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30/06/2020 | FRANCE | N°18BX01911

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 30 juin 2020, 18BX01911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 octobre 2016 de la préfète déléguée pour la défense et la sécurité, zone de défense Sud-Ouest, refusant d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605273 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a

annulé la décision du 19 octobre 2016 refusant d'agréer la candidature de M. A... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 19 octobre 2016 de la préfète déléguée pour la défense et la sécurité, zone de défense Sud-Ouest, refusant d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1605273 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 19 octobre 2016 refusant d'agréer la candidature de M. A... à un emploi de gardien de la paix de la police nationale et a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 mai 2018, et un mémoire enregistré le 8 novembre 2018, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par M. A....

Il soutient que :

- la circonstance que le 4 octobre 2018, en exécution du jugement du 3 avril 2018, le préfet de zone de défense et de sécurité a accordé l'agrément à M. A..., qui a pu intégrer un centre de formation, ne signifie pas qu'il entend se désister de son appel ou qu'il y aurait lieu pour la juridiction de prononcer un non-lieu à statuer ;

- la nature de l'acte commis entachait gravement la moralité du candidat et les faits commis étaient incompatibles avec les fonctions d'agent actif de la Police Nationale ;

- il incombe à l'administration, dans l'intérêt du service, d'apprécier si les candidats à un emploi dans les services de la police nationale présentent les garanties nécessaires pour l'exercice des fonctions sollicitées ;

- les faits commis manifestent un manque de respect de M. A... envers la police nationale qu'il envisage d'intégrer ; l'autorité de police a, à juste titre, estimé qu'il ne présentait pas les garanties nécessaires pour l'exercice des fonctions sollicitées ;

- s'agissant de la légalité de la décision du 19 octobre 2016, il s'en remet aux écritures présentées en première instance par le préfet de défense et de sécurité Sud-Ouest et ajoute que cette décision a été prise par une autorité compétente.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2019, M. A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de constater le non-lieu à statuer sur la requête du ministre de l'intérieur ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête du ministre de l'intérieur ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du ministre de l'intérieur, la décision du 26 octobre 2018 devant s'analyser comme une décision de retrait de la décision du 19 octobre 2016, contestée en première instance ;

- les faits reprochés à l'encontre de M. A... ne sont pas d'une particulière gravité de nature à justifier le refus d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale ;

- pour le surplus, il s'en remet à ses écritures présentées en première instance.

Par une ordonnance du 10 mai 2019 la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juillet 2019 à 12h00.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

- le décret n° 95-1197 du 6 novembre 1995 ;

- le décret n° 2004-1339 du 7 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 30 décembre 2005 portant déconcentration en matière de gestion des fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... B...,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;

- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 18 mars 1987, a été admis sur liste principale du concours externe de gardien de la paix affectation en Ile-de-France, à la session du 15 septembre 2015. A la suite de l'enquête administrative menée sur son comportement, la préfète déléguée de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest a, par la décision du 19 octobre 2016, refusé d'agréer sa candidature à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale. Il a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Bordeaux. Par un jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fins de non-lieu à statuer :

2. Si, par une décision du 4 octobre 2018, la préfète déléguée pour la défense et la sécurité Sud-Ouest a émis un avis conforme à la candidature de M. A... à l'emploi de gardien de la paix de la police nationale, il ressort des pièces du dossier que cette décision a été prise en exécution du jugement du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Bordeaux qui a annulé la décision du 19 octobre 2016 refusant d'agréer sa candidature. Dans ces conditions, la délivrance de cet agrément ne prive pas d'objet l'appel du ministre de l'intérieur.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 1er du décret n°2004-1339 du 7 décembre 2004 relatif à la déconcentration de la représentation de l'Etat devant les tribunaux administratifs dans les litiges nés de décisions prises par les préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police et dans les départements d'outre-mer les services administratifs et techniques de la police : " Les préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police et dans les départements d'outre-mer les services administratifs et techniques de la police reçoivent délégation de compétence à l'effet de représenter l'Etat devant les tribunaux administratifs dans les litiges relatifs aux décisions qu'ils prennent dans le cadre des compétences qui leur sont déléguées sur le fondement du décret du 6 novembre 1995 susvisé ". Aux termes de l'article 1er du décret n°95-1197 du 6 novembre 1995 portant déconcentration en matière de gestion des personnels de la police nationale: " Le recrutement et la gestion des personnels actifs et des personnels techniques et scientifiques de la police nationale peuvent, dans les conditions prévues au présent décret, être délégués, par arrêté du ministre de l'intérieur, aux préfets de zone de défense et de sécurité et, dans les départements d'outre-mer, aux préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police (...)". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 30 décembre 2005 portant déconcentration en matière de gestion des fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Pour l'ensemble des trois corps de fonctionnaires actifs des services de la police nationale, à l'exception des personnels servant en administration centrale, les préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police et, dans les départements d'outre-mer, les services administratifs et techniques de la police, d'une part, ainsi que le représentant de l'Etat à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon et le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, d'autre part, reçoivent délégation pour prendre les décisions concernant : (...) Cette même délégation vaut également pour l'approbation des candidatures aux concours de recrutement dans les corps considérés, ainsi que pour l'organisation matérielle de ces concours ".

4. Il résulte de ces dispositions que le préfet, sous l'autorité duquel sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police, dispose d'une délégation de pouvoir du ministre de l'intérieur pour agréer les candidats aux concours des services actifs de la police nationale.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 22 juillet 2016, le préfet de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest a donné à M. Stéphane Aubert, secrétaire général adjoint du SGAMI Sud-Ouest, une délégation de signature pour signer tous actes, arrêtés, décisions et documents concernant le SGAMI Sud-Ouest, relatifs notamment au recrutement, à la gestion administrative et financière des personnels actifs, administratifs, techniques, scientifiques, spécialisés et contractuels du ministère de l'intérieur. C'est dès lors à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a retenu le moyen tiré l'incompétence de l'auteur de l'acte.

6. Toutefois, aux termes de l'article 19 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité : " (...) En raison du caractère particulier de leurs missions et des responsabilités exceptionnelles qu'ils assument, les personnels actifs de la police nationale constituent dans la fonction publique une catégorie spéciale. Le statut spécial de ces personnels peut déroger au statut général de la fonction publique afin d'adapter l'organisation des corps et des carrières aux missions spécifiques de la police nationale. ". L'article 5 de la loi 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dispose que : " (...) Nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (...) si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions. ". L'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Les décisions administratives (...) d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois publics participant à l'exercice des missions de souveraineté de l'Etat (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. ". Enfin, l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs de la police nationale dispose que : " Outre les conditions générales prévues par l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et les conditions spéciales prévues par les statuts particuliers, nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : (...) 3° Si sa candidature n'a pas reçu l'agrément du ministre de l'intérieur. ".

7. S'il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les candidats à un emploi des services actifs de la police nationale présentent les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles ils postulent, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de vérifier que le refus d'agrément d'une candidature est fondé sur des faits matériellement exacts et de nature à le justifier légalement.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser d'accorder à M. A... l'agrément nécessaire à sa nomination dans l'emploi de gardien de la paix, la préfète de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest s'est fondée sur la circonstance que la consultation du bulletin n° 2 de son casier judiciaire fait état d'une condamnation pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique prononcée par le tribunal correctionnel d'Arras le 7 janvier 2013 pour des faits commis le 25 août 2012 à Saint-Pol-sur-Ternoise (62).

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du jugement du tribunal correctionnel d'Arras du 7 janvier 2013, que le 25 août 2012, à 4h35, à Saint-Pol-sur-Ternoise, M. A... était en état d'ivresse dans un lieu public, en l'espèce le parking d'une discothèque, et a été interpelé pour ivresse publique et manifeste. Au cours de son transport vers les locaux de la gendarmerie puis à son arrivée dans les locaux, il a proféré des insultes, les accompagnant de gestes obscènes, à l'égard des militaires présents, qu'il connaissait, puisqu'il était alors gendarme adjoint volontaire. Il a été condamné pour les premiers faits à 50 euros d'amende et pour les seconds, à accomplir un travail d'intérêt général d'une durée de 70 heures. Par ailleurs, ces derniers faits ont été inscrits sur le bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Toutefois, ces agissements, pour très regrettables qu'ils soient, commis plus de quatre ans avant la décision en litige, sont relativement anciens et demeurent isolés. Le ministre de l'intérieur ne fait état d'aucun comportement répréhensible de M. A... depuis la commission de ces faits. Dans ces conditions, ces faits ne suffisent pas à considérer que le comportement de M. A... était, à la date de la décision litigieuse, incompatible avec les fonctions de gardien de la paix de la police nationale. Par suite, il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que le refus d'agrément en litige était entaché d'erreur d'appréciation et a annulé la décision du 19 octobre 2016 en litige.

Sur les frais d'instance :

10. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. A... au titre de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. H... A....

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... I..., présidente,

Mme G... J..., présidente-assesseure,

Mme D... B..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

La présidente,

Brigitte I...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 18BX01911 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18BX01911
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : BALTAZAR

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-30;18bx01911 ?
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