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16/06/2020 | FRANCE | N°18BX01504

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 juin 2020, 18BX01504


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 juin 2016 par lequel le maire de Dolus d'Oléron a refusé de lui délivrer un permis de construire deux maisons individuelles sur un terrain situé 44 avenue de l'Océan et d'annuler la décision du 31 août 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1602445 du 8 février 2018, le tribunal a annulé le refus de permis de construire du 22 juin 2016 ainsi que la décision du 31 août 2016 et a enjoint à la c

ommune de réexaminer la demande de permis présentée par M. C....

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 juin 2016 par lequel le maire de Dolus d'Oléron a refusé de lui délivrer un permis de construire deux maisons individuelles sur un terrain situé 44 avenue de l'Océan et d'annuler la décision du 31 août 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1602445 du 8 février 2018, le tribunal a annulé le refus de permis de construire du 22 juin 2016 ainsi que la décision du 31 août 2016 et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis présentée par M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires présentés le 12 avril 2018, le 27 juillet 2018 et le 18 juillet 2019, la commune de Dolus d'Oléron, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1602445 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de fait en relevant que le terrain d'assiette du projet était entouré sur trois de ses côtés par des constructions ; les plans versés au dossier montrent qu'il n'en est pas ainsi ;

- le tribunal a fait une inexacte application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme pour juger que les dispositions de cet article ne pouvaient fonder le refus de permis de construire ; les plans et vues aériennes joints au dossier montrent que le terrain d'assiette du projet ne se situe pas en continuité avec un ou des villages existants ; le secteur dans lequel le projet doit être implanté ne comporte qu'une urbanisation diffuse et est dépourvu d'équipements collectifs ; la zone urbanisée la plus proche, à savoir le lieu-dit " la Rémigeasse " ne peut être qualifiée de village en raison de la faiblesse de son urbanisation ; le terrain d'assiette du projet n'est pas non plus en continuité avec une agglomération existante ; celle de la commune de Dolus d'Oléron est ainsi située à plus de 2 km ; les autres espaces urbains sont distants de 700 mètres ; le terrain d'assiette est en réalité situé dans une zone de rupture avec l'urbanisation existante ;

- si la cour estime que l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ne peut fonder le refus en litige, il lui reviendrait d'accueillir la substitution de motifs qu'elle a sollicitée en première instance ; en effet, le projet se situe dans un espace remarquable proche du rivage ; les dispositions de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme s'opposent ainsi au projet de M. C... ;

- il appartient à la cour d'écarter les autres moyens soulevés en première instance par M. C... à l'encontre de la décision en litige.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 juillet 2018, le 27 octobre 2018 et le 3 mars 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête de la commune ;

2°) d'enjoindre à la commune de lui délivrer le permis sollicité dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; subsidiairement, d'enjoindre à la commune de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 13 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 5 mars 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... A...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me G..., représentant la commune de Dolus d'Oléron.

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 juin 2016, M. C... a déposé en mairie de Dolus d'Oléron une demande de permis de construire deux maisons individuelles sur la parcelle cadastrée section CE n° 275, située 44 avenue de l'Océan au lieu-dit " Renfermis des Sables ". Par un arrêté du 22 juin 2016, le maire a refusé de délivrer le permis sollicité. Saisi par M. C... d'un recours gracieux, le maire a confirmé le refus de permis de construire par une décision du 31 août 2016. M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les décisions du 22 juin 2016 et du 31 août 2016 et par un jugement rendu le 8 février 2018, le tribunal a fait droit à ces conclusions. Le tribunal a aussi prescrit au maire de procéder à un nouvel examen de la demande de permis de construire. La commune de Dolus d'Oléron relève appel de ce jugement.

Sur la légalité du refus de permis de construire du 22 juin 2016 :

2. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

3. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et vues aériennes qui y ont été produits, que la parcelle de M. C... s'inscrit dans une vaste enveloppe urbanisée formée à 700 mètres à l'Ouest par le lieu-dit la Rémigeasse et qui s'étire au sud, de l'autre côté de l'avenue de l'Océan, vers les quartiers des Gâtines, des Sables et du Renfermis des Sables, où se trouve le terrain d'assiette du projet, avant de se prolonger côté Nord-Est en direction du quartier de l'Ecuissière. Cet ensemble urbain, composé en grande majorité de parcelles construites, s'étire sans discontinuité ou rupture d'urbanisation et les constructions qui s'y trouvent sont le plus souvent implantées en plusieurs rangs. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. C... jouxte des terrains bâtis sur ses côtés Est et Sud tandis qu'elle est longée, côté Ouest, par une voie d'accès de l'autre côté de laquelle plusieurs constructions avaient déjà, à la date du refus de permis contesté, été édifiées ou autorisées. Il existe aussi, dans un rayon d'environ 250 mètres autour du terrain de M. C..., plusieurs dizaines de constructions. Dans ces conditions, la partie du territoire communal dans laquelle se trouve la propriété de M. C..., alors même qu'elle ne comporte pas de commerces ou d'équipements collectifs, présente une densité significative de constructions et, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers a jugé que le maire a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme pour rejeter la demande de permis de construire présentée par M. C....

4. La commune de Dolus d'Oléron sollicite une substitution de motifs en faisant valoir que le refus de permis en litige pouvait légalement être fondé sur les dispositions des articles L. 121-23 et R. 121-4 du code de l'urbanisme.

5. En vertu de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols doivent préserver les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) 2° Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer (...) ".

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le boisement situé dans les environs immédiats de la parcelle de M. C..., qui se situe dans un secteur urbanisé, présenterait un intérêt écologique particulier du fait de la présence d'une végétation et d'une avifaune riche. Cet intérêt ne se déduit ni de la seule circonstance que la parcelle se trouve à proximité du site classé " ensemble littoraux et marais ", dont elle est toutefois séparée par l'avenue de l'Océan, ni de la seule volonté des auteurs du plan local d'urbanisme, exprimée de façon générale dans les documents de ce plan, de protéger les espaces boisés caractéristiques du patrimoine littoral. Au demeurant, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas entendu qualifier la parcelle de M. C... et ses environs d'espaces naturels remarquables, identifiés dans les documents graphiques sous les sigles Ar, Ao et Nr. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Poitiers, après avoir relevé que la parcelle de M. C... n'était pas incluse dans un espace naturel remarquable au sens des dispositions des articles L. 121-3 et R. 121-4 du code de l'urbanisme, a refusé de faire droit à la substitution de motifs sollicitée par la commune.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Dolus d'Oléron n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé le refus de permis de construire du 22 juin 2016 et la décision du 31 août 2016 refusant de retirer ce permis.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation (...) ne peut faire l'objet d'un nouveau refus (...) sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive (...) ".

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

10. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui, eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.

11. En cas d'annulation, par une nouvelle décision juridictionnelle, du jugement ou de l'arrêt ayant prononcé, dans ces conditions, une injonction de délivrer l'autorisation sollicitée et sous réserve que les motifs de cette décision ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à un nouveau refus de cette autorisation, l'autorité compétente peut la retirer dans un délai raisonnable qui ne saurait, eu égard à l'objet et aux caractéristiques des autorisations d'urbanisme, excéder trois mois à compter de la notification à l'administration de la décision juridictionnelle. Elle doit, avant de procéder à ce retrait, inviter le pétitionnaire à présenter ses observations.

12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les motifs de refus opposés par la commune sur le fondement des dispositions en vigueur à la date de la décision en litige ne peuvent fonder ce refus. Il résulte par ailleurs de ce qui a été dit aux points 10 et 11 ci-dessus que la commune ne peut utilement invoquer, pour s'opposer à ce qu'il lui soit ordonné de délivrer le permis sollicité par M. C..., les dispositions du plan de prévention des risques naturels approuvé par arrêté préfectoral du 17 août 2018, soit postérieurement à la décision de refus contestée. Par suite, M. C... est fondé à demander qu'il soit ordonné au maire de la commune de lui délivrer le permis qu'il a sollicité. Il y a lieu de fixer à trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir le délai dans lequel cette mesure devra être prise. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la commune de Dolus d'Oléron demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Dolus d'Oléron la somme de 1 500 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 18BX01504 présentée par la commune de Dolus d'Oléron est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Dolus d'Oléron de délivrer à M. C... le permis de construire sollicité dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 8 février 2018 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Dolus d'Oléron versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel de M. C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dolus d'Oléron et à M. B... C....

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... A..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 18BX01504


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01504
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Refus du permis.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire - Légalité au regard de la réglementation nationale.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : SCP DROUINEAU COSSET BACLE LE LAIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-16;18bx01504 ?
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