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22/06/2020 | FRANCE | N°20BX00890,20BX00891

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 22 juin 2020, 20BX00890,20BX00891


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. B... G... et Mme A... G... ont demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les arrêtés du 11 février 2020 par lesquels le préfet de l'Indre les a assignés à résidence dans le département de l'Indre pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, avec obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Chateauroux et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de modifier les modalités d'assignation à réside

nce auxquelles ils ont été soumis, dans un délai de quinze jours à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. B... G... et Mme A... G... ont demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler les arrêtés du 11 février 2020 par lesquels le préfet de l'Indre les a assignés à résidence dans le département de l'Indre pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, avec obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Chateauroux et, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de modifier les modalités d'assignation à résidence auxquelles ils ont été soumis, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n°s 2000226, 2000227 et 2000228 du 14 février 2020 procédant à la jonction des requêtes, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés du 11 février 2020 par lesquels le préfet de l'Indre a assigné M. B... G... et Mme A... G... à résidence et a rejeté le surplus de leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête enregistrée sous le n° 20BX00890 le 11 mars 2020, le préfet de l'Indre demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 14 février 2020 en tant qu'il a annulé l'arrêté d'assignation à résidence pris à l'encontre de Mme A... G....

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté d'assignation à résidence pris à l'encontre de Mme A... G... au motif qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article L. 561- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par Mme G... à l'appui de son recours pour excès de pouvoir ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2020, Mme G..., représentée par Me H..., conclut à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat des " entiers dépens " qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

Par une décision du 11 juin 2020, Mme G... a été maintenue dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

II - Par une requête enregistrée sous le n° 20BX00891 le 11 mars 2020, le préfet de l'Indre demande à la cour d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges du 14 février 2020 en tant qu'il a annulé l'arrêté d'assignation à résidence pris à l'encontre de M. B... G....

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté d'assignation à résidence pris à l'encontre de M. B... G... au motif qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article L. 561- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les autres moyens soulevés par M. G... à l'appui de son recours pour excès de pouvoir ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2020, M. G..., représenté par Me H..., conclut à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat des " entiers dépens " qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

Par une décision du 11 juin 2020 M. G... a été maintenu dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... G... et Mme A... G..., ressortissants marocains respectivement nés les 22 octobre 1985 et 31 août 1984, sont entrés régulièrement en France le 30 décembre 2018, munis d'un visa de court séjour, en compagnie de leur fils mineur né le 19 décembre 2014. Par deux arrêtés en date du 4 novembre 2019, le préfet de l'Indre a refusé de leur délivrer les titres de séjour qu'ils sollicitaient, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par deux arrêtés en date du 11 février 2020, le préfet de l'Indre les a assignés à résidence dans le département de l'Indre pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, avec obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Chateauroux. Par un jugement du 13 février 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté les conclusions de M. et Mme G... tendant à l'annulation des arrêtés du 4 novembre 2019. Par un jugement du 14 février 2020, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a annulé non seulement les arrêtés du 11 février 2020 pris à l'encontre de M. B... G... et de Mme A... G... mais également l'arrêté du même jour assignant M. F... G... à résidence. Le préfet de l'Indre relève appel de ce dernier jugement en tant qu'il concerne M. B... G... et Mme A... G....

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 20BX00890 et n° 20BX00891 concernent la situation d'un couple. Elles présentent ainsi à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétence du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétence ou son président. (...) ".

4. Par deux décisions du 11 juin 2020 M et Mme G... ont été maintenus dans le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Dès lors, leurs demandes tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Pour annuler les arrêtés du préfet de l'Indre du 11 février 2020 prononçant les assignations à résidence de M. et Mme G..., le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur le fait que le préfet de l'Indre avait fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article L. 561- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il avait pris les mesures d'assignation alors que le délai de trente jours laissé aux intéressés pour quitter le territoire français, interrompu par les recours exercés à l'encontre des obligations de quitter le territoire français, n'était pas expiré.

6. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article L. 512-3 du même code : " Les articles L. 551-1 et L. 561-2 sont applicables à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai de départ volontaire qui lui a été accordé ou, si aucun délai n'a été accordé, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français. / L'obligation de quitter le territoire français ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration du délai de départ volontaire ou, si aucun délai n'a été accordé, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, ni avant que le tribunal administratif n'ait statué s'il a été saisi. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 513-1 du code précité : " (...) L'obligation de quitter le territoire français avec un délai de départ volontaire, qui n'a pas été contestée devant le tribunal administratif dans les délais prévus aux I et I bis du même article L. 512-1 ou qui n'a pas fait l'objet d'une annulation, peut être exécutée d'office à l'expiration du délai de départ volontaire. (...) ".

7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger ayant fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré peut-être assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours quand bien même il aurait exercé un recours contentieux pour contester l'obligation de quitter le territoire français. Il ne résulte en revanche pas de ces mêmes dispositions que le délai de départ volontaire de trente jours prévu au II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait interrompu ou, à tout le moins, suspendu par l'exercice d'un tel recours juridictionnel.

8. Il ressort des pièces des dossiers que les arrêtés du 4 novembre 2019 par lesquels le préfet de l'Indre a obligé M. et Mme G... à quitter le territoire français et assorti ces mesures d'un délai de départ volontaire ont été notifiés aux intéressés le 5 novembre 2019. Le délai de départ volontaire n'ayant pas été interrompu ou suspendu par les recours pour excès de pouvoir dirigés contre ces arrêtés, il était expiré à la date des arrêtés en litige portant assignation à résidence.

9. Dans ces conditions, le préfet de l'Indre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 14 février 2020, le magistrat désigné du tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés du 11 février 2020 portant assignation à résidence de M. et Mme G... au motif qu'il avait fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article L. 561- 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Limoges et devant la cour.

11. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative étant dépourvues d'incidence sur la légalité de cette décision, le moyen tiré de ce que les arrêtés d'assignation attaqués n'auraient pas été régulièrement notifiés à M. et Mme G... est inopérant à l'appui des recours pour excès de pouvoir exercés à l'encontre de ces arrêtés.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le préfet de l'Indre a assigné M. et Mme G... à résidence dans le département de l'Indre pour une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois, et leur a fait obligation de se présenter trois fois par semaine au commissariat de police de Chateauroux. Les intéressés n'ont produit aucun élément justifiant que l'état de grossesse de Mme G... serait incompatible avec cette obligation de pointage. Dès lors, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en tout état de cause de celles des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

13. En troisième lieu, les arrêtés contestés n'ayant ni pour objet ni pour effet de renvoyer M. et Mme G... dans leur pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Indre est fondé à demander l'annulation du jugement du 14 février 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a annulé les arrêtés du 11 février 2020 portant assignation à résidence de M. B... G... et de Mme A... G.... Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par les intéressés ainsi que celles tendant au paiement des " entiers dépens " de l'instance, laquelle n'en comprend au demeurant aucun.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M et Mme G... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le jugement n°s 2000226, 2000227 et 2000228 du 14 février 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges est annulé en tant qu'il concerne M. B... G... et Mme A... G....

Article 3 : La demande de M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Limoges et le surplus de leurs conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... G... et à Mme A... G.... Une copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme D... C..., présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 juin 2020.

Le président,

Pierre Larroumec

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 20BX00890, 20BX00891 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00890,20BX00891
Date de la décision : 22/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-04-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour. Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : GOMOT-PINARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-22;20bx00890.20bx00891 ?
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