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22/06/2020 | FRANCE | N°20BX00859

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 20BX00859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet de l'Indre a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902129 et n° 1902130 du 13 février 2020 procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces

demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2020, M....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... et Mme A... E... ont demandé au tribunal administratif de Limoges, par deux requêtes distinctes, d'annuler les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet de l'Indre a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1902129 et n° 1902130 du 13 février 2020 procédant à la jonction des requêtes, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2020, M. B... E... et Mme A... E..., représentés par Me F..., demandent à la cour :

1°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement en date du 13 février 2020 du tribunal administratif de Limoges ;

3°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Indre en date du 4 novembre 2019 pris à leur encontre ;

4°) d'enjoindre au préfet de l'Indre de leur délivrer un titre de séjour et, à défaut, de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés attaqués sont entachés d'une insuffisance de motivation ;

- ils ont été pris en méconnaissance du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- ils sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ils ont été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2020, le préfet de l'Indre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les appelants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... E... et Mme A... E..., ressortissants marocains respectivement nés les 22 octobre 1985 et 31 août 1984, sont entrés régulièrement en France le 30 décembre 2018, munis d'un visa de court séjour, en compagnie de leur fils mineur né le 19 décembre 2014. Par deux arrêtés en date du 4 novembre 2019, le préfet de l'Indre a refusé de leur délivrer les titres de séjour qu'ils sollicitaient, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. et Mme E... relèvent appel du jugement du 13 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2019 pris à leur encontre.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétence du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétence ou son président. (...) ".

3. M. et Mme E... ont sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle par deux demandes enregistrées par le bureau d'aide juridictionnelle respectivement sous les n°s 2020/006345 et 2020/006346. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, M. et Mme E... n'ont invoqué devant les premiers juges que des moyens relatifs à la légalité interne des arrêtés contestés. Le moyen tiré de ce que le préfet de l'Indre aurait insuffisamment motivé ces décisions, moyen qui relève de la légalité externe et qui n'est pas d'ordre public, est ainsi fondé sur une cause juridique distincte. Il constitue une demande nouvelle en appel et n'est par suite pas recevable.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ".

6. M. et Mme E... soutiennent qu'ils sont bien intégrés en France où leur fils mineur est scolarisé en maternelle et se prévalent de la présence régulière sur le territoire français des parents, d'une soeur et d'un frère de M. E.... Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les appelants, entrés récemment en France, le 30 décembre 2018, ont entretenu des liens effectifs avec la famille de M. E... arrivée en France, s'agissant de son père, en 2007 et, s'agissant de sa mère et d'une partie de sa fratrie, en 2009. Il ne ressort pas davantage des pièces versées au dossier qu'ils auraient tissé en France des liens d'une particulière intensité et stabilité. Les seuls faits que M. E... participe à des activités bénévoles auprès de la banque alimentaire et bénéficie d'une promesse d'embauche en qualité de chargé d'entretien d'une maison et de chauffeur particulier ne suffisent pas à démontrer une intégration particulière dans la société française. M. et Mme E... faisant tous deux l'objet de mesures d'éloignement identiques, rien ne s'oppose à une reconstitution de la cellule familiale au Maroc où il n'est pas établi que leur fils, âgé de quatre ans et demi, ne pourrait poursuivre sa scolarité. En outre, ils ne sont pas dépourvus d'attaches au Maroc où vivent notamment des personnes appartenant à la famille de Mme E.... Dans ces conditions, les décisions en litige n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des appelants une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'ont donc méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. ".

8. En se prévalant des éléments et circonstances exposés au point 6, M. et Mme E... n'établissent pas que leur admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Indre aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard desdites dispositions doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer au Maroc ni que le fils mineur des époux E... ne pourrait y poursuivre sa scolarité. La seule circonstance que l'enfant est bien intégré au sein de son école maternelle ne suffit pas à établir que le préfet de l'Indre n'aurait pas porté l'attention requise à l'intérêt supérieur de cet enfant en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance desdites stipulations ne peut être qu'écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 4 novembre 2019 du préfet de l'Indre. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et celles tendant au paiement des " entiers dépens " de l'instance, laquelle n'en comprend au demeurant aucun, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : M. et Mme E... sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020,à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00859 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00859
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GOMOT-PINARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;20bx00859 ?
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