sur sa propriété, d'une canalisation d'évacuation des eaux, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

- à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'emprise irrégulière de cette canalisation ;

- à l'indemniser au titre de la servitude trentenaire et de le renvoyer à cet effet devant le juge de l'expropriation.

Par un jugement n° 1600195 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Limoges a condamné la commune de Bussière Galant à verser à M. B... une somme de 6 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé l'implantation irrégulière d'une canalisation de rejet d'eaux pluviales sur sa propriété, lui a enjoint de procéder à la régularisation de cette emprise à ses frais en installant une canalisation sur la propriété de M. B... dans le prolongement de celle en litige pour rejoindre à l'extrémité de sa propriété l'ancien fossé toujours ouvert et a rejeté le surplus de la demande présentée par M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 juillet 2018, la commune de Bussière Galant, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mai 2018 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable en ce que le contentieux n'est pas lié en l'absence de réclamation préalable ;

- la canalisation litigieuse est légale dès lors que la canalisation était instituée avant que M. B... ne fasse l'acquisition de son bien immobilier, et qu'il en avait connaissance ; sa responsabilité ne peut être engagée ;

- l'injonction, pour régulariser l'emprise et les nuisances qu'elle occasionne, d'installer une canalisation sur la propriété de M. B... dans le prolongement de celle en litige pour rejoindre à l'extrémité de sa propriété l'ancien fossé toujours ouvert, pose deux difficultés dans la mesure où elle implique la création d'une servitude sur la propriété de M. B... et où il fait abstraction du fait que le voisin en aval n'a pas donné son accord.

Par un mémoire, enregistré le 23 octobre 2018, M. B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête de la commune de Bussière Galant, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint à la commune d'effectuer les travaux préconisés par l'expert sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de réaliser des travaux complémentaires pour remédier au problème de pollution de l'eau recueillie par la canalisation, à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 25 000 euros au titre des préjudices subis et à la mise à la charge de la commune d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la commune ne sont pas fondés ;

- la commune a canalisé irrégulièrement la sortie du fossé bétonné qui sert d'exutoire à une canalisation située sous la chaussée de la route départementale n° 42 ; la quantité et la vitesse de l'eau dégrade sa propriété et contamine son étang ; les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire sont insuffisants, notamment pour remédier au problème de pollution de l'eau recueillie par la commune et déversée dans sa propriété ; il convient d'ajouter aux travaux préconisés par l'expert la mise en place d'un bac de décantation ou d'un filtre, ainsi qu'un système de pré-dépollution par séparateur hydrocarbure, déshuileur, dégraisseur ;

- de l'emprise irrégulière, résultent une érosion de sa propriété et la contamination de l'eau de son étang ; le préjudice moral et de jouissance est évalué à une somme de 25 000 euros ; le jugement sera réformé en ce qu'il a limité à 6 000 euros le montant des dommages et intérêts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... a acquis, par acte notarié du 11 mars 2010, une propriété cadastrée section AC n° 159 située chemin des Ribières sur le territoire de la commune de Bussière-Galant (Haute-Vienne). Après avoir constaté l'implantation, sur sa propriété, d'une canalisation recueillant les eaux pluviales des voies de circulation situées en amont de sa propriété, notamment la route départementale n° 42, M. B... a demandé, à de nombreuses reprises, au maire de Bussière-Galant de remédier aux désordres liés au rejet de ces eaux sur sa propriété, notamment la dégradation de son terrain et la contamination de l'eau de son étang. A défaut d'intervention de la commune, M. B... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges qui, par une ordonnance du 2 septembre 2015, a ordonné une expertise judiciaire. M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner la commune de Bussière-Galant à effectuer les travaux de remise en état préconisés par l'expert dans son rapport déposé le 24 décembre 2015 et à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'emprise irrégulière de cette canalisation. La commune de Bussière-Galant relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 6 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé l'implantation irrégulière d'une canalisation de rejet d'eaux pluviales sur sa propriété, lui a enjoint de procéder à la régularisation de cette emprise à ses frais en installant une canalisation sur la propriété de M. B... dans le prolongement de celle en litige pour rejoindre à l'extrémité de sa propriété l'ancien fossé toujours ouvert et a rejeté le surplus de la demande présentée par M. B.... Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la cour d'enjoindre à la commune de réaliser les travaux complémentaires pour remédier au problème de pollution de l'eau recueillie par la canalisation et de la condamner à lui verser une somme de 25 000 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction vigueur à la date d'enregistrement de la demande de première instance : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".

3. Les conclusions de M. B... tendant à ce que la commune de Bussière-Galant soit condamnée à l'indemniser des préjudices résultant pour lui de l'existence et du fonctionnement d'un ouvrage public destiné à permettre l'évacuation des eaux pluviales, étaient recevables même en l'absence de demande préalable indemnitaire adressée à la commune. Au demeurant, la commune a lié le contentieux en défendant au fond devant le tribunal administratif et en n'opposant une fin de non-recevoir qu'à titre subsidiaire.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la régularité de l'emprise :

4. Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations (...) ". L'article R. 152-1 du même code dispose : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de l'article L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15 ".

5. L'implantation d'une canalisation publique dans le sous-sol d'une parcelle appartenant à une personne privée, opération dépossédant les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement mise à exécution qu'après soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, soit, enfin, l'intervention d'un accord amiable conclu avec les propriétaires intéressés.

6. Si la commune fait valoir que la canalisation litigieuse existe depuis plusieurs décennies, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que la canalisation implantée sur la parcelle cadastrée AC n° 159 a été posée par la commune en 1996 pour corriger un problème d'érosion dû au fossé à l'air libre préexistant. Contrairement à ce que soutient la commune, la canalisation dont l'ancienneté est établie par le témoignage de la propriétaire de la parcelle cadastrée n° 54, est celle située sous la chaussée de la route départementale n° 42 et non celle qui a été implantée sur la parcelle de M. B.... Il résulte également de l'instruction que l'évacuation des eaux de la route et des terrains avoisinants s'effectuait via un fossé à ciel ouvert, traversant les parcelles 159, 124 et 123, créé pour détourner ces eaux des étangs. En premier lieu, si la commune fait valoir que la précédente propriétaire de la parcelle en litige ne s'est jamais plainte de la canalisation litigieuse et qu'elle avait connaissance de l'existence du fossé, il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait obtenu l'accord amiable des anciens propriétaires de la parcelle pour les travaux concernant la canalisation en litige. En deuxième lieu, il est constant que l'acte de vente du 11 mars 2010 ne mentionne aucune servitude en rapport avec l'ouvrage litigieux et si la commune se prévaut des termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime pour mettre en exergue le fait que la canalisation n'est pas implantée dans la cour ou le jardin de M. B..., il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait engagé une procédure en vue d'obtenir l'établissement de ladite servitude conformément aux articles R. 152-2 à R. 152-15 du même code. Enfin, la seule circonstance que M. B... aurait eu connaissance de l'orifice de la canalisation et du large trou d'érosion à son débouché à la date de la signature du contrat de vente n'est pas de nature à démontrer le caractère régulier de l'emprise litigieuse. Dans ces conditions, et alors qu'il n'est pas même allégué qu'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique aurait été engagée, les premiers juges ont pu estimer à juste titre que l'implantation de la canalisation litigieuse devait être regardée comme ayant été exécutée sans titre.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Bussière-Galant n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Limoges a déclaré cette emprise irrégulière.

En ce qui concerne le dysfonctionnement de l'ouvrage :

8. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

9. Il résulte de l'instruction que l'implantation de la canalisation sur la parcelle cadastrée AC n° 159, sur une longueur d'un mètre et d'un diamètre intérieur de 350 mm, induit, d'une part, eu égard à la violence et à la quantité du flot évacué notamment en cas d'orage, une érosion du terrain au débouché de la canalisation et, d'autre part, en raison de la déclivité du terrain et à la ruine du fossé existant, une pollution des eaux de l'étang situé sur la propriété de M. B.... La circonstance, au demeurant non établie, que les propriétaires des parcelles cadastrées AC n° 124 et 123 auraient accepté de recevoir l'évacuation des eaux pluviales ne permet pas d'exonérer la commune, responsable, en agglomération, de l'évacuation des eaux du domaine public provenant de la route départementale n° 42. Par ailleurs, si la commune fait valoir que M. B... aurait détérioré l'ouvrage ou ne l'aurait pas correctement entretenu, elle n'établit pas ses allégations en se bornant à indiquer que le fossé était opérationnel en 2002. Au surplus, le rapport d'expertise indique sur ce point que " le changement de parcours des eaux est intervenu avant l'arrivée de M. B..., en atteste la trace déjà fortement estompée du fossé sur le cliché de 2009 ". Par suite, M. B... est fondé à demander la réparation du préjudice que lui a causé le fonctionnement défectueux de l'ouvrage public implanté irrégulièrement sur sa propriété.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

11. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de façon irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

12. En second lieu, lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.

13. Afin de régulariser la canalisation implantée irrégulièrement et de faire cesser les dommages résultant du fonctionnement défectueux de cette même canalisation, l'expert propose, au vu de la topographie des lieux, de conserver l'ouvrage existant et de le prolonger afin de réaménager le transit des eaux à travers la propriété de M. B... jusqu'à l'extrémité de l'ancien fossé toujours ouvert en limite de propriété de la parcelle cadastrée AC n° 124. Les premiers juges ont enjoint à la commune de réaliser ces travaux.

14. En premier lieu, la commune soutient que les premiers juges ne pouvaient lui enjoindre d'effectuer les travaux préconisés par l'expert dès lors que cette solution implique la création d'une servitude sur la propriété de M. B.... Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 6, l'emprise utilisée par la commune sur la parcelle de M. B... ne peut être regardée comme grevant un jardin ou une cour attenant à une habitation, au sens de l'article L. 152-l du code rural précité. En outre, M. B... a, dans son courrier du 11 décembre 2015 en réponse au pré-rapport d'expertise, déclaré être favorable à cette solution et demande, dans ses écritures, la confirmation du jugement enjoignant à la commune de procéder aux travaux proposés par l'expert. Ainsi, M. B... confirme qu'il est favorable à la régularisation de l'emprise irrégulière de la canalisation existante et à sa prolongation par l'instauration d'une servitude. Il conviendra, pour la commune, de formaliser cet accord soit par la conclusion d'une convention amiable à cet effet, soit par l'établissement d'une servitude conformément aux articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime.

15. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'érosion du terrain au débouché de la canalisation parait stabilisée alors que la pollution de l'étang de M. B..., " limitée mais réelle ", perdure ce qui révèle un défaut de l'ouvrage. L'utilité publique de la canalisation permettant l'évacuation des eaux du domaine public provenant de la route départementale n° 42 n'est pas contestable. Si l'expert envisage la suppression de ladite canalisation, il qualifie de " déraisonnable " la recherche d'un autre exutoire eu égard à la topographie des lieux. En outre, le coût des travaux envisagés par l'expert se limite à la somme de 8 916 euros. Par ailleurs, cette solution ne prévoit un réaménagement de l'évacuation des eaux pluviales par l'installation d'une canalisation que sur la parcelle de M. B... et elle tend à préserver la parcelle cadastrée n° 124 par l'éloignement de la canalisation de la limite de propriété et à résoudre le problème d'érosion par le branchement avec l'ancienne canalisation via un regard jouant le rôle de déversoir d'orage par simple débordement. Enfin, il résulte du rapport d'expertise d'une part, que l'impact de cette solution sur les parcelles 124 et 123 est positif dès lors que les étangs situés sur ces parcelles en seraient assainis et qu'elle n'engendre que la remise en service d'un fossé préexistant et d'autre part, que les propriétaires desdites parcelles ont déclaré ne pas s'y opposer. Par suite, dès lors que l'abstention de la commune n'est pas justifiée, c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande d'injonction de M. B....

16. Il résulte de ce qui précède que la commune n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges lui a enjoint, pour régulariser l'emprise et les nuisances qu'elle occasionne, de procéder aux travaux préconisés par l'expert à ses frais en installant une canalisation sur la propriété de M. B... dans le prolongement de celle en litige pour rejoindre à l'extrémité de sa propriété l'ancien fossé toujours ouvert.

17. C'est à bon droit que le tribunal administratif de Limoges a jugé qu'il n'y avait pas lieu d'assortir les conclusions à fin d'injonction d'une astreinte.

18. M. B... demande, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à des travaux complémentaires notamment à la mise en place d'un bac de décantation ou d'un filtre, ainsi qu'un système de pré-dépollution par séparateur hydrocarbure, déshuileur, dégraisseur afin de remédier au problème de pollution l'eau déversée sur sa propriété. S'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'analyses du laboratoire régional de contrôle des eaux de la ville de Limoges que l'eau de l'étang de M. B... est " très polluée en matière organique, en azote, phosphore, vraisemblablement d'origine agricole ", l'installation d'une canalisation permettant d'évacuer les eaux de la route et des terrains avoisinants jusqu'à un fossé préexistant aura pour effet de détourner ces eaux de l'étang de M. B... et de faire cesser la pollution. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Limoges consistant en un busage de l'évacuation des eaux pluviales ne serait pas suffisante pour remédier aux nuisances liées à l'ouvrage en cause. Son appel incident doit être rejeté.

Sur les conclusions indemnitaires :

19. Eu égard à l'ancienneté du litige, aux multiples relances de M. B... et aux nuisances causées par l'ouvrage irrégulièrement implanté, et en l'absence d'élément permettant d'établir l'aggravation des préjudices, les premiers juges n'ont fait ni une excessive ni une insuffisante appréciation du préjudice de jouissance subi par le requérant en l'évaluant à 6 000 euros.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bussière-Galant n'est pas fondée à soutenir que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges lui a enjoint de procéder aux travaux préconisés par l'expert, l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 6 000 euros en réparation des préjudices que lui a causé l'existence et le fonctionnement d'une canalisation de rejet des eaux pluviales sur sa propriété et que l'appel incident de M. B... doit être rejeté.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante, la somme que la commune de Bussière-Galant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Bussière-Galant une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bussière-Galant est rejetée.

Article 2 : L'appel incident de M. B... est rejeté.

Article 3 : La commune de Bussière-Galant versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bussière-Galant et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 27 février 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme E..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2020.

Le président,

Brigitte Phémolant

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX02827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18BX02827
Date de la décision : 14/05/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés - Voie de fait et emprise irrégulière.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité sans faute - Responsabilité encourue du fait de l'exécution - de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY-SABOURDY
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : FIDAL LIMOGES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-05-14;18bx02827 ?
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